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« La littérature anglophone camerounaise à la croisée des chemins », entrevue avec Bate Besong

 


Par Pierre Fandio (Groupe de Recherche sur l’Imaginaire de l’Afrique et de la Diaspora, GRIAD Université de Buea, Cameroun) Originally published in Africultures no. 60 of 09/09/2004

Auteur d’une dizaine de pièces de théâtre et d’une demi-dizaine de recueils de poésies, Bate Besong est incontestablement l’une des plumes les plus constantes et les plus représentatives de ce qu’on pourrait appeler la deuxième génération de l’émergente littérature camerounaise d’expression anglaise. Né au Nigeria de parents camerounais, il fait ses études secondaires et supérieures au pays de Wole Soyinka dont nombre d’anthologies de littérature et d’instances de consécration n’hésitent pas à reconnaître comme l’un des leurs.   


Enseignant au département d’anglais de l’université de Buea depuis le milieu des années 90, Bate Besong est également connu pour ses prises de position sans concession et ses déclarations à l’emporte-pièce qui ne lui valent pas que des amis. Très populaire parmi la jeunesse anglophone scolarisée, il est aussi la bête noire d’une frange importante de l’intelligentsia anglophone. Polémiste redouté que certains observateurs n’hésitent pas comparer à Mongo Beti, l’auteur de Obasinjom Warriors whith Poems after Detention apparaît, finalement, comme la figure emblématique d’une littérature camerounaise d’expression anglaise à la recherche de ses marques, tour à tour cassante et tendre, incisive et controversée. Pierre Fandio l’a rencontré pour Africultures. 

Pierre Fandio (1): Une réalité est aujourd’hui incontestable : des Camerounais qui ont l’anglais comme première langue ont produit et continuent de produire des œuvres littéraires. Aussi ne vais-je pas poser la question rituelle de l’existence de cette littérature. Mais comment doit-on la désigner : littérature anglophone camerounaise, littérature camerounaise d’expression anglaise ou autre ?

Bate Besong : La structure du pouvoir néo-colonial en vigueur au Cameroun tire ses origines de la Conférence de Foumban (2) et on ne peut la maîtriser sans une parfaite connaissance de l’évolution du plébiscite qui a donné lieu à la réunification des « ... deux parties égales. » Notre culture actuelle dite « d’intégration nationale » a été sciemment conçue par le Quai d’Orsay pour assurer notre annihilation. Pour pérenniser l’exploitation du Cameroun, les Gaullistes ont créé au sein de la bourgeoisie anglophone et francophone émergente une classe dirigeante fantoche. Cette situation a vicié et condamné notre histoire dès ses débuts. L’exploitation et la main-mise sur l’appareil de production sont assurées au bénéfice de cette élite-sangsue en collusion avec ses maîtres d’Outre-mer. La lutte de libération nationale, plus particulièrement sur le front culturel est, par conséquent, devenue plus impérative. Derek Walcott a écrit quelque part que « l’écrivain se meurt quand il trahit, tel un espion retourné, la conscience de son peuple... » La littérature camerounaise anglophone, pour sa part, est l’expression créative et imaginative de ce qui précède. C’est une littérature qui intègre un changement de paradigme puisqu’elle se doit d’exprimer la totalité de l’expérience ; en se faisant le porte-voix du traumatisant déboussolement né du déséquilibre engendré par l’après- conférence de Foumban.

Pierre Fandio: Un observateur sans doute peu attentif pourrait diviser les écrivains anglophones en deux générations. Tandis que la première qui pourrait aller des origines à la fin des années 70 ne semble s’inscrire que de manière allusive des préoccupations de la communauté anglophone dans ses projets d’écriture, à l’exception notable de Bernard Fonlon, la seconde se veut résolument le défenseur déclaré de la communauté anglophone. Qu’est ce qui, selon l’écrivain et le critique littéraire que vous êtes, pourrait expliquer le phénomène ?

Bate Besong : La littérature alternative dont nous sommes l’auteur, sans allégeance à quiconque, est une écriture centrée sur le peuple et cette posture suppose une approche dialectique de la société, d’un point de vue matérialiste et la mise à nu des contradictions qui engendrent au sein de la société camerounaise, la discrimination, les injustices, l’exploitation, la marginalisation... Nous remettons en cause les détenteurs du pouvoir. Nous sommes conscients que tout peuple se meurt sous une dictature. Nous préférons à la pâle imitation, la sécheresse du style. Nous ne sommes le pantin de personne.

Pierre Fandio : On a l’impression que l’écriture anglophone est méconnue, non seulement par les instances « traditionnelles » de légitimation (écoles, prix littéraire, etc.) mais aussi par nombre de critiques de l’autre rive du Mungo. Qu’est qui, selon vous, peut expliquer cet état de chose ?

Bate Besong : La politique du Renouveau (3) s’est révélée un phénomène perturbant. Elle exclut plutôt que d’intégrer les acteurs sociaux qui ont une perception des réalités diamétralement opposée à sa vision du monde. L’écrivain de ma génération interroge l’histoire, son environnement et les détenteurs du pouvoir. Il se sert de son talent, si je puis parler de façon crue, pour désigner les choses par leurs noms et même pour déclarer, d’après l’aphorisme bien connu, « le Roi est nu. » Il s’attire l’animosité des abrutis du  Ministère de l’Education Nationale. Ainsi, tandis qu’à l’étranger il est lauréat de nombreux prix et distinctions littéraires, dans un monde gabégique et népotique, il est victime de marginalisation, d’humiliation, de violence physique et d’enlèvements. Ses oeuvres sont interdites dans les universités où son nom est frappé d’anathème. Et, comme en Corée du Nord, il rencontre les hommes de main du président, même dans l’air qu’il respire... Dans l’intérêt des générations présentes et futures, nous avons besoin de la perspicacité de vision et l’aptitude nécessaires à l’appropriation, dans les curriculums scolaires, des deux expériences coloniales en vue de leur adaptation au tempérament et aux particularismes du Cameroun commun que nous envisageons. Dans le cas contraire, « le feu la prochaine foi » pour reprendre les termes de James Baldwin. Personne ne souhaite intégrer une maison en flammes.

Pierre Fandio : Une lecture au premier degré des créateurs de la deuxième génération semble présenter métaphoriquement le Cameroun comme deux entités apparemment inconciliables parce qu’elles n’ont rien ensemble, « que Dieu a voulu séparées » pour reprendre le titre de Epie. Cette perception ne vous semble-elle pas excessive ?

Bate Besong : Il est souvent dit que tout art est une forme de propagande, mais tout art n’est pas de la propagande. C’est la médiocrité des prétendus critiques qui a donné lieu à une vision aussi erronée, What God Has Put Asunder de Victor Epie Ngome, par exemple, est un acte d’homéopathie, ce que je qualifie de diplomatie culturelle. Ce drame est applicable à toute société africaine au sein de laquelle sont présentes les peurs évoquées dans cette oeuvre : le Darfour au Soudan, le Burundi, le Rwanda, l’Afrique du Sud de l’Apartheid pré-Mandela, etc. Maintenant, si nous examinons les implications de cette réponse, ce que nous décelons, c’est comment les relations sociales contradictoires sont applicables dans une société re-colonisée… Nombre de critiques de l’autre rive du Mungo auxquels vous avez fait allusion plus haut sont compromis au-delà de toute possibilité de rédemption. Même le plus médiocre de ces « intellectuels » dont la connaissance de la langue anglaise est très rudimentaire prend des airs aristotéliciens quand il s’agit de décrire l’esthétique de la littérature camerounaise anglophone. Ce type d’intellectuels précaires étalent, pour ainsi dire, au grand jour leur incapacité à comprendre l’œuvre d’art au-delà des apparences.

Pierre Fandio : Pour quelles raisons dans vos textes, vous préférez systématiquement les acronymes en français (SONARA, CENER (4), etc.) aux équivalents anglais qui existent ; autant que, pour désigner les fonctions ou les postes de responsabilité dans les administrations en général, vous procédez à des traductions littérales du français plutôt que d’utiliser les équivalents anglais que vous ne pouvez ignorer, « chief of service » au lieu de « service head », « commissionner of police », etc. ?

Bate Besong : L’écrivain contemporain est à cheval entre plusieurs mondes. Il puise et s’inspire de plusieurs traditions. Par ailleurs, sous la plume d’un écrivain inventif, la langue jouit d’une attention particulière. Ma cible est un public francophone et anglophone déraciné, éclectique et déboussolé, paupérisé par le colonialisme classique... Je m’efforce par conséquent de transmettre des valeurs pérennes. La gouvernance actuelle, par exemple, n’est-elle pas la preuve de notre échec collectif en tant que nation, de notre incapacité à nous défaire du joug d’une mentalité servile née de la soumission criminelle de ceux qui souffrent des survivances de penchants que Jean Paul Sartre nomme « thénon » ? Je rêve du jour où la Fédération Camerounaise reviendra sur la voie d’une reconstruction impliquant toutes ses forces vives de ce pays.

Pierre Fandio : Une lecture du discours critique produit par des anglophones camerounais sur des textes anglophones camerounais ces dernières années montre que la critique littéraire ressemble bien souvent à des règlements de compte entre deux ou plusieurs camps constitués, non sur des bases littéraires mais plutôt idéologiques, politiques ou même claniques (Bate Besong vs Ako ; Bate Besong vs Talla, Bate Besong vs Eyoh, etc.) Si la remarque recèle quelque pertinence, combien cette critique peut-elle servir la jeune littérature anglophone?

Bate Besong : L’évolution de la littérature anglophone est en réalité une tentative de « fictionnalisation» de l’histoire d’un peuple écrasé sous l’impérialisme féodal d’Ahmadou Ahidjo dans un premier temps, puis aujourd’hui, sous plus de deux décennies de vision myope du Renouveau. L’art donne à l’écrivain un cadre d’exploration des idées politiques vues à travers le prisme des caractères humains. La littérature a comme objet d’étude de l’humain et ses rapports à travers l’espace et le temps. L’écrivain camerounais anglophone met en scène les souffrances du peuple camerounais pour lui permettre de maîtriser les options possibles afin d’opérer des choix judicieux pour la littérature en général et la camerounaise en particulier… Les critiques anglophones auxquelles vous faites allusion ont, dans leur carrière, joué jusque dans les moindres détails et jusqu’à la garde, les rôles d’entrepreneurs et de gardiens nationaux de cette expérience esthétique. Réactionnaires et serviles dans leur orientation intellectuelle, ils se sont montrés incapables d’effectuer la nécessaire transition. Ils vivent dans cette ère, mais n’en sont point et sont, par conséquent, ignorants des puissantes forces qui agissent à leur insu. Ces mutants culturels anglophones se retrouvent coincés entre les intérêts de leur peuple et les consignes du parti politique qu’est le RDPC auquel ils ont juré allégeance... Deux visions idéologiques du monde contradictoires qui s’excluent mutuellement… C’est une tragédie qui illustre à merveille le dilemme de l’homme politique anglophone qui dans sa tour d’ivoire se déguise en défenseur de la culture mais dont la vision du monde est pleine de contradictions et de visions doubles.

Pierre Fandio : Si l’on disait que la littérature anglophone est essentiellement une « littérature bourgeoise » dans la mesure où elle est le fait des producteurs déconnectés de la masse, comment réagiriez-vous ?

Bate Besong : Ce serait une lecture erronée... une perception injustifiée et par conséquent biaisée de cette littérature si de temps à autre, je suis au centre de controverses… L’écrivain anglophone de ma génération est, si je puis emprunter un terme de la catégorisation de Ngui Wa Thiong’o, un écrivain en politique. La politique, comme nous le savons, entre dans la littérature quand l’auteur fait du bien-être du peuple sa préoccupation majeure. C’est pour lui, le moyen idoine de prouver que la culture de valeurs humaines est une donnée constante de son art. Au Cameroun, l’écrivain anglophone est une force sociale dont la crédibilité est fonction de son attachement à son peuple. Il change son mode de pensée et l’objet de ses analyses au gré des mutations dans la qualité de vie du peuple, de ses aspirations et besoins concrets.

Pierre Fandio : Dans un nombre de plus en plus croissant de textes de la littérature d’expression anglaise du Cameroun, l’opposition linguistique ou culturelle qui est elle-même fort contestable, se transforme en opposition idéologique ou « ethnique » où les rôles sont généralement définis au départ. Les « frogs (5) » tenant « le méchant » alors que les « gentlemen » font « le bon. » Ne peut-on pas reprocher à cette littérature de reproduire dans le champ littéraire camerounais, avec plus de 40 ans de retard, le schéma simplificateur de la Négritude senghorienne ?

Bate Besong : Les solutions aux problèmes littéraires doivent découler de recherches systématiques. Nous écrivons dans une société qui ne se donne même pas la peine de masquer les mécanismes d’occupation et d’injustice sociales et au sein de laquelle la démocratie est devenue un cirque. Nous appartenons à une époque et à une culture particulières qui ont donné naissance à des personnalités de la trempe d’Emah Basile et Ibrahim Mbomo Njoya, de véritables loups. Il n’y a pas longtemps, ces caciques du régime RDPC ont traité sur les antennes de la radio officielle à Yaoundé, le peuple camerounais anglophone d’ennemis : « l’ennemi est dans la maison. (6) » On nous a exhortés à quitter « la République du Cameroun (7). » Nous n’avons pas de Hamas. Nous sommes des Palestiniens sans Feddayin, sans kamikazes... Nous n’avons pas de Dr Abdulaziz Rantisi... En tant que critiques, nous devons nous efforcer de considérer l’œuvre comme une totalité, une « gestalt », une configuration, un ensemble... Ce qui peut être efficace à un moment donné et dans une culture particulière peut ne pas l’être dans d’autres … Le formalisme n’est pas mauvais, mais un certain type de formalisme est inopportun. Beasts of no Nation par exemple est un produit du système social en vigueur à l’époque et des réalités économiques qui le sous-tendent. Cependant la critique s’est jusqu’ici essentiellement bornée à essayer d’édicter des lois sur ce qu’un dramaturge peut ou ne peut pas écrire. Un exemple en est cette futile et égoïste propagande signée dans Epasa Moto par Peter Alange Abety et Edward Oben Ako.

Pierre Fandio : Ceci m’amène à poser la question rituelle : pour qui écrivez-vous ?

Bate Besong : Avant tout engagement dans cette entreprise esthétique, il est toujours utile et sage de soupeser les forces et faiblesses relatives des différentes approches. La littérature a un usage particulier de la langue et comme je l’ai dit plus haut, les fonctions de la critique sont légion. Il n’y a pas d’alternative à la lecture et à la relecture de Change Waka ou de Just Above Cameroon... The Banquet transmet une forme de connaissance valable... tout comme Once Upon Great Lepers (8)… Chaque nouvelle oeuvre d’art, selon T.S. Eliot, ajoute et en même temps redéfinit une tradition qui est bien plus grande que ceux qui y contribuent... Certaines qualités de base sont donc indispensables pour lire Bate Besong et la tâche du critique littéraire, en tant qu’intermédiaire entre Bate Besong et le lecteur, consiste essentiellement à évaluer dans quelle mesure elles sont présentes dans The Achwiimgbe Trilogy, par exemple.

Ce matin même, j’ai lu dans les journaux l’affirmation du Cardinal Christian Tumi, Archevêque de Douala, selon laquelle l’un des ministres de Biya est propriétaire d’une banque étrangère d’une valeur de 500 milliards de francs CFA. Comment mettre en fiction une telle chose ? Et dans un pays où la prime de recherche annuelle d’un enseignant d’université s’élève à peine à 100.000 Frs CFA et que cette broutille lui est due comme arriérés ? Un montant terrifiant sans doute. Depuis 1993, les salaires des fonctionnaires ont baissé de 75 % sous le prétexte que la nation est engagée dans une lutte contre la récession mondiale. Il n’y a pas si longtemps, dans l’enceinte de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) à Yaoundé, Pierre Désiré Engo a, à l’aide de canons à eau, pulvérisé des travailleurs retraités, des vieillards, des malades...

En tant qu’écrivain, l’on est influencé parce que l’on aime... et ce que l’on n’aime pas. Ainsi, ce n’est qu’en examinant d’un point de vue matérialiste et à la racine cette superstructure néo-coloniale en ruine sur laquelle est érigée notre société – tâche qui impose une approche dialectique de l’histoire du Cameroun qui est la source majeure d’inspiration de mes oeuvres – et en extrayant les germes qui sont à l’origine de ce genre d’apartheid et d’injustice.

Dans l’examen des oeuvres de Bate Besong, le critique en herbe se fera un devoir de jauger très consciencieusement ses options et ne pas succomber facilement au charme superficiel d’une quelconque approche. Ainsi, si vous souhaitez découvrir les innovations discrètes que j’essaie d’opérer sur la littérature, et plus particulièrement dans le genre dramatique, consultez les travaux des docteurs Nalova Lyonga, George Ndifontah Nyamndi, Sarah Anyang, Henry Kah Jick, Hilarious N. Ambe, Anne Tanyi Tang... des Professeurs Simo Bobda, Alfred Matumamboh, S.A. Ambanasom, etc.

Pierre Fandio : L’onomastique dans vos œuvres est incontestablement l’objet d’une recherche poussée, ce qui en rend le décodage autant intéressant du point de vue critique. Vous semblez en vouloir particulièrement aux hommes et femmes politiques que vous caricaturez méchamment : « Akhikikrikii alias la Divinité d´Agidigidi », « Françoise Hyppopo alias la-Femme-aux-1, 5 milliards-du-Peuple », « Prophète-Sacré-Atangana alias Monseigneur-le-Marabout » et « Etat – Major Andze Abessolo alias le-Briseur-de-Carrières-à-Ongles et Tortionnaire », « Harl Ngongo alias la Grenouille-Spécialiste-de-Marmonements d’Iduote »; tandis que les personnages appartenant au «petit peuple » qui semblent bénéficier de votre préférence, sont généralement anonymes : « Aveugle », « Estropié », « Femme », « Garçon », « Hommes-Pots-de- Nuit », « Ouvriers », « Minorité Nnyanyen. » Ce choix est loin d’être le fait du hasard.

Bate Besong : Il y a longtemps, Emmanuel Kant soutenait dans sa Critique du Jugement que dans toute transaction esthétique, le sens est inséparable de la valeur. L’idéal d’une objectivité scientifique neutre en études littéraires est une chimère, une illusion... Je mets l’accent sur « les damnés de la terre », véritables bâtisseurs, à mes yeux, de la nouvelle société… Celle où règnent des visions et des idéaux d’un mode de production et de structure de relations sociales acceptables, démocratiques, humanistes et centrés sur le Cameroun, à travers des repères socio-politiques innovateurs et revigorants. Je me réclame des forces progressistes qui, au sein de ma société, revendiquent un leadership incarné par un patriote convaincu, à la volonté inflexible, animé d’un zèle démocratique et qui pousse le peuple camerounais à redéfinir ses objectifs et ses aspirations autant individuels que nationaux.

Pierre Fandio : Une lecture au premier degré de Requiem for the Last Kaiser, Beasts of no Nation, etc., pourrait laisser entendre que pour vous, seuls vos compatriotes francophones constituent cette faune de prédateurs qui en 40 ans d’indépendance ont transformé la vie de leurs compatriotes en cauchemars permanents.

Bate Besong : Les rapports entre la majorité francophone et la minorité anglophone depuis la Réunification sont le résultat de la mauvaise conscience. La rhétorique francophone s’est attelée depuis 1961 à la défense des intérêts superficiels du régime minoritaire, néo-colonial… Le dépassement de la dichotomie anglophone vs francophone ne peut pas être l’œuvre de l’élite francophone constituée de personnes comme le bienveillant mais mal-renseigné Pr. Ambroise Kom, en s’imprégnant des stéréotypes du régime. Il passe nécessairement par la dénonciation des fondements idéologiques sur lesquels les clubs qui financent les organisations frauduleuses telles SOS Dialogue (9) de Moïse Albert Njambe sont érigés. Nous avons tous, une contribution à faire dans le projet camerounais et on ne doit permettre à aucune partie du pays de rançonner les autres. Ce projet exigera de la fermeté de la part de ceux qui seront investis de l’autorité de remodeler ce pays. Je ne fais donc pas mystère de ma conviction que c’est la littérature anglophone qui énonce et réaffirme nombre des vérités fondamentales qui constitueront le socle de la Fédération camerounaise de demain.

Pierre Fandio : Pouvez-vous commenter pour notre plaisir quelques-uns des propos de certains de vos créatures qui sonnent soit comme des provocations, soit comme des avertissements : « Ce que le riche voleur a réuni, qu’aucun pauvre jaguda n’essaie de diviser  » (Beasts, p.1); « Les pauvres  d´aujourd´hui ne sont plus aussi patients que ceux d’autrefois, Amougou Atangana. Ils n’accepteront plus que les curés maracana´a et leurs alliés français prospèrent pendant que leurs enfants vont nus et affamés. Ils ne s´assiéront pas avec soumission pour prier pour les néo-colons qui ont vendu à leur seul profit le patrimoine national. » (Requiem, 13); « Nous devons casser les chaînes qui nous maintiennent en esclavage. » (Requiem, 5)

Bate Besong : Je ne pense pas que je devrais répondre à cette question. Beasts of no Nation a été mise en scène et représentée le 23 mars 1991 à l’Amphi 700 lors de la journée mondiale du théâtre par le Professeur Bole Butake. J’ai longuement expliqué ailleurs les raisons pour lesquelles Jean Stephan Biatcha, ce gros lard, a inventé des mensonges absurdes qui ont conduit à mon enlèvement des locaux de la CRTV (10) à Mballa II en avril 1991 par le CENER, la Gestapo camerounaise. Pendant plus d’une décennie, j’ai été victime de la misère financière, des rétrogradations humiliantes dans une fonction publique camerounaise kafkaïenne : de violences physiques et verbales, de surveillance étroite. Mes oeuvres étaient interdites des programmes scolaires, de représentation et à la télévision. Cet interdit a été partiellement levé le 24 mars 2004 ! Aujourd’hui, quand j’assiste à la métamorphose complète de ce demi-analphabète aux apparences de rat, échangeant à la télévision des poignées de main avec les premières dames originaires de tous les recoins de ce monde, il n’y a aucun doute dans mon esprit que, en tant que Directeur de la Fondation Chantal Biya, la première dame, Jean Stephan Biatcha, cet arlequin  semi-sadique, a intégré le cercle des fonctionnaires-milliardaires ! Mais en Afrique, vous savez, un capitaine Dreyfus n’a jamais besoin d’excuses pour les circonstances exténuantes.

Pierre Fandio : Quelle serait votre réaction si l’on disait que vous êtes le Mongo Beti anglophone ?

Bate Besong : Incontestablement l’un des titans de la première génération qui ont combattu le colonialisme et pris position en faveur de la liberté et de l’indépendance. Il ne s’est jamais compromis. Il n’a jamais composé avec Foccart, Raymond Marcellin, Ahidjo ou Biya, même dans la mort. Il a conquis une place au Panthéon de la littérature grâce à une sublime fusion dans son art, de la passion et de l’intelligence, du sens du rythme. Et comme je l’ai dit lors de ses obsèques à Akometam, il demeure le modèle de l’écrivain. Devant lui, il faut se prosterner pour voir son art atteindre la plénitude esthétique. Voltaire, Montesquieu, … brave et indomptable légende, Adieu !

Pierre Fandio : Quelle appréciation générale pouvez-vous porter sur la littérature camerounaise en général ?

Bate Besong : J’ai longuement soutenu ailleurs que la littérature camerounaise anglophone avait pour rôle de nous tirer de la torpeur ambiante. Elle est la preuve de la vie intellectuelle inentamée du terroir. Tout terroir – vous vous en souvenez – a toujours besoin d’une voix écrite ou gravée et la littérature anglophone, créée pour servir l’Humanité, fait fi des préoccupations de l’élite fragmentaire et néo-coloniale et se fait l’expression des malheurs des marginalisés de la société camerounaise, les travailleurs, les masses urbaines et rurales.

Pierre Fandio : Vous avez actuellement en chantier une ou plusieurs pièces de théâtre. Quel en est sera le sujet principal ?

Bate Besong : Après la récente cérémonie de dédicace de The Achwiimgbe Trilogy qui a été un grand succès à l’Université de Buea et plus tard au British Council à Yaoundé respectivement en février et en mars 2004, il serait très difficile de présager de l’avenir. Voyez-vous, parfois ces choses-là nous échappent complètement.

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