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En remontant les chutes de la Lobé
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Le site, unique au monde, est menacé par l’action de l’Homme. La bataille est engagée pour sa préservation.
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Le spectacle vous saisit par plusieurs sens. Les yeux voient des eaux en furie dévaler en cascade. Puis les points d’impact, où naissent et tourbillonnent de persistants nuages d’écume. Çà et là autour des chutes, des rochers saillants donnent l’impression de déchiqueter le rideau d’eau. Les oreilles, elles, perçoivent un fracas permanent. Même à une longue distance — plusieurs centaines de mètres. Le mugissement des flots, semblable au bruit que ferait le moteur d’un navire fantasmagorique, suffit à intimider, à montrer qu’ici s’écoule une force colossale. Celle de la nature, tout simplement. Le troisième sens ébranlé est celui de l’humilité. Difficile de ne pas se sentir tout petit devant le déferlement de puissance que représentent les chutes de la Lobé. Difficile aussi de ne pas frémir en apprenant que vous êtes devant les seules chutes au monde qui se jettent directement dans la mer… Pour toutes ces raisons et bien d’autres, l’endroit, situé à environ douze kilomètres de Kribi — sur la route de Campo — attire beaucoup de monde depuis de longues années déjà.
Artistes en quête d’un décor de rêve pour leur clip, inconditionnels de la baignade en ces lieux et simples touristes, qui viennent découvrir. Contempler ces chutes qui font treize mètres de haut à marée haute, et dix-sept à marée basse. Flanqué d’une compagne, un Européen arrivant pour la première fois sur le site samedi dernier a ainsi justifié sa présence. " On nous a dit que c’était beau. " Et alors ? " C’est vraiment beau ". Il faudrait être sacrément exigeant pour affirmer le contraire. La végétation luxuriante, les oiseaux au vol gracieux et même l’air qu’on respire — suave comme une bénédiction — renforcent la magie du lieu. Pour la région, ces chutes sont un véritable don du ciel.
Mais, comme c’est souvent le cas en matière d’environnement, cette beauté est à la fois exquise et fragile. L’écosystème immédiat formé autour des chutes ne restera pas le même longtemps, si la main de l’Homme continue à se poser n’importe où et à agir n’importe comment. D’ailleurs, selon un originaire du coin, homme d’âge mûr, les chutes ont perdu une partie de leur rayonnement passé. Le déboisement de la zone, pour prendre cet exemple, nuit à l’équilibre d’ensemble. Avec la disparition de certains arbres, quelques espèces d’oiseaux ont déserté l’endroit (ce qui a aussi des conséquences), explique notre source. Laquelle souhaite vivement que le site soit remis " dans son état d’avant ". C’est-à-dire qu’il soit notamment reboisé, afin que chacun puisse " retrouver cette beauté d’antan (…) Qu’on les aménage pour que tout le monde puisse venir les admirer ".
Mouillé c’est mouillé
La présence humaine se fait aussi de plus en plus pressante autour des chutes. Il faut ajouter à cela quelques velléités immobilières venant de quelques promoteurs complètement subjugués par l’emplacement — imaginez ce qu’un hôtelier ferait comme affaires en proposant des chambres avec vue sur les chutes. D’après des informations recueillies dans le village voisin, des batailles sont actuellement menées entre tenants de l’investissement immobilier et partisans du maintien de la nature en l’état. Ces derniers ont bon espoir, toutefois. Une actualité récente a mis sur la table la possibilité d’ériger le site au rang de patrimoine mondial de l’Humanité, sous le sceau de l’Unesco. Ce qui impliquerait qu’il soit préservé tel quel, et peut-être même restauré. Sans compter le prestige que le pays tout entier pourrait en tirer. D’ici à ce qu’un sort définitif leur soit trouvé, les chutes de la Lobé continuent leur bonhomme de chemin. Le même depuis des siècles. Nourrissant les rêves d’évasion de beaucoup, éprouvant le courage de ceux qui choisissent de gravir les pierres chaudes de soleil qui l’encadrent…
Cela n’apparaît pas au premier coup d’œil mais en dehors des cascades et des grandes chutes, le site présente d’autres endroits où le liquide, le végétal et le minéral se croisent et se superposent. En amont des chutes, évidemment. Lorsqu’elle s’écoule par filets au ruissellement rassurant, l’eau attire des pêcheuses, qui posent des nasses en divers endroits pour faire le plein de poissons. En amont toujours, entre rochers glissants et végétation touffue, le curieux peut découvrir d’autres aspects du site. Le fleuve, entrecoupé par la flore, semble former de petits lacs isolés. Le tout, très haut au-dessus du niveau de la mer. Malgré les risques d’une telle excursion — un faux pas, un rocher trop glissant et c’est le plongeon — celui qui l’a tentée ne regrette pas. C’est beau là-haut. Le déplacement vaut bien un pantalon trempé ou des plantes de pied recuites (trop risqué de se déplacer chaussé). Et en dépit de l’apparente préoccupation des guides, qui parlent des esprits vivant dans l’eau, des vertiges qui ont pris un précédent visiteur, etc. on peut se délecter de cette autre facette de la Lobé. Une raison supplémentaire de souhaiter que le joyau environnemental soit préservé dans sa globalité. Ne laissons pas tomber les chutes.
cameroon-tribune.net
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