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“Les sorciers blancs. Enquête sur les faux amis français de l’Afrique”

 
Rapport avec Jeune Afrique, stratégie de communication, lobbying et observation électorale... Les bonnes feuilles du livre d’un journaliste français. Claude Marti ...


Claude Marti tenta aussi, avec tant d´autres, de polir l´image du Camerounais Paul Biya. En avril 1984, au lendemain d´un coup d´Etat manqué, il materne un Biya éprouvé. Lequel l´aurait alors gratifié de cet hommage : "Monsieur Marti, vous avez sauvé mon pays !" Huit mois plus tard, on décèle la patte du "sauveur" dans un discours présidentiel passé à la postérité pour cette formule définitive : "Le Cameroun sera uni ou ne sera pas." L´année suivant, il hante les coulisses du congrès fondateur du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc). Suit une longue éclipse, interrompue en 1998, lorsque Claude Marti se met au service de la fondation de la première dame, Chantal Biya. C´est d´ailleurs à Yaoundé que son épopée africaine trouve son terme. Fin septembre 2004, alors qu´il planche sur les messages de campagne du sortant, le vieux mousquetaire, pris de malaise, est évacué vers Paris, où il s´éteint quinze jours plus tard.

Le Franco-Suisse affichait par ailleurs une tendresse touchante pour le Togolais Gnassingbé Eyadéma, grand amateur de sorciers blancs, disparu en février 2005. Là, point de contrat, mais des honoraires d´avocat. "Sans lui, soutenait-il, ce serait l´anarchie. Pour moi, le Togo, c´était la Suisse." Singulière analogie pour un fils du canton de Vaud.? Marti ignorait-il que le Rwanda a été la Suisse de l´Afrique des Grands Lacs, le Liban celle du Proche-Orient et la Bosnie-Herzégovine celle des Balkans ? Ignorait-il surtout qu´en 1963 son héros, sous-off alors prénommé Etienne, avait assassiné de sa main, et sur ordre, le père de l´indépendance togolaise Sylvanus Olympio, ou encore qu´il muselait férocement les dissidents réfractaires au ralliement ? il est vrai que son ami Rocard a déployé sur le même front, avec le concours de Michel Dubois, fidèle poisson-pilote africain, un zèle tout aussi baroque. On lui doit notamment un rapport, fruit d´une vaine tentative européenne de médiation entre le pouvoir et l´opposition, et pour le moins indulgent envers le défunt potentat de Lomé. "J´ai aussi vu Dubois tourner au Congo-Brazzavillee, précise Guy Laberti : sans doute en reliquat des liens noués jadis entre le Psu et le Parti congolais du travail. En avril 1998, je le croise à Brazza. "Je suis là à la demande de Sassous, me confie-t-il, paternaliste. Mais si tu veux, je lui dis que tu es dans les parages." Côté ivoirien, le même Dubois a un jour proposé à Gbagbo, alors opposant, de l´emmener chez Jacques Foccart", le marabout africain de la France gaulliste puis de la Chiraquie.

Au Cameroun, ultime étape d´un périple africain entrepris quarante-cinq ans plus tôt, Claude Marti a souvent croisé Jean-Pierre Fleury, allié ou concurrent selon les cas. Un autre vétéran aguerri, quoique converti sur le tard à la discrétion, du pré carré africain. Fondateur d´Adefi International, cabinet de conseil en communication et en relations publiques, cet ami de jeunesse de Jean-Christophe Mitterand, le futur patron de la cellule africaine de l´Elysée, a su mettre à profit son savoir-faire et son carnet d´adresses pur rafler de nombreux marchés dans les années roses. Cameroun, Congo-Brazzaville, Togo, côte d´Ivoire…

A l´époque, Fleury le flambeur roule dans une Jaguar bleue et affiche son ambition : monter la première boîte de relations publique au monde. "On était dans la confusion des genres la plus totale, raconte une ancienne de la maison. Les Etats qui confiaient leur budget de com´ à l´Adefi le faisaient par souci de complaire à l´Elysée. Un regard de Jean-Christophe suffisait. A la clé, un quasi-monopole, avec notamment un très gros marché avec la Côte d´Ivoire de Félix Houphouët-Boigny. Indice éloquent : dès que le fils Mitterrand a quitté la cellule africaine, nous avons perdu la moitié de nos recettes".

Afro-Machos

Où deux égéries blondes et fort dissemblables dament le pion aux marabouts du sexe fort…

Dans ce centre d´affaire cossu du XVIe arrondissement rue Galilée, le bureau de la république du Cameroun, orné comme il se doit de masques et de statuettes, jouxte celui des champagnes Ruinart. C´est là que reçoit Patricia Balme, 49 ans, fondatrice et président de l´agence Pb Com International et "conseillère en stratégie" du président camerounais Paul Biya depuis 1999. "Le secrétaire général de la présidence m´a appelée, raconte cette femme cordiale et loquace. Nous nous sommes vus à Paris et à Yaoundé. Une semaine plus tard, je signais le contrat. Un contrat initial de deux ans, renouvelable ensuite chaque année par tacite reconduction, car on ne redresse pas l´image d´un pays en six mois. Et un contrat officiel, donnant lieu au versement d´honoraires dûment déclarés." Pas question, pour autant, de refuser les petits cadeaux. "Au début, c´était un stylo Waterman. La dernière fois, on m´a offert deux téléphones portables. Mieux vaut les accepter : ça me fait plaisir et ça leur fait plaisir…"

D´un naturel réservé, voire énigmatique, Paul Biya n´a rien du client facile. Enclin à fuir les interviews et les feux de la rampe, voire son palais, il s´en remet volontiers au savoir-faire des sorciers blancs. Américains comme Français, et à la science d´une pléiade de gourous et de pasteurs. Quitte à diversifier son recrutement. Ainsi, quand Paris goûte aux délices et aux poisons de la cohabitation, il enrôle à gauche et à droite. Jacques Séguéla d´un côté ; de l´autre Patricia Balme, ex-militante des jeunesses Rpr, chiraquienne, convertie - elle aussi - au sarkozysme.

Native du Maroc, titulaire, selon son Cv, d´un Mba de marketing politique de l´université de Boston, Patricia fut journaliste avant de se lancer dans la "communication politique" et le "lobbying économique", munie des conseils avisés de Pierre Salinger, jadis porte-parole de John Kennedy. Elle peut à bon droit se prévaloir de quelques coups d´éclat. A commencer par la réconciliation, au nom de l´Afrique, du Français Luc Montagnier et de l´Américain Robert Gallo, qui revendiquaient l´un et l´autre la paternité de la découverte du virus du sida. En novembre 2002, la blonde Patricia convainc les deux éminents professeurs de participer côte à côte, à Yaoundé, à un sommet des "premières dames" africaines, puis de parrainer un institut de recherche sur la pandémie, fleuron de la Fondation Chantal-Biya. Montagnier président aujourd´hui le conseil scientifique du Centre international de référence Chantal-Biya pour la recherche sur la prévention et la prise en charge des malades. D´autres initiatives seront plus controversées, tel ce projet de création d´un trophée de golf de niveau international. Si encore il s´était agi d´enseigner à Biya l´art délicat de la sortie de bunker…
1999, année faste. Un mois avant d´accoster au Cameroun, Patricia Balme rejoint le staff de l´ancien Premier ministre ivoirien Alassane Dramane Ouattara, patron du Rassemblement des républicains (Rdr), alors écarté de la course présidentielle pour "ivoirité douteuse". Elle lui restera fidèle, en dépit des "contrats mirobolants" que lui permettent des émissaires de Laurent Gbagbo. L´une des offres serait venue de l´avocat Sylvain Mier ; l´autre de… Philippe Brett, familier des coulisses abidjanaises. Tout commence, là encore, par un appel téléphonique de Dominique Ouattara, l´épouse française de l´opposant, patronne d´une agence immobilière prospère à Mougins (Alpes-Maritimes). "Mon mari veut vous voir, m´a-t-elle dit simplement. Sans doute mon profil de femme engagée à l´époque aux côtés de Michelle Alliot-Marie l´a-t-il séduite." Avec Ado, désormais admis dans l´arène électorale, la conseillère mise à l´évidence sur la prochaine - et très hypothétique - échéance présidentielle : "Il s´agira d´assurer la logistique de la campagne, de faire fabriquer les affiches, les T-shirts, les bandanas, les gadgets Mais aussi de mettre au point les slogans et la stratégie d´image, sur place comme à l´extérieur. En binôme, il va de soi, avec le chargé de presse du candidat."
Est-ce si simple ? "Patricia Balme n´a ni l´étoffe, ni l´envergure requises", ironise un pilier du Rdr. "Son travail de présence dans la presse a été très fructueux, nuance un autre fidèle d´Ado. Nous avons toujours besoins de lobbyistes pour ouvrir les portes des médias occidentaux. Mais, pour le reste, aucun contrat ne nous lie plus à Mme Balme. Elle peut, comme d´autres, intervenir au coup par coup. Nous avons décidé de recourir désormais à des agences locales. Il y a suffisamment de compétences aux pays. On ne peut plus transposer des schémas importés : il nous faut des pros familiers de la psychologie de l´électeur ivoirien." Doctrine promptement mise en œuvre : venue de Difcom, agence du Groupe Jeune Afrique, Masseré Touré veille depuis octobre 2006 sur la "communication extérieure" de Ouattara. Conseiller de Paul Biya, Edgard Kpatindé se plaît lui aussi à emboucher la trompette de la condescendance. "Soyons sérieux, tranche-t-il. Je l´aime bien Patricia. Elle a su jouer de son charme dans l´entourage du chef. A tel point que la première dame voulait l´évincer. Mais s´il faut, en cas de crise aiguë, joindre l´Elysée dans la minute, c´est à moi qu´on fait appel."

Dans un univers volontiers macho, l´irruption d´une Blanche déroute et hérisse plus encore que celle d´un rival masculin. Quand elle débarque à Yaoundé, la fondatrice de Pb Com perçoit très vite les sourires sarcastiques des crocodiles de la présidence. Gageons qu´elle sait aussi combien son manteau de vison, autour insolite dans la touffeur banguissoise, a stimulé la verve de la garde rapprochée du président François Bozizé. A l´automne 2003, et au grand dam du ministre des Affaires étrangères centrafricain, Patricia a en effet accédé au rang de "conseiller personnel en communication, consultante en lobbying économique, chargée des relations avec l´Elysée et le Quai d´Orsay". Rude tâche. Certes, le coup d´Etat du général Bozizé a débarrassé la République centrafricaine, pays rongé par la misère, d´un pacha calamiteux, Ange-Félix Patassé. "Mais je n´ai pas pour habitude de prendre dans mon cabinet un gradé putschiste, concède l´intéressée. Pourquoi dès lors avoir accepté ? J´ai suivi mon instinct de femme. Quand je l´ai rencontré, il m´est apparu effacé, humble, digne d´être épaulé. Voilà un homme qui, sans verser une goutte de sang a évincé le dictateur coupable d´avoir bradé la forêt et les diamants du pays."

A la tête d´une structure de taille modeste - 9 collaborateurs, jeunes diplômés le plus souvent en sciences politiques ou en droit international -, Patricia Balme incarne une ambiguïté récurrente au royaume de la com´. Peut-on officier simultanément auprès de potentats du continent et d´un ministre de la république française ? Conseillère de Renaud Dutreil, chargée de la communication et des relations avec la presse, Patricia l´a suivi quand il a troqué son maroquin de la Fonction publique et de la réforme de l´Etat contre celui des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l´Artisanat et des Professions libérales. Sans renoncer pour autant au marché africain.

Qu´advient-il si d´aventure un conflit d´intérêts survient entre deux clients ?

Pour les margoulins, le marigot subsaharien n´est pas aussi asséché qu´on le prétend. La candeur des chefs est d´autant plus rentable qu´elle se nourrit parfois d´une fascination idéologique ou spirituelle. En 1998, l´enquête sur les carnages ourdis par les gourous de l´ordre du Temple solaire a mis accidentellement en lumière l´extrême générosité du Camerounais Paul Biya envers un dénommé Raymond Bernard, ancien secrétaire général de l´Ancien et Mystique Bernard, ancien secrétaire général de l´Ancien et Mystique Ordre de la Rose-Croix (Amorc). Il lui a par exemple fait virer le 2 mars 1990, par l´entremise de la Société nationale des hydrocarbures du Cameroun, la somme de 5,6 millions de francs. Avant de verser deux ans plus tard, et en deux fois, 5 millions au profit de cet Isérois, qui fut par ailleurs "conseiller technique personnel" du Gabonais Omar Bongo. Chanceux, Bernard avouera aussi avoir vendu à la présidence camerounaise, pour la coquette somme de 5,3 millions, un tableau de Bernard Buffet intitulé - ça ne s´invente pas - Vanité. Au total, indiquera Raymond Bernard aux enquêteurs, Paul Biya a fait don de 40 millions de francs au centre international de recherches culturelles et scientifiques (Circes), institut proche de la nébuleuse rosicrucienne…

Le "boulanger d´Abidjan" - ainsi surnommé en raison de son aptitude à "rouler tout le monde dans la farine" - n´est pas le seul à tourner le regard vers le Nouveau Monde. En 2004, Paul Biya a ainsi renouvelé sa confiance au cabinet Patton Boggs, l´un des plus affûtés de Washington. Moyennant 400 000 dollars, ses experts ont reçu pour mission de promouvoir la cause du Cameroun auprès du Congrès, de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international et de l´Opic, organisme voué à la promotion des investissements privés outre-mer. Début 2005, le Rwanda de Paul Kagamé a signé un contrat d´un montant de 180 000 dollars avec GoodWorks International, cabinet dirigé par l´ancien ambassadeur américain aux Nations unies Andrew Young. Plus insolite fut la démarche de François Bozizé, président d´une République centrafricaine guettée par la faillite : désireux d´acquérir un avion de transport de troupes, il donna mandat au lobbyiste Mark Sanstrom pour plaider sa cause. Aux Etats-Unis, anciens ministres et ex-ambassadeurs n´ont aucun scrupule à pantoufler au prix fort dans le privé, puisant dans leur carnet d´adresses de quoi garnir le fichier clients de la maison. Herman Cohen, qui fut ambassadeur à Kinshasa puis secrétaire d´Etat adjoint aux Affaires africaines sous Bill Clinton, passe non sans raison pour un pionnier. C´est à lui que Denis Sassou Nguesso et sa fille Claudia ont confié le soin, moyennant 400 000 euros, de décrocher le "Prix de la paix" du centre Eleanor-Roosevelt.

Représailles

Quand l´instinct de survie affole la boussole et le sextant de l´équipage, envoûté tel Ulysse par les sirènes du chantage…

Si seulement Jeune Afrique pouvait gagner en intégrité ce qu´il perd en "intelligence"… Sa primauté historique et son assise éditoriale lui confèrent des devoirs spécifiques. Or le recours systématique à des stratagèmes commerciaux déplorables mine sa crédibilité. Et, pire encore, alimente l´argumentaire des nihilistes, convaincus qu´il n´y a pas de place, sur le marché des médias panafricains, pour un magazine de qualité authentiquement indépendant. Bien sûr, on pourra toujours objecter que J´acquitte ainsi la rançon de sa survie. "Gardons-nous de la condamner, plaide Jean Paul Pigeasse, ancien vice-président du groupe. Ce ne sont pas les lecteurs de Jeune Afrique qui le feront vivre. Si sa direction agit autrement, le journal crève. Il lui faut parfois être complaisant ? Exact ; mais pourvu qu´il le soi ouvertement…" Thèse aussi répandue que spécieuse, comme en témoignent les cas d´école qui vont suivre ;

En préambule du numéro spécial consacré en décembre 1990 aux 30 ans de l´hebdomadaire, François Soudan assimile l´épopée JA à un "scandale permanent". On en saurait mieux dire, pour le meilleur et pour le pire. L´exploration des coulisses du 57 bis n´a rien d´inédit. Le 10 mars 2005, le Gri-Gri international, "quinzomadaire satirique panafricain", publie sur deux pleines pages, et documents à l´appui, un dossier éloquemment intitulé "On aime le fric à Jeune Afrique". On y découvre, entre autres, la copie de "l´échéancier des encaissements sur contrats de communication", daté du 16 janvier 2004, ou encore le fac-similé d´une facture adressée le 31 décembre précédent au "ministre des finances et de l´Economie" du Rwanda par Difcom, l´"Agence internationale pour la communication et la publicité" du Groupe Jeune Afrique.

(…) 2003, année féconde. Le 26 juin, le quotidien ivoirien fraternerté-Matin relate à son tour la mésaventure d´Amara Essy, alors président par intérim de l´Union africaine (UA) après avoir été le dernier secrétaire général de la défunte Organisation de l´unité africaine (OUA). Cinq mois plus tôt, l´ancien ministre des Affaires étrangères de Félix Houphouët-Boigny a reçu des mains de Chérif Ouazani, rédacteur en chef adjoint de JA, une lettre à en-tête de Difcom. Signé par la Savoyarde Danielle Ben Yahmed, président-directeur général, le courrier soumet au patron transitoire de l´Ua, qui briguera le 10 juillet, lors du sommet de Maputo (Mozambique), le mandat de président de la commission de l´Union, une "bonne idée". "Nous avons pensé, précise Mme Ben Yahmed, que dans le cadre d´une communication efficace vous pourriez être présent dans Jeune Afrique/l´intelligent à travers une de nos rubriques de communication intitulée "Profil"." Suivent deux propositions : "soit vous nous remettez les textes, photos, graphiques, et nous ne nous occupons que de la mise en forme, du montage du document et de son impression. Soit nous mettons à votre disposition un journaliste et un photographe pour réaliser ce supplément, ce qui signifie que vous prenez en charge leur voyage et leur séjour si nécessaire." Qui l´eût cru ? L´auteur de la missive juge la seconde formule "plus appropriée pour plus d´efficacité et de rapidité". Venons-en au "coût de l´opération" : 192 000 euros pour un cahier de 16 ages, assorti de "la fourniture de 1 500 tirés à part du "Profil" sur un papier plus luxueux et pelliculé". Par ailleurs, Difcom offre, moyennant un rallongement de 70 000 euros, la confection de 1 500 exemplaires du dossier en anglais, en portugais et en arabe. Au fond, qu´y a-t-il de choquant à cela ? Devis à l´appui, une agence de com´ démarche l´homme qui s´apprête à disputer à l´ancien président du Mali Alpha Oumar Konaré une éminente fonction…

Le hic, c´est qu´il manque à ce document un alinéa, que l´on pourrait libeller ainsi : il va de soi qu´en cas de refus, cher Monsieur, nous nous verrions dans l´obligation d´engager dans les colonnes de notre hebdomadaire des mesures de rétorsion éditoriales, à l´évidence préjudiciables à votre candidature. De fait, le diplomate ivoirien décline la suggestion. Et la sanction tombe, à la veille du sommet décisif, sous la forme d´un éditorial de Béchir Ben Yahmed. "Ses qualités et son dévouement n´étant pas en cause, lit-on dans l´édition du 22 au 28 juin, le dernier secrétaire général de l´OUA, actuel président intérimaire, Amara Essy, ne peut pas être l´homme de ce nouveau départ. Son nom et son image son liés à la fin d´un chapitre de l´histoire africaine de la transition vers une nouvelle ère." L´ai-je bien descendu ? Pas mal, mais on attend encore le coup de pied de l´âne. Le voici : "Il devrait, je pense, considérer comme accomplie la mission transitoire qui lui a été confiée et se féliciter de passer le relais à un homme de la sature d´Alpha Oumar Konaré. " De fait, à Maputo, les maîtres de l´Afrique fêtèrent leur dévolu sur l´impétrant malien.
Gardons-nous de prêter à Bby plus d´influence qu´il n´en a. Son "Ce que je crois" n´a pas, à lui seul, scellé le sort de l´empoignade. Et rien ne prouve qu´en donnant à ce fameux courrier une suite favorable Essy aurait inversé le verdict. Il n´empêche : l´éloge funèbre de Sy Béchir a sans nul doute contribué à son échec. Et au succès d´Aok. Les sceptiques liront avec profit le numéro précédent de JAI. Ils y découvriront un publireportage de 7 pages sur le Mali, financé par le ministère de l´Administration territoriale et des Collectivités locales et par celui de l´Economie et des Finances. Mais aussi un portrait élogieux de Konaré, ainsi que la liste des chefs d´Etat censés avoir affiché en sa faveur leur "préférence légitime" : Abdoulaye Wade (Sénégal) ouvre le bal, suivi des "grands contributeurs de l´Ua" : l´Afrique du Sud de Thabo Mbeki, le Nigeria d´Olusegun Obasanjo et la Libye de Muammar Kadhafi. Le hasard, qui n´existe pas, fait parfois bien les choses.

Trois ans après, Amara Essy porte sur ses déboires un regard amer et désabusé. "L´offre initiale ne m´a pas surpris, confie-t-il. L´édito de représailles, oui. A l´époque, le reliquat de mon budget de communication était d´environ 40 000 euros. Et on m´en demandait quatre fois plus. Bien sûr, j´aurais, pu, comme on me l´a suggéré, quémander auprès de Bongo ou de Kadhafi. Mais je m´y suis refusé. Quand j´étais aux Affaires étrangères à Abidjan, j´envoyais une voiture à l´aéroport dès qu´un visiteur de JA débarquait. Je lui ouvrais toutes les portes, y compris celles de ministères. J´avais de la sympathie pour ce journal de référence, avocat des causes africaines. Nous étions alors à tu et à toi. Même si je n´ignorais rien des marchandages auxquels il soumettait Houphouët." A en croire plusieurs cadres de la maison, il existe une variante. "Un dossier à charge, avance l´un d´eux, peut constituer un produit d´appel. Rien n´empêche après sa parution de plaider la nécessité d´effacer la regrettable erreur d´un collaborateur inexpérimenté. Dès lors, JA gagne sur les deux tableaux. Il tient son papier alibi, gage d´une indépendance sourcilleuse. Et il peut espérer décrocher un contrat de com´ réparateur." Toujours plus fort, l´article à géométrie variable. "Un jour, rapporte un témoin, on a invité un rédacteur à livrer deux versions d´une analyse sur le Burundi. L´une élogieuse, l´autre sévère. Et c´est l´accueil réservé par les autorités de Bujumbura à une offre commerciale qui a dicté le choix final."

Zigzags

Quand, de Nouakchott à Kigali, un barreur virtuose au nom prédestiné tire bord sur bord, louvoie et change de cap pour mieux écouler sa verroterie…

Fatalisme ? Indifférence ? Corporatisme ? Répugnance tenace et confraternelle à étaler les écarts de conduite de la profession et son mépris du lecteur ? Fort instructifs, les épisodes relatés ici n´ont eu que peu d´écho et semblent avoir à peine écorné l´image de la nébuleuse JA. Comme si tout glissait sur les plumes de ce canard. Toujours prêts à flétrir l´impunité des tyrans dès que leur trône vacille, les médias font preuve en famille d´une mansuétude suspecte

Dieu sait pourtant que les astuces en vigueur méritent d´être décryptées. On s´y emploiera donc au fil des pages suivantes au risque de prêcher dans le désert sahélien. L´instrument favori ? un supplément pays broché au centre du magazine, intitulé "Le Plus de Jeune Afrique". Reportages, analyses, entretiens : si cet "hebdo en plus de l´hebdo" vaut bien mieux qu´un piège à pubs, il a pour vocation essentielle de séduire les annonceurs et de pomper leur magot, ou ce qu´il en reste.

L´"échéancier des encaissements" de janvier 2004 évoqué plus haut en témoigne : du Maghreb au Grands Lacs, Jeune Afrique ratisse large et au prix fort. A cette date, seule la Mauritanie avait acquitté l´intégralité de son dû, soit 500 000 euros, les autres clients tardant quelque peu à solder leurs ardoises. Et quelles ardoises ! 994 000 euros pour le Maroc, 950 000 pour l´Algérie, 850 000 dollars américains pour la Guinée-Equatoriale, 380 000 euros pour le Togo et 350 000 dollars pour le Rwanda. Trois autres contrats apparaissent sous l´étendard de Jade, entreprise de décoration et d´ameublement, l´un des satellites commerciaux de la planète Ben Yahmed. Selon l´un d´eux, le Gabon devait acquitter entre juillet 2003 et janvier 2006, en six versements, la somme colossale de 2,9 millions d´euros. Pactole bien supérieur à ceux attendus du Cameroun (1 million) et des Comores (250 000). Le montant total au bas de ce seul document a quelque chose de vertigineux : plus de 8 millions d´euros. Là encore, et même si les tarifs semblent prohibitifs, la démarche n´a rien de révoltant en soi. Quel magazine peut prétendre vivre de l´air du temps, de ses seules ventes ou des largesses d´un mécène pur et parfait ? Mais la thèse ne tient plus quand l´impératif budgétaire dicte les avatars, souvent déconcertants, de la ligne éditoriale. Quelle ligne ? A ceux qui lui reprochent d´en manquer, Sy Béchir se plaît à rétorquer que les cimetières sont pleins de journaux qui en étaient pourvus. Au-delà de la boutade, une analyse de contenu de Jeune Afrique atteste une souplesse d´échine que ne renierait pas le plus talentueux des contorsionnistes. Quand l´appel de titre devient appel de fonds…

A l´énoncé de son nom, l´ex-président africain lève les yeux au ciel et soupire, vaincu par le dépit : "Soudan ? Ah, celui-là…" Doté d´une plume agile et d´une capacité de travail hors du commun, fin connaisseur des intrigues de palais, capable de pondre sur tout sujet ou presque une synthèse enlevée, François le prolifique est une énigme au patronyme prédestiné : en 1920, le "Soudan français" embrassait le territoire du Mali flanqué de fragments de la Mauritanie, du Burkina Faso et du Niger d´aujourd´hui. Comment un journaliste si talentueux, pièce maîtresse du système Ben Yahmed, peut-il se prêter à des manœuvres à ce point grossières ? "Je vois en lui l´incarnation du talent dévoyé, avance une ex-consœur. C´est un animal à sang froid, cynique et sans une once d´éthique. I fait avec brio le sale boulot." "Le factotum de Ben Yahmed, renchérit un autre ancien, Un être solitaire, secret et mutique qui ne connaît de l´Afrique que les palaces et les présidences. Au journal, il vit reclus dans son bureau, entre ses dossiers et son téléphone. En quatre ans, je ne l´ai jamais vu déjeuner avec quelqu´un de la rédaction."

Que de chemin parcouru… Les " historiques " de JA se souviennent du débutant tiers-mondiste " à l’allure de beatnik ", longue tignasse et bacchantes fournies, entré à 22 ans au sein de la seule rédaction qu’il ait jamais connue. Ils n’ont pas oublié le délégué du personnel CGT, prompt à emboucher le clairon de la révolte, voire à sonner l’heure de la fronde anti-BBY. Au fil des ans, le visage s’est un peu empâté, la coiffure s’est assagie, tout comme la moustache, désormais drue et grisonnante. Mais la machine tourne à plein régime. Au fond, Soudan est un peu à la presse panafricaine ce que Gérard de Villiers est à la littérature de gare et Barbara Cartland au roman rose. Sens de l’intendance compris. Quand, le 2 octobre 2003, la Banque togolaise pour le commerce et l’industrie avise DIFCOM d’un virement de 95 000 euros ordonné par la primature pour " règlement de prestations de services ", c’et à l’irremplaçable François qu’elle adresse la télécopie.

Inconscience ou sens aigu de la dérision, l’homme administre volontiers à ses confrères africains de délectables dossiers à charge du Journal hebdomadaire de Casablanca, évoqué plus haut, en témoigne. En prélude à un " Plus " sur les médias du continent, il fustige non sans raison une " presse privée souvent privée… de déontologie " et ses travers, tels " le chantage, voire l’extorsion de fonds ". Tout aussi savoureux, l’hommage que lui rend Hamid Barrada : " Je lui voue une administration sans bornes, concède ce vétéran marocain, contraint de trouver refuge en France dans les années 1960 après que le régime de Hassan II l’eut condamné à mort. Notamment pour la maestria avec laquelle il s’acquitte de papiers acrobatiques, chefs-d’œuvre de diplomatie et, accessoirement, de journalisme. Un équilibriste sans âme… "A cet instant, Barrada s’interrompt, s’amuse de son lapsus, puis le corrige. " Je veux dire sans états d’âme. C’est un Richelieu bûcheur, cultivé, rapide. A l’heure de la succession, on pourra faire l’économie d’" un fils Ben Yahmed. Pas d’un Soudan. "

Avis que tous ne partagent pas. Le 3 octobre 2006, François Soudan et Ahmedou Ould Abdoullah, représentant spécial de Kofi Annan en Afrique de l’Ouest, étaient convenus de déjeuner ensemble à La Coupole, brasserie fameuse de Montparnasse. L’avant-veille du jour dit, le journaliste se décommande et propose de s’en tenir à un entretien téléphonique. Ainsi fut fait. " Nous avons évoqué la Mauritanie, raconte l’émissaire onusien. Deux jours plus tard, j’apprends ceci : Soudan a confié au président Vall que j’étais très mécontent de la façon dont il gère la transition. J’ai la certitude qu’il a enregistré notre conversation et envoyé le verbatim à Nouakchott. C’est ainsi, JA vit dans la culture du chantage et du racket. " (…)

(…) Le cas du Cameroun éclaire une autre facette, inconnue du lecteur, du savoir-faire de la tribu Ben Yahmed : le conseil ad hoc. Témoin, l’argumentaire de deux feuillets intitulé " Comment réagir ? ", rédigé dans la perspective de la présidentielle d’octobre 2004 par une plume anonyme de JA et adressé à ses contacts camerounais. Il s’agit à l’évidence d’aider le régime de Paul Biya à contrecarrer l’effet d’un rapport de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH). La note s’efforce d’abord de dévoiler la " partialité " du document - censé refléter une démarche politique outrepassant le mandat de la mission d’enquête -, le parti pris de l’un de ses membres, l’hostilité, la méconnaissance et l’arrogance de ses auteurs. De même, le choix des sources, sélectif, et l’ignorance délibérée des " efforts gouvernementaux " ruineraient le crédit du rapport. C’est grave, docteur ? Oui, répond le vengeur masqué. " Il convient de ne pas sous-estimer, en période préélectorale ", la portée de ce " mauvais travail ". Que faire, docteur ? " Il aurait fallu anticiper en mettant en valeur les aberrations professionnelles " du texte. Mais encore ? " Dans un second temps, un dossier de fond sur la modernisation/moralisation de la justice et sur l’amélioration des conditions pénitentiaires est indispensable. Il n’est évidemment pas trop tard pour mener dans nos colonnes l’une et l’autre de ces actions. " Au cas où le " patient " douterait encore du remède, le médecin de la rue d’Auteuil assortit sa prescription d’un post-scriptum : " Je connais personnellement Patrick Baudouin et Sidiki Kaba, les patrons de la FIDH. Si une action de sensibilisation de ces deux personnalités est souhaitable, merci de me le dire. "

Cette singulière ordonnance ne dispense pas Jeune Afrique de soumettre le Cameroun au traitement d’usage. En mai 2005, une " publi-information " détaille sur 14 pages les " nouvelles ambitions " du " nouveau septennat " de Paul Biya. Et ce un mois après la publication d’un reportage de François Soudan intitulé " Jours tranquilles à Yaoundé ", subtile riposte au tableau alarmiste que brossent alors maints expatriés sur fond de violences sporadiques. Seuls bien entendu les esprits retors verront un lien entre les deux parutions. Le leitmotiv de la quiétude plane sur le " Plus " du 4 décembre suivant. Comme toujours, Soudan donne le ton, égrenant les atouts du pays, auxquels pas un investisseur sensé ne peut demeurer insensible. " Stabilité (presQue) à toute épreuve, volonté politique affichée de franchir les obstacles de la part du président Biya, […] dynamisme créatif des élites économiques, fiabilité et technicité de la main-d’œuvre, dispositif de lutte anticorruption […], code des investissements enfin adapté aux exigences de la mondialisation… Les fondamentaux, comme on dit, sont bons. " Le plaidoyer se termine par un blâme adressé au prospère patronat local, volontiers frileux et geignard, invité à assumer son " devoir de patriotisme ". Gageons que l’objurgation n’a pas déplu à la présidence.

Tenue de camouflage

Où l’on aperçoit dame propagande, grimée en journaliste, faire son marché dans les colonnes de journaux plus fameux que farouches…

Pour soigner leur image, les régimes africains demeurent friands d’un autre procédé, que des cabinets leur facturent à prix d’or : la publicité rédactionnelle. Un genre bâtard consistant à parer des atours du journalisme la promotion du pays, de ses dirigeants et de ses décideurs. Publiscopie, publi-reportage, publi-information, message, communiqué : quel que soit le nom qu’ils se donnent, en caractères micro-scupiques de préférence, ces encarts avancent masqués, quitte à imiter le code typographique du quotidien ou du magazine où ils trouvent refuge. A la lecture, ils se révèlent, sauf exception, d’une consternante médiocrité. Style pompier, bâclé et truffé de clichés, mise en page sommaire, photos d’amateurs : le " publi " sert rarement les intérêts du commanditaire et altère le crédit du support qui l’héberge. Réalisé par Veritas International Communication, cabinet surgi de nulle part, le 10 pages publié le 30 juin 2006 dans l’hebdomadaire Valeurs actuelles à la faveur de la visite imminente en France du nouveau président béninois Thomas Boni Yayi peut prétendre à cet égard au statut de spécimen. Au sein des rédactions, l’irruption de ces papiers peut d’ailleurs susciter des tensions entre les journalistes et leur direction, voire avec les collègues qui ont pour mission - ingrate en ces temps de disette - d’attirer les recettes publicitaires. Le service Etranger du Monde n’a ainsi jamais digéré les " dossiers pays ", plutôt réussis techniquement, concoctés par l’ " agence de presse InterFrance Média. En ce d’autant moins que leurs concepteurs cultivent la confession des genres. Ainsi, en juin 2001, lors d’un petit-déjeuner de presse en l’honneur de l’Ivoirien Laurent Gbagbo en visite à paris, on a vu deux d’entre eux, inconnus au bataillon, se présenter comme des rédacteurs du quotidien du soir. On se souvient aussi d’un 8 pages à la gloire du Gabon paru à la fin de l’été 2003. Deux ans plus tard, Le Monde 2, supplément hebdomadaire gratifiait ses lecteurs d’un cahier spécial sur " l’expression culturelle " au Cameroun. Et il fallait un regard d’aigle pour déchiffrer la mention figurant au bas de la première page : " Publi-reportage entièrement réalisé par Altermédia, seule responsable de son contenu. " Le quotidien du boulevard Auguste Blanqui cédera de nouveau à la tentation à la mi-septembre 2006. On y découvre, sur quatre pages qu’égaie une jolie frise dessinée, une " réalisation Altermédia pour Startline Communication ", à la gloire du même Cameroun et de son chef. Une mention insolite, placée au pied de la page d’ouverture sous l’effigie de Paul Biya, intrigue : " Cahier du Monde daté dimanche 17-lundi 18 septembre 2006, n° 19174. Ne peut être vendu séparément. " Il ne manquerait plus que ça.

(…) " Près de quinze ans après avoir quitté le métier, soupire le député-maire de Bègles Noël Mamère, ancienne figure de proue du service public, je m’aperçois que rien n’a changé. Il y a toujours eu parmi nous des types prêts à tous les renoncements dès lors qu’il y a de l’argent à faire. " Qui l’eût cru ? Mano n’est pas le seul préretraité du petit écran à cachetonner en Afrique. Quelques icônes vieillissantes s’y sont essayées avec un bonheur inégal. Mission à risque : un jour qu’il recevait une poignée de journalistes, Hassan II, furieux de l’impertinence d’une remarque de l’un d’eux, se tourna vers Edouard Sablier et lui lança, cinglant : " Je ne vous paie pas pour qu’on me pose ce genre de questions. " D’autres jurent sans vraiment convaincre n’avoir jamais été sollicités pour léguer leur science du fenestron aux excellences en mal d’image. Tel est le cas de Régis Faucon, ancien chef du service Etranger de TFI. " Bizarre, s’étonne un conseiller béninois actif à Cotonou, au Togo et au Cameroun. Le 14 juillet 2005, lors de la garden-party de l’Elysée, il m’a raconté des anecdotes piquantes sur Bongo et Biya, prétendant avoir quasiment donné des leçons de maintien au président camerounais, lui avoir enseigné comment marcher et se tenir. Et le tout s’est terminé par une offre de services : Si tu as besoin d’un coup de main… " A 62 ans, Faucon rechigne, à l’évidence, à dételer. Lui réalise, pour une petite société de production qu’il anime avec son épouse et son fils, des portraits et des documentaires. Et c’est dans l’optique d’enrichir son catalogue qu’il couvrait encore, en décembre 2005, le sommet Afrique-France de Bamako.

Jouve en selle

Ou l´on voit défiler un truculent globe-trotter, deux Burkinabés transis et un bouillant colonel libyen…

Si le Gabon voit s´amenuiser ses réserves pétrolières, les élections offrent aux missionnaires en mal d´exotisme un filon inépuisable. C´est ainsi qu´en novembre 2005 le Sénat a envoyé à Libreville une délégation conduite par l´Ump Jean-Pierre Cantegrit, président du groupe France-Afrique centrale - et président délégué pour le Gabon - au sein de la haute assemblée. Le Togo fut aussi, pour les guetteurs en goguette, un terrain de jeux hospitalier. On a vu comment Charles Debbasch décernait lui-même des brevets de bonne conduite électorale au régime Eyadéma. Lors de la présidence de 1993, les observateurs américains et allemands renoncent à leur mission après avoir sollicité en vain un report du scrutin. Leurs homologues français, impavides, répliquent qu´ils accompliront la leur "sans états d´âme". Gare aux conclusions hâtives : les sentinelles venues d´outre-Atlantique marquent aussi parfois de rigueur. En 2004, six ex-membres du Congrès s´évertuent ainsi à certifier conformer la présidentielle camerounaise, tous frais payés. C´est le Premier ministre, par ailleurs directeur de campagne du sortant Paul Biya, qui fournit la logistique. En 2003, Lomé attire de nouveau des cautions insolites. Président de la Ligue internationale contre le racisme et l´antisémitisme (Licra), réputé proche de Charles Pasqua, le député européen Ump Patrick Gaubert évoque un processus "convenable". "Ce que nous voyons, précise-t-il, n´a rien d´affligeant ni de suspect." Dans le sillage de Gaubert, on trouve un autre eurodéputé, siégeant pour sa part au sin du groupe communiste : l´ancien président de Sos Racisme Fodé Sylla, nommé depuis par Jacques Chirac au Conseil économique et social et ami de sa fille Claude. Ce colosse confessera avoir visité, en tout et pour tout, six bureaux à Lomé…Y aurait-il une malédiction strasbourgeoise ? Alors député européen et familier du palais de Lomé II, le radical de gauche Michel Scarbonchi annonce en mai 2003 l´arrivée imminente d´une mission de l´Europalement. Prédiction aussitôt démentie par Gilles Desesquelles, chargé d´affaires de la Commission européenne au Togo. Dans la jungle des isoloirs, il est aisé d´avancer masqué. En 2002, au lendemain de la victoire par les urnes de Denis Sassous Nguesso, une dépêche de l´Agence France Presse relaie le quitus élogieux décerné par un certain Michel Lecornec au nom de l´Observatoire africain de la démocratie. L´Afp omet juste un détail : ledit Lecornec avait à l´époque ses entrées à la présidence de Brazza.

Même quand ils présentent tous les apparences du sérieux, les comptes rendus de fin de mission peinent à convaincre de l´efficacité des survols d´observateurs. Car ces derniers arrivent trop tard, repartent trop tôt, et se bornent souvent à visiter brièvement deux ou trois bureaux aisément accessibles, de préférence dans la capitale, avant de rédiger un blanc-seing qui, sauf exception, obéit à un canevas inaltérable (prière de compléter les espaces laissés en blanc et de biffer les mentions inutiles) : "En dépit de quelques rares incidents mineurs, enregistrés notamment à…. et …., les élections du …. Se sont tenues dans des conditions jugées acceptables/satisfaisantes/exemplaires. Quoique regrettables, les irrégularités constatées/rapportées/suposées ne sont pas de nature à entacher la crédibilité des résultats de la consultation. Les membres de la mission tiennent à saluer la maturité démocratique dont ont fait preuve les électeurs…. Et à remercier les autorités du …. De leur concours."
Ironie facile ? Peut-être. Il est indéniable que l´Organisation internationale de la francophonie (Oif) a consenti de louables efforts pour redorer le blason des vigies d´Afrique. Pour ailleurs, le déploiement, même limité, de superviseurs indépendants joue à l´évidence un rôle dissuasif. "C´est un standard démocratique, souligne Christine Desouches (Oif), citée dans un article de Géopolitique africaine. Ne pas demander d´observation, c´est indiquer qu´on a quelque chose à cacher !" Frappée du sceau de la francophone, la mission d´observation ne dessine pas, en soi, le chemin le plus cour vers la fortune. "Environ 200 euros par jour pur les membres, avance une vigie aguerrie, et une prime de 600 ou 700 euros pur le rapporteur." Reste que l´impact sur les mœurs électorales paraît aléatoire. Lors de la présidentielle de 1993, une dizaine de délégations débarquent au Gabon : les parlements camerounais, béninois, ivoiriens, français, européen, la Commission internationale des juristes, l´Oua, l´African American Institute… et le conseil permanent de la francophone, don tles envoyés rédigent un rapport précis est accablant. Qui s´en souviendra cinq ans plus tard ? Il y a donc encore du chemin à faire. Pour preuve, ce bordereau signé par Edmond Jouve, venu au Burkina Faso scruter les dessous de la présidentielle du 13 novembre 2005. L´universitaire a certes eu le mérite de s´aventurer à Fada Ngouma, à l´extrême est du pays. Mais sa visite fut expéditive : seize minutes en tout et pour tout, comme l´atteste la "grille d´observation". Laquelle dévoile le "nombre d´électeurs dans la file d´attente" : 0. "L´excès de juridisme peut s´avérer néfaste, nuance Jean Dubois de Gaudusson. Siégeant au sein de la Cour constitutionnelle des Comores, j´ai eu à apprécier avec mes collèges la régularité d´un scrutin. Bien sûr, il n´était pas 100 % conforme aux règles du jeu. Fallait-il pour autant tout annuler ? Non. Le droit ne doit pas faire obstacle à une sortie de crise."


Source : Vincent Hugeux. “Les sorciers blancs.
Enquête sur les faux amis français de l’Afrique”,
Paris, Fayard, 2007.
335 pages.

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