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Me Douala Moutomè

 
"Nous sommes allés à La Haye avec la certitude que c`est par là que viendrait la solution"


Entretien mené par Jacques Doo Bell (le Messager)

Ministre de la Justice et garde des Sceaux de 1990 à 1996, Me Douala Moutomè aura été le premier agent du Cameroun dans l´affaire Bakassi devant la Cour internationale de justice de La Haye. Avec lui, Le Messager a fait le point mardi dernier de ce dossier qui aura démontré toute la vitalité et la solidarité des Camerounais pour faire échec au "fait accompli" du Nigeria sur de larges pans du territoire camerounais. Genèse et déroulement d´une affaire.


Qui a engagé la procédure concernant le litige frontalier entre le Nigeria et le Cameroun et quand?

Je fus le premier agent de la République du Cameroun qui a reçu l´honneur du chef de l´Etat de déposer le dossier du Cameroun contre le Nigeria à l´époque. C´était, je crois, le 29 mars 1994. Il est important de préciser que ce dossier est devenu le dossier du conflit frontalier et maritime Cameroun-Nigeria. C´est ainsi qu´il s´appelle désormais et il englobe donc Bakassi. Bakassi a pris le pas sur le reste dans l´appellation populaire parce que la presqu´île querellée est le point focal de l´essentiel du combat ou du pseudo-combat qui est mené là-bas en raison des richesses halieutiques et pétrolières qu´on retrouve dans la région. Mais le conflit porte sur près de 1700 km. Il va du point triple de la Guinée équatoriale au point triple du Tchad, du Niger, etc. Nous l´avons fait en mars 1994 et nous nous sommes rendus compte - j´étais accompagné des professeurs Maurice Kamto et Alain Pellet - que le dossier n´était pas complet. Il a donc fallu rédiger rapidement une deuxième requête qu´on a appelée additionnelle qui a été déposée en juin 1994 et qui a posé un certain nombre de problèmes de recevabilité. Voilà ce que je peux vous dire sur les personnes qui ont eu à déposer ce dossier à la Cour internationale de justice de La Haye, sur instructions du chef de l´Etat.

Comment l´affaire a été menée?

Il faut dire qu´elle a démarré dans un climat d´effervescence exacerbée dans la mesure où le Nigeria a accepté difficilement l´initiative camerounaise. Donnant l´impression d´avoir été trahi. Parce que au même moment il voulait nous contraindre à une autre ligne de conduite consistant en une négociation. Or, le Cameroun commençait à en avoir marre des négociations avec le Nigeria depuis 20 ou 25 ans. C´est-à-dire depuis l´époque de l´ancien président Ahmadou Ahidjo. Des négociations qui ne donnaient pas grand chose. Les fameuses commissions mixtes qui se sont multipliées et avant elles des rencontres techniques qui n´ont rien donné, qui aboutissent aujourd´hui pour être dénoncées demain. Le plus célèbre était le traité de Maroua de 1975 avec Gowon et Ahidjo. Il a été remis en cause aussitôt par le Nigeria au motif d´un défaut de la situation qui n´existait pas à l´époque. D´un côté il y avait donc cette réaction du Nigeria, épidermique à la limite et de l´autre côté une sorte de sérénité du Cameroun qui était, en toute vraisemblance, certain de son fait. C´est dire que nous sommes partis à La Haye avec la certitude que c´est par là que viendrait la solution. Pas de négociations, pas de Conseil de sécurité, pas de Nations unies, il n´y a que la Cour internationale de justice qui pouvait rendre une décision dans toute la sérénité, toute la splendeur et toute l´autorité qu´on reconnaît à cette haute juridiction. Et voilà comment nous avons commencé le procès : les premières rencontres ont été un peu froides - vous l´imaginez - entre les deux délégations. Mais petit à petit, le savoir-faire prenant le pas sur l´instinct bestial, on s´est acheminé lentement vers une sorte de modus vivendi qui voulait qu´il n´y ait pas d´agressivité inutile. Au point que l´on pouvait se retrouver au Palais de la paix et parfois même on se retrouvait dans le même hôtel, on se disait "bonjour!" "how are you?" "comment ça va?", etc. On se tapotait sur les épaules, oubliant un peu que le lendemain, on allait s´échiner. Mais cela n´a jamais déteint sur la conviction de chacune des parties quant à la valeur argumentaire du dossier qu´on avait entre les mains. Le Nigeria a tout fait pour faire valoir son point de vue, le Cameroun n´a pas été en reste. Et lorsqu´on arrivera enfin aux premiers échanges qui consistaient à déterminer les délais de procédure, on a négocié. Le Nigeria les voulait longs, le Cameroun les voulait courts, la Cour a coupé entre les deux. Je dois dire que côté camerounais, nous avons eu du mal à partir, parce que le sentiment que j´avais eu à l´époque était qu´on n´avait pas un endroit précis, où on pouvait retrouver la totalité du dossier. Je ne sais même pas s´il y en a jusqu´à présent. J´avais suggéré quelque chose : la commission des frontières qui existait dans les textes mais nulle part ailleurs. Je ne sais pas si on l´a mise en place maintenant. Il a fallu parcourir le monde entier pendant près de 5 des 9 mois pour ramasser des pièces par-ci et par-là. C´est ainsi que nous avons pu constituer notre dossier.

Je me souviens que le chef Endeley est venu me confier un dossier unique. Le fameux traité de 1913. C´est ce document qui a servi de base. Il l´avait encore en original. Il est dans notre dossier. Il faudra d´ailleurs qu´on le lui restitue un jour. Il est venu personnellement me le remettre. Il me souvient d´ailleurs qu´il suffisait que je passe à la radio pour que tous les anciens ministres des Affaires étrangères se réunissent y compris les hauts fonctionnaires pour apporter leur contribution. C´était du côté camerounais comme une vraie conquête : une conquête pacifique. On n´acceptait pas le fait accompli nigérian. Et c´est dans cet esprit que jusqu´en 1996 nous avons géré ce dossier. Pourquoi 1996, parce que entre temps, la situation s´était aggravée sur le terrain. Et on en était arrivé à solliciter du chef de l´Etat l´autorisation de faire indiquer par la Cour des mesures conservatoires. C´était un risque. Peut-être du fait de ma formation, peut-être du fait de certaines interférences, on a lourdement insisté alors que d´autres s´y opposaient en disant que si on échouait ce serait la catastrophe. C´était à prendre ou à laisser. Le président a fini par se laisser convaincre et a donné le feu vert pour que j´aille présenter cette requête. Et assez curieusement, sur les 3 mesures indiquées, la Cour en a ajouté deux autres. Ce qui veut dire qu´on était bien inspiré. Et parmi lesquelles le respect de l´accord de Kara et la mesure d´enquête qui n´a jamais eu lieu. Et nous avons gagné sur toute les lignes. C´était la première grande victoire. Alors, le Nigeria a commencé à comprendre que ce ne sera pas aussi facile qu´il le pensait. Puis il s´est mis à faire du dilatoire. Le Nigeria a demandé prorogations sur prorogations. Nous avons mis au point un mémorandum sur la procédure pour amener la Cour à précipiter la gestion de l´affaire. On a travaillé dessus d´arrache-pied. Entre les deux, je n´étais plus ministre de la Justice. Je suis devenu co-agent. Mais je gérais quand même la situation sous le contrôle du nouvel agent qui était le ministre Laurent Esso. Nous avons déposé notre mémorandum de procédure; le Nigeria a estimé qu´il n´avait jamais vu cela. A leur question de savoir ce que c´est, nous leur avons rétorqué qu´ils avaient à apprendre tous les jours, à lire… La Cour a siégé, elle a déclaré le mémorandum recevable et a fixé la date nous permettant d´aborder en 1998 les exceptions préliminaires nigérianes. Il y en avait 8! Je dois rappeler que le ministre Esso est arrivé quand la préparation des exceptions était très avancée. Nous étions au niveau de la frappe. Nous sommes allés plaider et sur les huit, nous avons gagné 10/10 sur 7. La 8e exception qui est la plus dangereuse jusqu´à présent, c´est celle qui interfère la Guinée équatoriale. La Cour a rendu une décision au plan prossessuel un peu bizarre puisqu´elle a joint l´incident au font comme on dit dans notre jargon. Or, s´agissant d´une exception d´incompétence, rationne materia on ne joint pas l´incident au font. Comme leurs décisions ne sont pas susceptibles de recours, on a attendu et on s´est dit qu´on va voir ce qu´ils vont décider. Tout s´est passé par la suite, normalement, jusqu´à l´intervention volontaire de la Guinée équatoriale qui est venue soutenir le point de vue du Nigeria sur la co-gestion, le mode de délimitation maritime, l´équidistance ou la zone la plus défavorisée. Par la suite nous apprendrons qu´il y aurait eu des accords à partir desquels la Guinée équatoriale se fonderait. Je ne peux pas vous en dire davantage. Toujours est-il que le Nigeria est allé jusqu´à proposer un mode de gestion commune. Toutes les parties participeraient à la gestion. La difficulté à ce moment-là c´est que, comme la zone de Bakassi ne fait pas l´objet d´un accord ou d´un traité international, il est de règle qu´on ne peut pas imposer à un pays une délimitation frontalière ou maritime. C´est toujours à partir des accords maritimes encore, il y a la zone économiquement protégeable, le plateau continental, etc. Mais cela va jusqu´où? Surtout quand on est plusieurs dans ce cas précis… Nous nous sommes donc retrouvés sur une note qui mettait aux prises deux positions : une position camerounaise et une position nigériano-équato-guinéenne.

On a observé que la délégation camerounaise était numériquement très forte. Comment expliquez-vous la présence de tant d´experts?

Il m´est difficile de répondre à cette question parce que ma délégation à moi, quand j´étais agent, n´était pas si forte. Elle n´avait que les conseils et quelques conseillers. Elle était composée de quelques 22 personnes. Peut-être pour comprendre le problème, il faut relever que la délégation nigériane était aussi importante et même très importante. Peut-être composée différemment. Elle est importante dans la mesure où le nombre l´était, mais elle était importante au niveau de la qualité aussi. Ce n´était pas n´importe qui…

Qu’est ce qui est prévu pour amener les parties à respecter la sentence lorsqu´elle sera prononcée?

Normalement les décisions de la Cij sont sous le contrôle suprême du Conseil de sécurité. Il est vrai cela, sous certaines réserves. Le respect de la décision elle-même c´est le Conseil de sécurité. L´exécution de la décision, c´est le Conseil de sécurité. Lorsque la paix et la tranquillité internationales sont menacées, il n´y a pas de problème. Lorsqu´il s´agit tout simplement d´aller tracer une frontière, là, cela devient un autre problème. Parce que le Conseil de sécurité n´intervient pas nécessairement. Il faut encore que dans la requête qui a saisi la Cour et dans la décision rendue par celle-ci, mention soit faite de l´obligation par le Conseil de prendre en charge les frais que nécessitera la mise en exécution de la décision. C´est peut-être l´un des points faibles de notre dossier.

Maintenant que le Conseil de sécurité va être impliqué et que le Cameroun préside cet organe de l´Onu, le pays n´apparaîtrait-il pas comme juge et partie?

Pas du tout! Parce que le Conseil de sécurité ne fonctionne pas comme cela. Le Cameroun a beau en assurer la présidence, il y a plusieurs sortes de décisions du Conseil et elles sont prises à plusieurs et vous savez qu´il y a les vetos qui sont pris à certaines majorités. Parfois le président peut prendre ce qu´on appelle la décision présidentielle. Mais, elle ne lie pas le Conseil. Nous en avons profité lors du lancement de notre affaire. C´est Mme Albright qui nous a donné le coup de pouce pour que la Cour soit saisie. Sinon nous étions foutus. Le fait que le Cameroun soit là ou ne soit pas là ne gêne en rien car si on veut le bloquer on le bloque et sa décision en tant que président du Conseil, n´est qu´une simple indication. Ce n´est pas la décision du Conseil. C´est une décision présidentielle. Si par malheur, un pays sort et met son veto, c´est fini!

On n´entend parler que de Bakassi alors que plusieurs localités camerounaises le long de la frontière terrestre sont aussi occupées par l´armée nigériane. La décision sur Bakassi concerne-t-elle les autres localités?

Comme je vous l´ai dit tantôt, le contentieux pendant devant la Cij s´appelle "conflit frontalier terrestre et maritime Cameroun-Nigeria". Il englobe tout et s´étend sur à peu près 1700 km. Il va de Bakassi au Lac Tchad et concerne toute la partie terrestre, lacustre et maritime parce qu´il y a une partie maritime qui est tracée jusqu´au point G et la partie qui va du point G au point triple qui n´est pas tracée. Tout cela est concerné par la décision qui est attendue. Le problème c´est celui que j´ai déjà indiqué. En principe, certaines parties ne devraient pas poser de problème parce que faisant l´objet de traités, d´accords et de conventions internationaux reconnus. Mais il y a une partie vers Bakassi là-bas qui reste vierge. C´est la première difficulté. L´autre difficulté c´est au niveau du Lac Tchad parce que quand la Commission du Bassin du Lac Tchad (Cblt) a été créée, le Lac Tchad avait une certaine dimension et tous les pays riverains exploitaient ses richesses. Avec la désertification, le lac s´est asséché par endroits. Aujourd´hui, le Nigeria se trouve sur près de 20 km à l´intérieur de nos terres pour aller chercher l´eau. On parle même d´autres apports qui n´ont pas pu marcher comme la plupart des projets africains. Comment la Cour va-t-elle régler ce problème qui est aussi un problème triple? Parce que là il y a le Niger, le Nigeria, le Cameroun sans oublier le Tchad. De deux choses l´une : ou la Cour dit qu´il y a un tracé lacustre que l´on doit respecter et on le remet en place et le Nigeria est exclu! Voilà la conséquence ou le Nigeria est un poids lourd qu´on ne peut pas déplacer facilement et il va falloir procéder par des sinuosités. Toute la difficulté est là.

Avez-vous une idée de ce que cette affaire aura coûté au Cameroun?
Aucune! Mais très cher.

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