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Revendications des Peuples Noirs
(posté le: 21.12.2005      par     )



Par MOUKOKO PRISO

Il faut cesser la répression contre les étudiants !

Par MOUKOKO PRISO Professeur de Mathématiques Secrétaire général de l’Upc

La récente décision du gouvernement de MM. Biya et Inoni, agissant via un recteur d’université et un procureur de la République, de traduire en justice le 12 janvier 2006 une douzaine de jeunes étudiants accusés de “ rébellion contre l’Etat… ”, rappelle une des périodes les plus sombres de l’histoire des rapports entre l’Etat kamerunais et les étudiants de ce pays depuis 1960. Même le vocabulaire d’avant 1990 ressort, comme sous l’état d’urgence permanent sous Ahmadou Ahidjo et ses amis Jean Fochivé et consorts. Par exemple, début octobre 1970, M. Ahidjo et ses amis firent passer devant un tribunal militaire deux des dirigeants d’alors, de l’Union nationale des étudiants du Kamerun (Unek) : le président et le vice-président à l’Information. Le motif invoqué était déjà “ la subversion ”. Parce que le petit journal de l’Unek, “ l’Etudiant du Kamerun ”, critiquait vertement la politique du pouvoir Unc à l’université de Yaoundé : manque criard de chambres à la cité universitaire, et de places au restaurant universitaire ; insuffisance de laboratoires et d’enseignants qualifiés, insuffisance de bourses pour les étudiants à l’étranger, etc. Autrement dit, pratiquement les mêmes maux qu’aujourd’hui, 35 ans plus tard, en plein “ renouveau et grandes ambitions ”. Si donc en 2005, un procureur de la République peut, au nom de la justice manifestement transformée en instrument par le pouvoir politique, traduire devant un tribunal de jeunes étudiants pour cause de “ rébellion contre l’Etat, organisation de manifestations illégales, etc. ” , chaque Kamerunais, femme ou homme, jeune ou vieux, peut alors mesurer combien notre pays a fait des progrès depuis 1960 en matière de libertés, de démocratie et de bonne gouvernance. Ou alors, en réalité, combien le pays a reculé.

Une date révélatrice

Le choix même de la date du procès, le 12 janvier, est symbolique. En plein début d’année, dans tous les pays du monde, les gouvernements et chefs d’Etat en sont encore généralement à souhaiter “ la Bonne année ” à leurs peuples et à leurs jeunesses, “ fer de lance de la nation et incarnation de l’avenir du pays, etc. ” Dans ces conditions, n’est-il pas révélateur que chez nous, les vœux de “ Bonne et heureuse année ” à la jeunesse, par MM. Biya et Inoni, consistent à traîner en justice une douzaine de jeunes innocents, dont le seul crime est de penser à leur avenir et à un avenir meilleur pour toute la jeunesse kamerunaise ?
Le 12 janvier, le Kamerun et les Kamerunais seront exactement à 1 mois du 11 février, présenté comme le jour de la “ fête de la jeunesse ” du pays. Donc le 11 février 2006, un mois seulement après avoir traîné devant un tribunal bizarre une douzaine de jeunes étudiants innocents, quel message le président de la République et son Premier ministre-chef du gouvernement enverront-ils à cette jeunesse ? Comment les 120.000 étudiants officiels du pays devront-ils accueillir le message du président et de son Premier ministre, alors même que certains des leurs auront été tués à Buea sous le recteur Dorothy Njeuma en mai dernier (depuis la dernière “ fête ”), et que 12 autres auront été condamnés à Yaoundé sous le même recteur, un mois (1 mois seulement) avant, à des peines de prison ou de renvoi de toutes les universités du pays ? Tout le monde dans le pays se souvient que, comme veut le faire le recteur Njeuma appuyé par le président Abouem a Tchoyi, un renvoi analogue fut décidé naguère par M. Titus Edzoa contre les leaders étudiants des années 1990-93, avant que ce monsieur ne tombe lui-même dans les griffes du Kk/Cpdm/Rs (King Kong Cpdm repressive system), dont il goûte encore les délices, pour avoir osé se livrer à une “ rébellion contre l’Etat… ” et autres manifestations illégales, en osant vouloir envisager de voir s’il ne pourrait pas se présenter à une élection présidentielle.

Curieux silence des guetteurs éveillés

Une première chose qui, dans cette affaire, frappe tout observateur sérieux, surtout s’il est Kamerunais, c’est le silence assourdissant, lourd de signification, de la communauté enseignante des universités. A l’exception, il est vrai, du Synes (Syndicat national des enseignants du supérieur) ; et c’est tout à l’honneur de ce syndicat. Mais ce qu’on eut pu penser, c’est que, face à la justesse (en gros) des revendications estudiantines, nos chers compatriotes enseignants, que le “ grand quotidien national Cameroon Tribune ” nous présentait en 2004, avant ce qui devait tenir lieu d’élection présidentielle, comme “ les intellectuels-intelligentsia-intellos ”, que ces personnes donc, allaient user de leur influence pour au moins calmer le zèle répressif du pouvoir contre les jeunes qui sont après tout leurs étudiants (non ?). En 2004, ils se présentaient eux-mêmes comme des “ sentinelles guetteurs d’avenir ”. Ils ne peuvent donc pas s’endormir, car ils risquent, et la nation avec eux, d’être surpris par tous les dangers. Ils se répandaient dans les journaux (Cameroon Tribune surtout), pour expliquer qu’il est du devoir d’un “ intellectuel ” de prendre position dans les questions capitales qui agitent la cité. Mais où sont-ils donc depuis avril et mai derniers, alors que leurs étudiants sont matraqués, brutalisés, torturés et menacés de mort sinon parfois carrément tués ? Faute d’avoir su guetter et prévoir la juste révolte des étudiants (tout le monde peut se tromper), ils auraient au moins pu se rattraper après coup, en prenant, même discrètement, la défense de leurs étudiants. Malheureusement, rien, absolument rien, ne suggère qu’ils l’ont fait. Au contraire, ils sont là, tapis dans l’ombre, guettant et attendant les prochaines nominations par décret-actes du chef de l’Etat.

Ici, on ne peut s’empêcher de se souvenir de quelques faits qui ont jalonné la jeunesse des gens de notre classe d’âge, quand ils étaient étudiants.

En 1958 ou 1959 si ma mémoire est encore bonne, la guerre d’indépendance battait son plein au Kamerun, mais aussi en Algérie. On envoyait alors en Algérie plein de jeunes, et notamment des étudiants français se faire tuer pour une mauvaise cause (le colonialisme), qu’on tente depuis cette année de blanchir par des lois provocatrices et infâmes . Alors, plusieurs de ces jeunes finirent par se révolter, et déclarèrent leur refus d’aller combattre les nationalistes algériens : ils se déclarèrent désormais “ insoumis ”. Le gouvernement français voulut matraquer ces jeunes et les obliger à aller risquer de se faire tuer. Les jeunes étaient menacés de passer devant des tribunaux militaires, des cours martiales, etc. Immédiatement, des intellectuels français, universitaires et autres, 120+1, réagirent, en signant un “ Manifeste ” dans lequel ils déclaraient leur soutien aux jeunes et à leur droit à l’insoumission. Donc contre le gouvernement français. Assez curieusement, le ministre français des armées s’appelait alors Pierre Messmer, cet ancien gouverneur des colonies au Kamerun, grand ami de l’apostat Kodock Bayiha Augustin (ministre d’Etat Rdpc actuel de M. Biya et Inoni). C’est ce même Messmer qui, en grossier personnage, lance des bordées d’injures contre les glorieuses mémoires des Upécistes morts en héros pour l’indépendance du Kamerun, et notamment contre la mémoire de Um Nyobe et Félix Moumié, dans le film récent du réalisateur suisse Frank Gaberly traitant de l’assassinat, par les colonialistes français, du docteur Moumié.

Et encore, en 1970-1971, lorsque le gouvernement de M. Ahidjo et ses amis Jean Fochivé et autres, fit condamner le Président et le vice-président à l’Information de l’Unek par le tribunal de Yaoundé, et garda arbitrairement le vice-président en détention administrative à Batouri, plusieurs universitaires, et notamment le mathématicien Laurent Schwartz (médaillé Fields, équivalent du prix Nobel pour les mathématiques), qui avait eu le vice-président de l’Unek comme élève à l’Ecole polytechnique de Paris, et avait le président de l’Unek comme étudiant de 3è cycle en mathématiques à l’Institut Henri Poincaré (faculté des sciences de Paris), réagirent dès qu’ils furent informés de cette ignominie, en soutenant leurs élèves, tout comme le firent des universitaires de pays africains divers (Sénégal, Nigéria, Zimbabwe, etc). Tous demandèrent instamment que cessent ces pratiques grossières et inacceptables.

Encore toujours, en 1985-86, alors que le renégat Kodock était installé à la mangeoire Rdpc, le gouvernement de M. Biya fit arrêter plusieurs dirigeants de l’Upc dans le pays. C’était avant 1990, bien que depuis, beaucoup de gens tentent de réécrire l’histoire en prétendant que c’est seulement en 1990 qu’a commencé la lutte pour la démocratie et le multipartisme. Depuis au moins 1983, l’Upc demandait fortement le retour au multipartisme. On jeta donc ces dirigeants de l’Upc à la Bmm à Yaoundé, on en tortura certains physiquement. Ils étaient souvent des diplômés des universités et grandes écoles françaises : mathématiciens, pharmaciens, démographes, biologistes, architectes, hydrologues, docteurs en ceci ou en cela (de vrais docteurs ceux-là, même s’ils ne le collent pas tout le temps sur leurs fronts !). Dès qu’ils furent informés de ces évènements, des tas d’universitaires français, qui les avaient eu comme étudiants, se mobilisèrent pour exiger leur libération. Parfois, ils déclaraient : “ Mais c’est pas possible avec votre gouvernement ; nous, on lui forme des cadres de haut niveau ; et lui, il passe le temps à les jeter en prison ; comment pense-t-il développer votre pays ? ”

Voilà quelques exemples de ce que nos maîtres nous ont appris comme comportement des universitaires dans des situations de ce type ; sans pour autant être forcément opposants au pouvoir en place. Mais dans le monde entier, de tels comportements sont considérés comme des comportements de principe, de la part d’universitaires qui se respectent.

Hélas, nos intellectuels-intelligentsia guetteurs d’avenir, qui avaient pourtant promis en 2004 (il y a juste un an) que le Rdpc et son chef feraient des miracles de grandes ambitions( !), se taisent à présent, comme frappés d’apoplexie, alors que leurs élèves sont matraqués, brutalisés et torturés grossièrement sur les campus et dans les commissariats, menacés d’être jugés et condamnés par ce même pouvoir Rdpc.

Nous reviendrons plus loin sur les raisons qui expliquent fondamentalement ce comportement, dont un historien kamerunais a commencé à parler récemment dans le journal Le Messager (J. Achille Mbembe). Pour le moment, regardons de près les arguments avancés pour justifier le passage programmé des étudiants devant les tribunaux.

Des arguments bien curieux

Les dirigeants de l’université de Yaoundé I, le recteur Dorothy Njeuma et M. Abouem a Tchoyi David, tentent de justifier leur hargne répressive contre les leaders étudiants Mouaffo Djontu Eric, Linjoum Mbowou, Messi Balla et Okala Ebode, respectivement président, vice-président, secrétaire général et secrétaire à l’Organisation de l’Addec et leurs camarades, par des arguments pour le moins curieux et étranges. Certains de ces arguments trahissent cette forme de Sida intellectuel très répandu depuis quelque temps dans certains milieux kamerunais qui ont la prétention de constituer des élites.

D’abord, Madame le recteur Njeuma, qui, en sa qualité de recteur à Buea lors des grèves étudiantes d’avril-mai 2005, a déjà sur la conscience des morts de jeunes qui auraient pu être ses propres enfants (mais ça, elle s’en fout puisqu’elle a apparemment pour seul objectif de redevenir ministre Rdpc), Mme Njeuma donc, prétend que les jeunes qui vont être jugés le 12 janvier prochain, ne sont pas des étudiants. Au motif qu’ils ne sont pas encore inscrits pour l’année universitaire 2005-2006 puisqu’ils n’ont pas encore payé leurs frais universitaires obligatoires de 50.000 francs.

Primo, Dorothy Njeuma ne nie donc pas que ces jeunes étaient régulièrement inscrits en 2004-2005. Secundo, dans ces conditions, des étudiants inscrits une année, et qui participent à un mouvement de contestation estudiantine de grande ampleur à la rentrée suivante (comme il y en a souvent dans tous les pays du monde) et qui, de ce fait, n’ont pas encore ( !) payé les frais pour cette nouvelle année, frais dont la légitimité est contestée par la masse des étudiants, eh bien, ces étudiants-là, ne peuvent en aucun cas, être considérés comme rayés de leur université ! L’argutie de Madame Njeuma ne tient pas la route. Nulle part au monde. Puisqu’il y a conflit de légitimité, il est normal qu’on attende la fin du conflit pour décider en fonction des conclusions auxquelles on aboutira. La chose semble si claire qu’on est donc en droit de se demander si Madame le recteur ne vend pas en fait la mèche, c’est-à-dire, qu’elle suggère sans doute, tout simplement, la décision que le tribunal prendra, qu’il devra prendre, le 12 janvier prochain. A savoir condamner les étudiants concernés à des peines les chassant de fait de l’université après coup. Dorothy Njeuma ferait mieux de ne pas oublier le sort de Titus Edzoa, qui chassa froidement d’autres étudiants en 1993, et pensa avoir verrouillé “ ses universités ” pour l’éternité. Maintenant, la nouvelle génération se présente devant le pouvoir, tout aussi désireuse d’avoir des conditions normales pour étudier, être bien formée afin de servir le pays sans conseillers techniques étrangers…

Prétendre que Mouaffo, Linjouom, Messi Balla , Okala et leurs camarades ne sont que “ de simples citoyens qui incitent les vrais étudiants à la révolte contre l’autorité étatique ” , propos des dirigeants de l’université de Yaoundé I rapportés par la presse, c’est, pour parler franchement, user d’une logique indigne d’universitaires, car cela ne vise qu’à justifier la répression contre ces jeunes. Si des étudiants devaient être taxés de rebelles et traités comme tels chaque fois qu’ils manifestent leur mécontentement contre telle ou telle situation de leur université, il n’y aurait plus d’étudiant du tout dans aucune université dans aucun pays du monde. Comment peut-on dépenser des milliards de francs(même dévalués) pour former des jeunes à la réflexion critique, à l’esprit scientifique et à la compétence technique, dépenser des années en temps, et dépenser de l’énergie à revendre, puis prétendre ensuite empêcher ces jeunes là de penser avec leurs propres têtes ?

M. Abouem a Tchoyi, nouveau président du Conseil de l’Université de Yaoundé I concernée par cette affaire, avance un sophisme irritant, quand il déclare que les frais universitaires ne sauraient être discutés, car c’est un décret présidentiel qui les a institués. Voilà exactement le genre de raisonnement du prototype d’universitaires que le néo-colonialisme a formés chez nous. Son horizon intellectuel est barré par la nécessité de ne jamais remettre en question une décision de l’autorité, la hiérarchie, l’Etat. Mais le petit détail que ce monsieur, qui doit sûrement être docteur en quelque chose “ oublie ”, est le suivant : un décret présidentiel peut parfaitement abroger (c’est-à-dire annuler) un autre décret présidentiel. Il suffit que le pays soit convaincu que l’ancien décret est devenu obsolète, dépassé, inutile, parce qu’il ne favorise plus le progrès, et est donc devenu un obstacle au progrès de la société.

Et alors, je suis de ceux qui prétendent que, précisément, le décret présidentiel qui a institué le paiement obligatoire des frais de 50.000 francs, est devenu un obstacle au progrès du Kamerun. La raison en est qu’il empêche plusieurs milliers de jeunes bacheliers kamerunais d’accéder aux études supérieures et, de ce fait, prive le pays de milliers de cadres dont nous avons besoin dans tous les secteurs. Ce décret empêche ces milliers de jeunes d’aller à l’université pour une seule raison : ils ont eu le malheur de naître dans des familles pauvres et qui n’ont personne pour profiter de la corruption afin de s’en sortir et pouvoir payer les fameux frais.

De plus, chacun sait que cette pauvreté a augmenté depuis 1993 quand le décret en question a été pris ; elle a empiré tout de suite dès 1994 avec la dévaluation du franc Cfa, sauf parmi les couches sociales qui profitent de la corruption. Tels sont les faits. Sinon, le gouvernement ne s’égosillerait pas dans d’interminables campagnes contre la pauvreté et contre la corruption, campagnes aussi tapageuses qu’inefficaces. Comme chacun sait.

Dans de telles conditions, le rôle des “ sentinelles guetteurs d’avenir ”, ces universitaires qui sont supposés conseiller le pouvoir politique, c’est de lui faire voir que l’ancien décret est dépassé, est même devenu nuisible au progrès du pays. Puis de lui suggérer d’abroger cet ancien décret. Ensuite de lui proposer un nouveau décret qui tienne compte de la nécessité d’aller de l’avant, dans l’intérêt du pays. Si au lieu de cela, les conseillers intellos du pouvoir se contentent de répéter à tue-tête, que “ c’est un décret qui a décidé et donc nous on n’y peut rien ”, alors, ils se comportent comme des perroquets et non pas comme des intellectuels.

Nous proposons donc trois choses sur lesquelles je reviendrai dans la 2è partie de cet article :

1. Que le président de la République, comprenant la gravité de la situation, prenne un nouveau décret qui abroge celui qui a institué les frais de 50.000 F obligatoires.
2. Que les magistrats appelés à “ faire le sale boulot ” en janvier 2006, envoient un signal clair et patriotique aux étudiants et à toute la jeunesse, en prononçant un non-lieu pur et simple, avec courage et sans regrets ni remords.
3. Que Madame Njeuma soit nommée à d’autres fonctions et quitte la direction d’une quelconque université ; car elle commence à traîner son personnage et risque de récidiver où qu’on l’envoie. Le président et Chief Inoni pourraient la nommer par exemple vice-ministre d’Etat déléguée auprès du ministre d’Etat Kodock, spécialement chargée des recensements de la population qui laissent de côté la moitié des citoyens parce qu’on n’a pas versé leurs primes aux agents recenseurs.

Les dirigeants de l’Association de défense des droits des étudiants Camerounais (Addec) sont donc menacés de jugement le 12 janvier prochain. Le pouvoir les accuse de “ rébellion contre l’Etat, organisation de manifestations illégales, etc. etc. ”, et autres choses encore. Les enseignants des universités, dans leur immense majorité, se taisent. Pourquoi se taisent-ils, alors que courageusement, le Syndicat des enseignants du supérieur a pris position ? Pourquoi, particulièrement, ceux d’entre eux qui racontaient en 2004 qu’un universitaire digne de ce nom, doit intervenir quand des problèmes importants (comme l’élection présidentielle) se posent au pays , se taisent-ils ?

Manœuvre politique du pouvoir

Face aux revendications pour l’essentiel légitimes des étudiants, le pouvoir a essayé de louvoyer, en espérant que les jeunes se fatigueraient tout seuls. Puis il a présenté au pays un truc curieux, à travers une manœuvre politique après les puissantes manifestations étudiantes d’avril-mai derniers.
Nous devons d’abord rappeler pourquoi nous considérons que les demandes des étudiants sont fondées. Les problèmes dont ils parlent sont connus de tous depuis de longues années, avant même la pseudo-réforme de 1993 qui est vite apparue pour ce qu’elle était : une espèce de fuite en avant. Les universités sont gravement sous-équipées : il n’y a pas d’enseignants en nombre suffisant. Il n’y a pas de laboratoires dans les facultés des sciences, et quand il y a des succédanés de labos, il n’y a rien dedans comme équipement.

Ainsi, des jeunes sortent avec des licences de physique ou de chimie, biologie ou autres, sans avoir pratiquement jamais fait d’expériences dans ces choses là ; ou alors, juste le jour des examens ! Etc, etc. Voilà, entre autres, le pourquoi des revendications des étudiants. A cela s’ajoute le fameux problème des frais universitaires : 50.000 francs sans lesquels un bachelier ne peut pas entrer en faculté. On prétend que sans cet argent, les universités ne peuvent pas du tout fonctionner . Or, avec 100.000 étudiants, cela ne fait en tout et pour tout que 5 milliards. Même avec les 120.000 étudiants que déclare le ministère, cela ne fait qu’un milliard de plus, donc 6 milliards Cfa. Or, les étudiants, et ils ne sont pas les seuls, disent qu’ils ne savent surtout pas où passent ces 6 milliards versés chaque année. Et personne ne le sait. Si vous interrogez un enseignant du supérieur qui n’est pas dans le cercle des initiés, il vous dira que chaque recteur en fait ce qu’il veut, comme il veut, quand il veut, où il veut, et avec qui il veut. Alors une question se pose : pourquoi est-ce que des étudiants, qui pour leur écrasante majorité ont plus de 20 ans et sont donc civilement majeurs, ne peuvent-ils pas être pleinement associés , par leurs représentants librement élus, à la gestion de leur université y compris sur le plan financier ? Les jeunes sont-ils majeurs responsables seulement quand ils doivent porter des armes et aller défendre la patrie par exemple à Bakassi ou ailleurs en se faisant parfois tuer, mais restent de petits mineurs irresponsables même à 25 ans quand il est question de “ choses sérieuses ” comme participer à la gestion de leurs universités ? Que signifient donc la bonne gouvernance et la démocratie ?
Le gouvernement a donc fait semblant de discuter en mai avec les étudiants. Mais c’était pour les endormir un moment, en espérant, comme à son habitude, pouvoir briser le mouvement de contestation. Il se disait que les jeunes auraient peur de perdre leur année académique d’une part, et d’autre part les vacances allaient ensuite “ faire cesser tout ça ”.

Certains enseignants de bonne foi, démocrates et patriotes convaincus, ont pensé que les étudiants ont très mal procédé, notamment en attaquant des enseignants qui les auraient arnaqué financièrement avant cette vague de contestation. Même si les étudiants ont formulé de façon “ maladroite ” des revendications, même si certaines sont inutile et irréalistes, comme par exemple la demande que les recteurs soient élus, n’est-il pas du devoir des adultes, à commencer par leurs enseignants, de discuter avec eux et de les convaincre ? Seulement, au Kamerun, depuis 1958, on ne discute pas : on tape. Tout au plus, le gouvernement a-t-il fait quelques promesses qui, selon le mot d’un ancien ministre de M. Biya, “ n’engagent que ceux qui y croient ”. Heureusement pour les étudiants, ils n’y croyaient pas : ils attendaient de voir ; et ils n’ont rien vu venir. Il se dit que même les fameux 5 milliards promis par le président de la République, “ promis-débloqués ”, n’auraient justement pas été débloqués. Pour la bonne et simple raison qu’ils n’existaient pas dans les caisses.

Alors, il ne restait que la manœuvre politicienne : celle-ci a consisté à procéder à un vaste mouvement de personnel dans les universités. Ce fut une manœuvre corruptrice, puisqu’elle visait manifestement, en lieu et place des promesses faites aux jeunes, à nommer des recteurs et autres, afin de fermer les yeux et la bouche aux nouveaux promus, mais aussi aux non promus qui pouvaient attendre leur tour. Est-ce que la nomination de Ben Messi recteur à Yaoundé IV à la place de Tchouta Essindi envoyé à Dschang III apporte une quelconque réponse positive à la demande des laboratoires et professeurs dans les facultés ? Est-ce que ces nominations font que le nombre des étudiants en 1ère année de droit ou sciences économiques à Douala ne sera plus de 1000 à 1500 pour un pseudo-amphi de 700 places ? Pire encore, pour récompenser de nombreux Pleg (Professeurs de lycées d’enseignement général), plusieurs d’entre eux ont été “ réfugiés ” dans l’administration universitaire, c’est-à-dire dans de la paperasse. Et cela, au moment même où, dans les lycées et collèges, le manque d’enseignants est scandaleux. Le déficit officiellement avoué à ce niveau est de 27.000 Pleg. En réalité, il faut multiplier ce nombre au moins par 4. Et de plus, ce déficit s’aggrave chaque année d’environ 1500 Pleg (différence entre les départs à la retraite chaque année, 3000, et le nombre de nouveaux Pleg sortant annuellement de l’Ecole normale supérieure et ses annexes, environ 1500, dont des centaines s’en vont désormais enseigner en Chine parce que le “ Minfonction publique ” met parfois 3 ans pour régler le dossier d’un élève professeur qui sort de l’Ens. Incroyable mais vrai ! Incompétence, inconscience, bêtise ou choix délibérément criminels ? Ou tout cela en même temps ?

Dans ce vaste mouvement qui brassait de l’air pour faire oublier les revendications des étudiants, on a vu un recteur, dont l’université a enregistré des morts d’étudiants en mai 2005, obtenir une espèce de promotion en se faisant nommer recteur de la plus ancienne et donc sans doute encore la plus prestigieuse des universités publiques. Pouvait-on donner un signe plus clair d’encouragement à ce haut fonctionnaire zélé, pour que sa manière de faire et de diriger déjà expérimentée à Buéa, continue ? N’était-ce pas un signe aux autres recteurs, pour qu’ils agissent aussi de manière analogue ?

Le Contexte global dans le pays

C’est au milieu de tout cela, que les médias ont annoncé la convocation, par la magistrat suprême, d’une réunion du Conseil supérieur de la magistrature. Le journal La Nouvelle Expression , dans son numéro daté 8 décembre 2005, page 3, rapporte que selon une enquête de l’organisation Tansparency International-Cameroun, le podium olympique de la corruption dans notre pays est actuellement ainsi composé : médaille d’or et champion olympique, le service des douanes ; médaille d’argent et vice-champion olympique, la justice ; médaille de bronze et vainqueur de la finale des battus en demi-finale, la police.

En lisant cela, voici une question : pourquoi est-ce que les ministres successifs de M. Biya ne considèrent-ils pas ce fléau de la corruption parmi les magistrats, comme une priorité des priorités qu’il faut absolument éradiquer sans délai ? La nomination de deux ministres dans ce département aurait pourtant pu faire croire que c’était parce qu’il y a une prise de conscience de cette gravité, et qu’il fallait des bras pour le travail. Il semble malheureusement que l’arrivée d’un éminent juriste comme ministre délégué auprès du garde des sceaux n’ait servi à rien en ce sens, et que le nouveau venu est surtout destiné à servir de “ Zéro mort ” nouveau, afin de tenter de contenir le flot de mécontentement qui monte dans son département natal des Hauts Plateaux. Réussira-t-il dans cette tâche périlleuse ?
Au moment où se réunissait ainsi le Conseil supérieur de la magistrature, savoir que la justice et un de ses auxiliaires , la police, se classent parmi les secteurs les plus corrompus du pays est un élément très intéressant. Car le Csm peut encore s’amuser à faire semblant de ne rien voir et de ne rien savoir. Et, comme l’a dit il y a longtemps son président constitutionnel, il peut alors déclarer qu’il “ n’a pas de preuves, et ne peut donc rien faire pour sanctionner les magistrats corrompus ”. Mais nous autres, c’est-à-dire vous et moi, savons partout dans le pays, et les citoyens de tous les milieux savent et disent que l’impunité générale est la cause première de la dégradation profonde de la situation du Kamerun. Le jour où j’ai entendu un gendarme (en tenue s’il vous plaît) le déclarer publiquement dans un autobus, j’ai mieux compris où nous en étions. Plus tard, un soldat dont j’ignore le grade car il était en civil a répété la même chose, et cela m’a conforté dans mes conclusions.

Mais le Conseil supérieur de la magistrature peut aussi regarder la réalité en face (mais le peut-il vraiment ?) et prendre des mesures d’assainissement de l’appareil judiciaire de ce pays, ainsi que dans la police. Si au lieu de cela, les magistrats qui siègent au Csm se limitent à l’attitude pusillanime conduisant en fait à protéger les corrompus dans la justice, ils endosseront une très lourde responsabilité devant l’histoire et devant le pays. Car en tant que bantu, nous savons tous très bien , que “ les vivants et les morts nous observent et nous jugent ”. Et chacun paiera. La corruption généralisée et profonde, particulièrement de ceux là même qui doivent chercher et trouver les corrompus et corrupteurs (la police), et ceux qui doivent prononcer les punitions contre ces brebis galeuses (la magistrature), cette corruption donc, conduit à plus grave encore.

En effet, il y a belle lurette que les investisseurs étrangers ne veulent plus mettre leur argent dans notre pays. Car chacun sait qu’en cas de pépin, il ne peut pas compter sur la justice du pays qui est archi-corrompue. Ainsi raisonnent les investisseurs étrangers potentiels. Mais même les Kamerunais raisonnent pareillement, et préfèrent mettre leur argent dans des trous creusés dans la terre, ou alors dans des secteurs où le profit se réalise en termes de jours ou semaines et pas d’années. C’est pourquoi nous assistons à une insuffisance notoire de l’investissement économique : la corruption généralisée, particulièrement de la police et de la justice, est une des causes fondamentales de ce phénomène. Et plus généralement, la mauvaise gouvernance, l’absence d’un fonctionnement acceptable du système politique et administratif du pays. Le système politique est fondé sur la corruption des personnes et des partis, une corruption politique plus ou moins sournoise ou le pouvoir Rdpc et ses alliés (tels le renégat Kodock Bayiha et ses semblables) détournent tout et polluent tout. Au point que de nombreux Kamerunais en sont désormais à croire et dire que “ la corruption ne disparaîtra plus jamais du Kamerun ”. Mais ceux là ont tort ; et l’avenir le prouvera dans pas longtemps.

C’est donc cette mauvaise gouvernance et cette corruption grossière qui conduisent les investisseurs potentiels à se détourner de la destination Kamerun. Et le pays est ainsi bloqué dans une minable croissance officielle de 4-5% l’an, dont un des recteurs d’université, économiste par-dessus le marché, a dit en juin dernier qu’elle ne suffisait même pas à satisfaire les revendications des étudiants et de la jeunesse.

Pourtant, plus la corruption et la pauvreté augmentent, plus le gouvernement bavarde contre la corruption et la pauvreté. Les campagnes répétées contre ces fléaux, alors qu’on sait très bien que c’est l’impunité générale venant d’en haut, qui est la cause de leur développement, apparaissent ainsi pour ce qu’elles sont : des campagnes de pure démagogie.

Quand on fait des discours chaque jour pour dire que le 21è siècle sera le siècle de la matière grise, et même tout le 3è millénaire, qu’est ce que cela peut-il bien signifier ? La matière grise ne veut rien dire et n’existe pas si on n’assure pas à la jeunesse une formation scientifique et technique, une formation générale, dans tous les domaines y compris la morale et l’éthique. Or, comment assurer une telle formation lorsque, à chaque demande de la jeunesse, on répond par la brutalité, la ruse, la torture, les emprisonnements et même les assassinats ?

Le Président Paul Biya a intérêt à saisir la chance qui s’offre à lui de se concilier à nouveau avec la jeunesse kamerunaise : il lui suffit d’entendre le cri des jeunes étudiants et d’abroger, même contre ceux de ses amis politiques les plus zélés, le décret de 1993 qui a institué les frais universitaires. Sa promesse de débloquer 5 milliards Cfa après les grèves d’avril-mai derniers, est la preuve que ce n’est pas l’argent qui manque pour faire tourner les universités. Personne au Kamerun ne doute que, si l’on réussissait à faire la somme totale des fonds publics détournés chaque année par les corrompus du système Rdpc, cela dépasserait de loin 10 milliards, 20 milliards, 100 milliards ? En tous cas, plusieurs fois les 5-6 milliards extorqués aux étudiants chaque année et dont nul ne voit les effets. Que le président fasse une descente impromptue à l’Ecole normale supérieure de Yaoundé pour voir dans quel état est ce Saint Graal de la formation des formateurs de la jeunesse kamerunaise. L’abrogation de ce décret serait, avant la prochaine fête de la jeunesse, un signal fort qu’il pourrait adresser à la jeunesse du pays qui est fatiguée des brimades et de la corruption. A défaut d’un tel signal, les jeunes estimeraient que l’impunité est voulue au plus haut niveau, et ils ne seraient pas les seuls à le penser…

Les magistrats à qui on veut faire jouer le mauvais rôle le 12 janvier prochain, doivent eux aussi adresser un bon message à la jeunesse. Et seul un non-lieu dans cette affaire des étudiants, peut convaincre ces derniers et tout le pays, que la magistrature est décidée à mettre un holà au zèle répressif du pouvoir politique. Par cette même occasion, les magistrats et toute la justice du pays enverraient ainsi un signal net et clair à des gens comme Madame Njeuma et son ami Abouem a Tchoyi, pour leur dire, à la première, “ Stop your harassment against the students of this country ”, et au deuxième, qu’on attend beaucoup mieux d’une personne qui a probablement fait tranquillement ses études “ njoh ” parce que tous les Kamerunais ont travaillé dur et payé des impôts pour financer ces études. Il est clair que madame Njeuma a besoin qu’on lui fasse comprendre que les universités kamerunaises ne sont pas sa propriété privée, héritage d’un patrimoine familial qui lui aurait été légué.

C’est pourquoi enfin, le mieux pour tout le monde es qu’on la renvoie par un autre décret présidentiel à quelque chose qu’elle sait peut-être faire, je veux dire par exemple enseigner, si elle a été formée à cela. A défaut d’enseigner, le président et Chief Inoni, Chef du gouvernement, pourraient la nommer gouverneur d’une province ; ou alors ministre de n’importe quoi et, comme suggéré l’autre jour, ministre déléguée auprès du ministre d’Etat Rdpc Kodock Bayiha Frédéric, chargée des recensements.

Les Kamerunais et le Kamerun sont fatigués de la corruption , de la misère et des campagnes vaines parce qu’hypocrites du gouvernement Rdpc contre ces maux. Ils sont fatigués de l’arrogance de quelques uns qui croient, à tort, que ce pays leur appartient en propriété privée.

Il est temps de le faire savoir à ces gens là, en agissant chaque fois que cela est nécessaire. En cela, tout le monde doit soutenir les étudiants en lutte, car leur combat actuel est celui de toute la jeunesse kamerunaise, c’est-à-dire le combat du Kamerun d’aujourd’hui et de demain. C’est ce que l’Upc dit aux kamerunaises et aux kamerunais, jeunes et moins jeunes, de toutes les régions du pays.

Le Messager
23.12.2005




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