Dans un pays où l’indépendance a induit et intégré avec tolérance de multiples identités, les peuples qui l’habitent ont chacun marqué de leur histoire le Cameroun d’aujourd’hui. Nous commençons la saga de ces tribus par le peuple de Douala avant de partir au prochain numéro sur les traces du peuple Beti. D’autres peuples nous découvrirons leur histoire dont nous espérons être les fidèles conteurs. En attendant, place au peuple de Douala avec notre journaliste Moïse Ekedi.
Les Douala tirent leur origine de l’Égypte pharaonique vers le début du 4ème siècle avant J-C (3402) et l’ancêtre des Douala s’appellerait MAKOTA.
Parti de l’Égypte, le groupe EWALE passe par l’Éthiopie et le Soudan. Venu d’une des régions du Nil, le groupe devait être habitué à vivre à proximité de l’eau et d’espaces à cultiver et voulait vivre dans un environnement similaire. Ses recherches le poussent jusqu’à l’ex Congo Français où le groupe restera plus d’un siècle. Puis, il quitte le Congo et fait escale en Guinée Espagnole (Dikabo) où la progéniture devenant de plus en plus grandissante, de petits groupes se forment par affinités diverses : même famille maternelle, même orientation artisanale ou encore même objectif.
Les Soubou à Limbé
L’ancêtre des Soubou : Kole Mbedi, un excellent pêcheur traverse l’Océan et va pêcher à côté de l’Île Soubou vers Victoria, actuellement Limbé, il ne reviendra plus à Dikabo.
Ngassè Mbongo à Long Nassé
Le groupe resté à Dikabo continue son expédition vers l’Est, abandonne l’Atlantique à l’Ouest, contourne Manoka et emprunte la Sanaga. Il s’installe à Piti ; plus tard se déplace pour Long Ngassè actuel, un village où le groupe peut faire ses cultures vivrières ; Ngassè Mbongo y restera.
Dibongo s’implante le long de la Sanaga
Pour les mêmes raisons qu’à Dikabo le groupe se scinde encore, Dibongo (Malimba) et ses frères remontent le fleuve Sanaga et vont s’implanter tout le long de la Sanaga, Mongomajou, Lobetal, Bonagango, Yasoukou, Pongo Songo...
Les autres prennent EWALE qu’on appellera DOUALA par déformation sémantique de “DU L’EWALE” signifiant “est resté seul à DU“, l’entrée d’un fleuve là ou il se jette, où d’une rivière (DÛ LA MONGO, DÛ L’EWODI).
Douala s’installe sur les rives du Wouri
Seul à la rive gauche du fleuve Wouri, DOUALA personnage à la recherche permanente de son indépendance, s’implantera définitivement de part et d’autre du fleuve avec ses deux grandes principales familles, nous sommes vers la fin du 16ème siècle. Les BONA DOOH se diviseront en deux grandes familles : les BONA NJOH à gauche du fleuve Wouri en aval, les BONAKU (AKWA) et les BONA EBELE (DEIDO) tous restés à la rive gauche du fleuve Wouri en amont.
Une organisation féodale stricte
Les quatre groupes conçus sont appelés “MATUMBA” et sont dirigés par un “MWANED’A BOSO” “KINE” ou Roi. Chaque Roi à plusieurs “BANEDI BA MBUSA” qui ne peuvent s’appeler “KINE” mais MWANED’A MUNDI MA... Chef de Village de...
Les Chefs des Villages respectifs d’un Tumba sont indépendants, mais rendent compte à MWANED’A BOSO ou KINE, en cas de besoin ou pendant des assises périodiques convoquées par le Roi. Le Roi est le seul responsable administratif du Canton auprès de l’Administration. Dans le village natif de MWANED’A BOSO, la famille régnante présente ou désigne le MWANED’A MUNDI qui n’est pas du même foyer que son “KINE”.
En cas d’impossibilité, le Roi fait cumul de fonction. Le MWANED’A BOSO “KINE” ou le MWANED’A TUMBA Chef du Village est choisi ou désigné par les seuls membres dignitaires des foyers de la famille régnante.
Toute ingérence des autres familles du village ou d’ailleurs est formellement interdite. Quant à SANGO’A BOA (Chef du foyer) qui n’est pas le SANGO’A TUMBA (Chef de famille), MUTUD’A TUMBA non plus (l’aîné de la famille), il est le premier garçon du premier foyer quand ce dernier n’est pas désigné Chef, si oui c’est le premier garçon du deuxième foyer qui est SANGO’A BOA sinon le premier garçon du troisième foyer dans la tradition Douala. Le MUTUD’A TUMBA est le membre le plus vieux de tous les ressortissants de la famille régnante.
Les structures humaines des Douala se présentent comme suit : Masoso : foyer ; Mwèbè : cuisine ; Mboa : famille ; Mundi : quartier ; Tumba : village ou agglomération de matumba ou villages de même souche : Tumba la Bona Dooh, Tumba la Bona Ku, Tumba la Bona Ebelle, Ekombo : tribu ou nation (ekombo’ a Douala, Ekombo a Frensi, ekombo’ a Kameroun).
Dans cette organisation élargie et libérée, strictement traditionnelle, l’obéissance, le respect, la hiérarchie sont de rigueur. De son système pyramidal tout part de Masoso’ au Ngondo” : Assemblée traditionnelle où se règlent tous les problèmes de MBOA DOUALA, comme il s’agit de Douala ici, mais c’est précisément Ngond’a SAWA (Littoral). Il y a encore deux siècles on observait des guerres sanglantes entre Rois et entre Matumba, les verdicts allaient jusqu’aux pendaisons des Rois ou aux extraditions à vie : (Bila ba Ngando na Belle ; Bila ba Bona Ebele na Douala...) Les verdicts étaient prononcés par le Ngondo, depuis sa cour suprême de justice. Les débats duraient des jours entiers voir des semaines, des mois, des années et les verdicts étaient sans appel.
Les Bonambela (Akwa)
MOULOBE EWALE (DUALA) eut deux fils, l’aîné NGIYE et NJE dont les enfants furent MUTIE fondateur du clan Bonamuti et MAPOKA dont le fils KUO verra sa descendance se développer de façon spectaculaire de même que lui reviendra la Chefferie des Bonambela puisque EWONDE petit-fils de NGIYE ne pu régner.
La royauté revenue à KUO, le clan de celui-ci se développera au point de constituer une entité à part dans le giron Bonambela sous l’appellation des Bonaku qui allaient devenir l’un des plus grands clans des DUALA.
Pour avoir eut plusieurs épouses, donc plusieurs enfants, KUO verra ses fils à la tête de plusieurs lignages que nous appellerons également clans :
- les Bonaminkenge par son fils MWANGE I
- les Bonelang par son petit-fils ELANGE DIKOTO V
- Les Bonebong et Bonangang par ses petits-fils EBONGUE EKUKULAN et NGANGE.
Une mention spéciale revenant aux descendants de KWA puisque ce lignage héritera de la royauté avec ses grands Rois Akwa :
KWA KUO, NGANDO KWA, MPONDO NGANDO AKWA, DIKA MPONDO AKWA, tous du même lignage et clan Boneleke.
Rappelons que le Roi NGANDO KWA eut en dehors de son héritier MPONDO NGANDO qui lui succédera, d’autres enfants tels que : DIKONGUE NGANDO à la tête de Bonalembe et EDJENGUELE NGANDO à la tête des Bonejang.
Il faudra rattacher tous les lignages de MUTIE KWANE et MAPOKA sous la seule et unique appellation de Bonambela qui connaîtra une deuxième scission de sa descendance EWONDE avec l’émergence du clan Bonebele (DEIDO).
Les Bonandoo ou clan NJO
Bien que le premier fils de MULOBE ait quitté le village ancestral pour aller fonder un autre village à Akwa-Nord, le clan demeurait uni. NJO le fils de MANASSE resté au village de ses pères vit sa descendance se multiplier à travers son fils MAKONGO et son petit-fils DOO MAKONGO.
C’est sous le commandement de celui-ci que le clan de MANASSE va aussi se diviser. En effet, DOO eut plusieurs fils, nous parlerons notamment de son aîné PRISO qu’il n’aimait pas parce que sanguinaire et plus particulièrement de BELE, son 4ème enfant, son préféré.
Il règnera à la mort de leur père, au détriment de l’aîné PRISO DOO qui fut néanmoins fondateur du clan Bonapriso, cependant qu’un autre de ses frères DUMBe fondait le clan Bonadumbe. Mais auparavant du vivant même de leur père, BELE fut obligé de se réfugier sur la rive droite avec ses autres frères SAME, MBAPE, BULU et JANGWA où ils fondirent respectivement les villages Bonabéri, Bonassama, Bonambape, Bonaminkano, Bonendale. BELE ne reviendra sur rive gauche que lorsqu’il apprit que leur père DOO MAKONGO était mourant. Malgré l’inimité qu’il y avait entre lui et son frère aîné PRISO, sur les instances des autres Douala, BELE et PRISO se réconcilièrent pour organiser les obsèques royales de leur père. Après quoi les attributs du commandement furent remis à BELE qui put régner sans partage d’autant que son frère aîné PRISO devait mourir assassiné quelque temps après à SOUBOU.
Le commandement du clan NJO restera à ce jour aux mains des descendants de BELE avec les prestigieux Rois BELL, BEBE BELL, MANGA NDOUMBE, DOUALA MANGA BELL, etc.
Les Bonebele (Deido)
L’ancêtre des Bonebele que nous appellerons les Deido est originaire du pays ABO. Il avait pour nom EJOBE. Il aurait été capturé à Bansoa lors d’une expédition par les gens du clan NJO.
Il fut recueilli par les Bonapriso où il se révéla très habile artisan. Il parvint à s’enrichir très rapidement en fabriquant des sièges en bois et des pirogues qu’il échangeait contre des marchandises. Ne pouvant se marier dans son clan d’adoption au prétexte qu’il était esclave, de par sa fortune il put épouser une princesse, KANYA EWONDE KWANE NJE.
KANYA était infirme donc inapte au travail, néanmoins EJOBE l’épousa et eut un fils de cette union, nommé Ebele. À son tour, il se révéla être un excellent lutteur se distinguant dans toutes les joutes et tous les tournois de lutte entres les villages. Ce qui ne manqua pas de lui valoir l’animosité de tout son clan d’adoption au point qu’il dût quitter Bonapriso pour aller se réfugier dans le village de sa famille maternelle dans le clan Bonewonda à Akwa-Nord. C’est pendant qu’il remontait le Wouri que le Roi NGANDO KWA son cousin maternel l’invita à s’établir dans son village où sa descendance s’agrandit rapidement. À la mort d’EBELE des troubles commencèrent à opposer ses descendants aux autres Akwa.
EBULE premier fils d’EBELE est nommé Prince DIDO AKWA
Le Roi NGANDO KWA devant les tracasseries que vivaient ses neveux, les descendants d’EBELE, et pour les soustraire aux provocations des siens, les autorisa à aller s’établir dans l’emplacement que les Deido occupent aujourd’hui. Et pour leur conférer considération et dignité, il nomma EBULE premier fils d’EBELE Prince DIDO AKWA. Celui-ci ne règnera pas mais formera dès lors son clan les Bonebele ou Deido ne relevant plus des Bonambela.
Rappelons que EBELE épousa en outre les dames TEKI, TENE et NAMBEKE qu’il répartit dans les deux foyers de ses premières épouses JINJE et MULA.
Les descendants de ces cinq femmes formeront les cinq foyers du lignage actuel des Deido à savoir :
Bonanjinje - les Bonanoudoudou (MULA) - les Bonatéki, les Bonatene et les Bonantone (NAMBEKE).
Comme pour les Bonadoo et les Bonambela/Bonaku, la Chefferie chez les Deido quittera le foyer Bonanjinje (EBULE n’ayant pas régné, ni sa succession) pour aller au 4ème foyer des Bonantene (famille régnante à ce jour) sans qu’ici non plus la succession se soit opérée telle que traditionnellement par le droit d’aînesse.
Ceci est le périple et l’histoire du peuple de Douala dirait le conteur...