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18.04.2008

L´hommage d´Edouard Glissant à Aimé Césaire 

La route de Balata monte à travers la forêt primitive de Martinique jusqu’au Morne-Rouge et au delà vers les plateaux d’Ajoupa-Bouillon, du Lorrain et de Basse-Pointe, où le poète est né, et où l’on découvre et l’on éprouve « la grand’lèche hystérique de la mer. » Pas un ne sait ni ne peut dire à quel moment, sur cette route, vous quittez le sud du pays, ses clartés sèches, ses plages apprivoisées, ses légèretés soucieuses, pour entrer dans la demeure de ce nord de lourdes pluies, parfois de brumes, où les fruits, châtaignes et abricots ou mangues térébinthes, sont pesants et présents, et où l’on peut entendre d’au loin les conteurs et les batteurs de tambour. Chacun s’y plante sans doute dans ses enfances sans bouger, comme dans la boue rouge qui piète à l’assaut des mornes Pérou et Reculée.

Mais la jeunesse du poète est aussi marquée par des errances tranquilles. Dans les an-nées de l’immédiat avant-guerre mondiale, la deuxième, il est étudiant à Paris, ayant quitté ces mornes du nord de la Martinique, et le Lycée Schoelcher à Fort-de-France. Il découvre ce qu’on appelait le vieux continent, mais surtout il rencontre l’Afrique, « gigantesquement chenillant au pied de l’Europe sa nudité où la mort fauche à larges andains ». Non pas la découverte de l’explorateur, mais celle essentielle du fils revenu à la source de ses passions et de ses inquiétudes. Parmi ceux, africains, antillais, guyanais, malgaches, réunionnais, qui constituent alors l’émigration intellectuelle des colonies à Paris, laquelle était la marge d’une autre émigration de même origine, ouvriers d’usines et sous-prolétaires, comme on disait à l’époque, et qui sera ensuite officiellement et systématiquement organisée pour les besoins de la reconstruction dans l’après-guerre, (quelques-uns se souviennent de ce fameux Bureau de migration des Départements d’Outre Mer, le très efficace Bumidom, qui aura fonctionné jusqu’aux dé-buts des années 1960), Aimé Césaire est déjà un militant, qui accompagne les rédactions des revues L’étudiant noir, Légitime Défense, et qui peut-être fréquente les réunions chez madame Paulette Nardal, attachée à la défense de la personnalité antillaise et noire. Il rencontre le sénégalais Léopold Sédar Senghor et le guyanais Léon Gontran Damas, ce sera l’inséparable trio de la Négritude, mais surtout, solitairement on dirait, en tous cas par un effort puissant et passé alors inaperçu, c’est en 1939, et le texte est publié en province dans une revue intitulée Volontés, qui de ce fait est devenue historique, il fait jaillir, comme d’un puissant coup de pied dans la terre pourtant lointaine, Le cahier d’un retour au pays natal, que nous mettrons tout de suite au rang d’Éloges de Saint-John Perse, qui ont précédé en 1917, et des Feuillets d’Hypnos de René Char, qui suivront en 1943, au temps de la Résistance française : un des très grands poèmes de notre époque, et qui selon moi signifie bien plus loin que sa réputation d’œuvre militante.

L’errance ainsi, qui n’est pas errements, et la découverte du monde, se radicalisent en un mouvement délibéré, celui de la plongée dans le pays natal martiniquais, avec les particu-larités que voici : Le Cahier n’est pas un texte de description réaliste, mais rien n’est plus près des rythmes, des étouffements et des pulsions de ce réel-là, ce n’est pas un texte d’exaltation triomphaliste, pourtant il sera une des sources des inspirations de la diaspora africaine, il s’y trame une poétique tragique, et sans aucune complaisance, de la géographie et de l’histoire de ce pays à soi-même encore inconnu, et, pour la première fois dans nos littératures, une communication, une relation, de ce même pays, avec les civilisations d’Afrique, les histoires enfin sues d’Haïti et des noirs des Etats-Unis, des peuples andins et d’Amérique du sud, avec les souffrances du monde, sa passion et son tremblement. Ainsi, dès ce commencement, la relation à l’Afrique ne sera pas chantée comme immédiatement politique, elle ne procédera pas de la démarche de Frantz Fanon, qu’elle rencontrera plus loin, elle ne consistera pas non plus, comme pour Marcus Garvey et les noirs des Etats-Unis, en un échange de population, en un autre retour, qui aurait pu passer pour une occupation (du Liberia ou de la Sierra Leone) : ce sera plutôt une profonde poétique de la souffrance historique des Afriques et de la connaissance partagée du monde.

Ces caractéristiques se révéleront d’autant plus remarquables que le Cahier connaîtra une seconde vie, de 1940 à 1943 et 44, dans une Martinique coupée du monde, occupée par les marins de l’amiral Robert, délégué du régime de Vichy, et cernée par la flotte étasunienne de la Caraïbe et de l’Atlantique. Le poème s’enrichit des textes de résistance publiés alors par Aimé Césaire et ses amis, (dont Suzanne Césaire sa femme et René Ménil), dans la revue Tropiques, où l’on peut découvrir un manifeste encore aujourd’hui trop peu considéré, Poésie et connaissance. La revue est révélée, au hasard d’une vitrine de librairie, à André Breton, en 1941, et l’œuvre de Césaire en même temps, alors que le poète français est en route vers les Amériques avec un groupe d’artistes et d’intellectuels qui fuient l’occupation nazie. Pendant cette période, Aimé Césaire écrit quelques-uns de ses plus beaux poèmes, (Le grand midi, Batouque) réunis dans Les armes miraculeuses, à la puissance tellurique. Il s’inscrit au Parti communiste français, dont il démissionnera en 1956 (la Lettre à Maurice Thorez), et à ce titre est élu dès 1945 député de la Martinique, plus tard maire de Fort-de-France, fonctions qu’il occupera pendant plus de cinquante ans, au nom du Parti progressiste martiniquais, qu’il a fondé après sa séparation d’avec le Parti communiste français. Nul ne saura dire si son combat politique s’est mené au détriment de sa production poétique, ou non. L’opinion la plus simple serait qu’ils se sont soutenus l’un l’autre.

La fréquentation des surréalistes, en particulier l’amitié avec André Breton et Paul Eluard d’une part, ainsi que les rapports très intimes avec Léopold Sédar Senghor et avec le peintre cubain Wifredo Lam d’autre part, nous aident à comprendre qu’il y a là une conni-vence entre des poétiques occidentales modernes, toutes de contestation et de révolution du langage, et des poétiques nègres, dont les inspirations (la puissance du rythme, le merveilleux, la démesure, l’humour, la fusion originelle et la fondation cosmique de la parole, ainsi que les procédés : d’accumulation, d’assonance, de vertige, etc) se rencontrent sans se confondre. Césaire n’est surréaliste que parce qu’il a fondé dans sa négritude, et non pas le contraire. Cette négritude est à la fois de réveil de la mémoire et d’appel prémonitoire à une renaissance, elle précède en quelque sorte la floraison des négritudes modernes de la diaspora africaine, en ce sens elle diffère de celle de Senghor qui procède d’une communauté millénaire, dont elle résume la sagesse. La poétique d’Aimé Césaire est de volcans et d’éruptions, elle est déchirée des emmêlements de la conscience, parcourue des flots déhalés de la souffrance nègre, avec parfois une surprenante tendresse d’eau de source, et des boucans de joie et de liesse.

Le lecteur français lui reproche parfois un manque de mesure, alors même que c’est une poésie toute de mesure, mais cette mesure-là est la mesure d’une démesure, celle du mon-de. Le poète est celui qui raccorde les beautés de son héritage aux beautés de son devenir dans le monde. Mais il n’a pas oublié la Plantation, (il y est né), ni le bateau négrier. Nous pouvons établir la différence d’avec les élégies de Léopold Sédar Senghor, offertes comme dans une barque lente sur le grand fleuve du pays africain, et par ailleurs, sur les quais de ports enrouillés, le chant aigu, écorché, aux rythmes torturés, aux relents de matin trébuchant, de Léon Gontran Damas. Étonnante dis-symphonie de ces trois paroles, qui célèbrent la source et la diaspora, par où on entend que ces poétiques ont parcouru ensemble les diversités du monde.

Cependant, la maturité du poète est marquée par des travaux fertiles. Les livres de poésie, Soleil cou coupé, Ferrements, Cadastres, histoires et géographies, encore et toujours enserrées dans le frémissement tragique du monde, jusqu’au dernier, Moi, laminaire, à la fois luminaire et laminé, qui du fond de tant d’activités et de responsabilités lève la statue d’ombre d’une solitude essentielle et irremplaçable. Les travaux, les essais, sur Toussaint-Louverture en particulier, dont le plus important reste ce Discours sur le colonialisme, où le poète met en oeuvre son érudition d’ancien normalien pour faire remonter à la surface tant de propos ra-cistes cachés dans le terreau de la culture d’élite occidentale. L’acuité de la phrase, qui frappe net. L’éloquence aussi, qui ouvre sur l’emportement. Les grands poètes sont les plus grands des pamphlétaires.

Aimé Césaire a mené une entreprise théâtrale tout orientée par la tragédie. On l’aborderait par Une tempête, où il prend à notre compte le personnage de Caliban, le monstre (cannibale ?) de La Tempête de William Shakespeare, rien moins qu’un habitant d’une île caraïbe, dont le duc légitime de Milan, dépositaire de toutes les sciences et de la connaissance, magique ou logique, fait la conquête. Cette réfutation par Césaire d’une légitimité de la colonisation en son principe, comme de son apologie dans les faits, serait une bonne introduction aux autres pièces, La tragédie du roi Christophe, et Une saison au Congo, qui examinent les implacables distorsions qui suivent souvent les luttes de décolonisation et qui en sont parfois les effets. On dit que pour compléter ce cycle, le poète a eu l’intention d’écrire une tragédie sur la situation des noirs des États-Unis, autre aspect de la colonisation, de ses énormes variétés, de ses incalculables conséquences. Si la tragédie est la résolution d’un dissolu, il est juste de considérer les tragédies des poètes anticolonialistes, ou plus simplement des poètes des pays du Sud, comme des tentatives de résoudre cet inconcevable dissolu qu’ont représenté l’acte de coloniser et ses conséquences. La parole tragique accompagne cette autre action qui à son tour s’oppose au geste du colonisateur. Le monstre Caliban tout soudain est une conscience. Mais il arrive aussi que la résolution du dissolu avorte, dans l’architecture tragique comme dans la réalité souffrante des pays, et les histoires récentes en proposent combien d’exemples : l’ancien colonisé reprend les manières, les stratégies, les injustices de l’ancien colonisateur, la passion du pouvoir l’étouffe et le tourne contre son peuple, en Haïti comme au Congo : la tragédie en rend compte.

Alors le poète est debout sur le terrain de son combat. On se souvient de la présence et des interventions d’Aimé Césaire aux deux Congrès internationaux des écrivains et artistes noirs, à la Sorbonne en 1956 et à Rome en 1959. C’était le temps des difficiles luttes de libération en Afrique, et il s’agissait d’aider avant tout à ces émancipations, mais aussi, déjà, de préserver le plus qu’il se pouvait l’ouverture africaine, la parole de poésie, la passion d’échanger, le goût d’être ensemble dans le monde, que la société Présence africaine et son directeur Alioune Diop avaient entrepris de défendre, ce qu’Aimé Césaire accompagnait de toutes ses forces.

La mort des poètes a des allures que des malheurs beaucoup plus accablants ou terrifiants ne revêtent pourtant pas. C’est parce que nous savons qu’un grand poète, là parmi nous, entre déjà dans une solitude que nous ne pouvons pas vaincre. Et au moment même où il s’en est allé, nous savons que même si nous le suivions à l’instant dans les ombres infinies, à jamais nous ne pourrions plus le voir, ni le toucher.

Édouard Glissant.
Cet article a été publié dans le nouveau journal MEDIAPART, le 17 avril 2008 : www.mediapart.fr
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Il est vivant !

L´île retenait son souffle. Chaque apparition suspendait le mouvement de la vie, comme pour retenir dans l´instant ce que nous ne voulions pas voir s´éloigner. Tant d´énergie, tant de force, tant de puissance, dans ce corps si mince et si fragile, mais surtout tant de reconnaissance, tant de gratitude, tant d´amour pour celui qui pour la première fois avait permis à son peuple de dire " JE", de parler à la première personne. Au commencement était le verbe. Il était donc poète. Poète fondamental. Et nègre tout autant. Enseveli déjà de son vivant sous les éloges, le cerne aujourd´hui la canonisation et l´enferme dans un mausolée de dithyrambes, au risque celer la gerbe de son geste libérateur. Mais ce n´est que sa dépouille que l´on met en terre en ce jour. Il est vivant! Dans nos cœurs, dans le regard droit et profond de celui qui lève la tête, dans le quotidien de nos dires, dans la nuit de nos sommeils, dans le salut que nous adressons à l´autre, dans l´obole au mendiant, dans la reconnaissance de notre égale condition, dans la possibilité même de l´échange et de la parole, dans le morceau de pain revendiqué, dans le chant clair de la rivière, dans le vieillard tombé du lit qui se redresse, dans la pierre qui berce le chemin, dans le balisier sucré par le vent, dans le premier cri de l´enfant qui dit non, dans ... , dans..

Il est en nous.

A l´appel de son nom il répond : Présent!

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Ma poésie est née de mon action

Vous aimez votre pays. Vous le visitez toutes les semaines ?

Mais non, tous les jours. Mon chauffeur me prend à 15 heures. J´aime les paysages, la faune, la flore, le peuple martiniquais, la cabane martiniquaise, les pauvres gens...
 

C´est pour cela que vous êtes entré en politique ?

Sans le vouloir. On a fait de moi un porte-parole. Au sortir de la guerre, je suis un jeune homme de gauche, communisant, mais je n´y connais rien. Des copains de classe font une liste assez large pour avoir des chances. Je n´y crois pas une seconde. Je signe pour leur faire plaisir, et la liste fait un triomphe ! Je réunis les employés municipaux, je leur avoue ne rien savoir : "Nous vous aiderons !" Je fixe le premier ordre du jour. Je regarde les textes, je n´y comprends rien. Les rues de Fort-de-France sont affligées de caniveaux où les Martiniquais, la nuit, en se cachant, déversent leur merde. Pas possible ! Il faut faire un réseau. Mais on n´a pas d´argent ? "Je n´en sais rien, mais je ne commencerai pas mon règne par une abdication." Quelle prétention ! hein ? Quelle emphase ! "L´argent, nous le trouverons !" Je n´ai pas demandé de subventions, j´ai fait un emprunt. Et nous avons fait moderniser ces quartiers de cases sans toit, de masures pourries et d´enfants aux pieds nus. Voilà comment est née ma carrière.
Bien entendu, je suis très vulnérable, mais nous avions une pensée, une conception de la vie. Je ne suis pas antifrançais : je suis d´abord martiniquais.


Que pensez-vous du terme de francophonie ?

Que voulez-vous ? Il existe, je l´accepte. Je ne l´ai pas inventé. Je suis francophile, mais ce n´est pas sur la francophonie que je mets l´accent. Je ne me sens pas assimilé français, mais à l´école communale on nous a appris à lire en français. J´ai appris à penser en français, j´ai aimé les écrivains français, et quand j´arrive au Havre, après vingt jours de bateau, je prends le premier train de ma vie. Par la fenêtre, je reconnais les prés, les paysages que je ne connais pas. Dans nos livres d´histoire et de géographie, tout était dit. J´étais si curieux de connaître la France, de connaître Paris. Nous aimions ce que nous lisions, le journal, les livres récents, le latin et le grec : on trouve tel mot, et je le reconnais en créole. Cela dit, jamais je n´ai voulu faire du français une doctrine. Ce qui m´intéressait, c´était l´identité nègre. Toi le Sénégalais, toi le Guyanais, qu´est-ce que nous avons en commun ? Pas la question de la langue : la question nègre. La langue française nous passionnait. Les anglophones, les Américains avaient déjà développé une littérature nègre : Langston Hughes, Richard Wright, and so on, c´était pour nous une révélation. Les premiers à avoir posé les bases, les Nègres américains.
 

Votre ami Léopold Sedar Senghor aurait 100 ans.

Après mon bachot, M. Revert, mon professeur, me conseille d´aller préparer l´Ecole normale supérieure, à Paris. Au lycée Louis-le-Grand, où il me fait recommander, je suis très bien accueilli. En sortant du secrétariat, qu´est-ce que je vois, arrivant de l´autre bout du couloir ? Un petit homme noir à grosses lunettes épaisses, en blouse grise. Autour des reins, une ficelle au bout de laquelle pend un encrier vide qui se balade dans ses jambes. Il vient à moi : "Alors, bizut ! Comment t´appelles-tu ? D´où viens-tu ? - Je viens de la Martinique et je m´appelle Aimé Césaire, et toi ? - Je m´appelle Léopold Sédar Senghor et je viens du Sénégal. Tu seras mon bizut." Autrement dit, en arrivant dans un lycée français, ce n´est pas du tout un Français que je rencontre, ce qui m´a immédiatement paru sympathique et symbolique. On est restés copains, on se voyait tous les jours. Nous parlions de littérature. Nous avions une petite cellule africaine, si vous voulez.

En 1945, j´arrive à l´Assemblée nationale, je vois un petit homme noir à grosses lunettes, il tombe dans mes bras : "Alors, Césaire ! tu es député de la Martinique, moi du Sénégal..." J´ai continué de le voir pendant tout son séjour parisien, ainsi que Léon Gontran Damas, le Guyanais, ou Michel Leiris. Nous parlions à l´infini des Antilles, de l´Afrique et de la "négritude".


Le mot "nègre" était insultant.

Mais ce n´est pas nous qui l´avions inventé. Un jour, je traverse une rue de Paris, pas loin de la place d´Italie. Un type passe en voiture : "Eh, petit nègre !" C´était un Français. Alors, je lui dis : "Le petit nègre t´emmerde !" Le lendemain, je propose à Senghor de rédiger ensemble avec Damas un journal : L´Etudiant noir. Léopold : "Je supprimerais ça, on devrait l´appeler Les Etudiants nègres. Tu as compris ? Ça nous est lancé comme une insulte. Eh bien, je le ramasse, et je fais face." Voici comment est née la "négritude", en réponse à une provocation.
 

Dans quelles circonstances avez-vous rédigé votre Cahier d´un retour au pays natal ?

Regardez cette photo. Petar Guberina ! Un soir de 1935, je rentre à la Cité universitaire. Je reviens du théâtre : Giraudoux, joué par Jouvet, je n´allais pas rater ça ! Je traîne, librairies, bouquinistes, je n´ai plus un sou. A la cantine, je prends, je ne sais plus, quelques traces de tomates. Alors la serveuse me dit : "Vous ne mangez jamais de viande ? Vous n´avez pas d´argent ? - Non, mademoiselle, ce n´est pas une question d´argent, c´est une question de philosophie : je suis végétarien." Grand éclat de rire derrière moi ! C´est ce beau type, assez sombre de peau, Petar Gubarina : "Moi aussi, je suis végétarien, pour la même philosophie !"

On devient copains, les meilleurs du monde. Comme à Senghor de l´Afrique, je lui parle du monde slave. Il s´aperçoit à sa grande stupeur que je sais beaucoup de choses sur son pays. J´apprends quelques mots de croate, écoutez... je les sais encore.


A son retour chez lui, il me télégraphie : "Aimé, qu´est-ce que tu fous à Paris ? Tu t´emmerdes, c´est l´été, viens me voir à Zagreb." Je n´ai pas un sou pour retourner en Martinique, et ce fou m´invite en Croatie. Bref, je prends le train. Au bout, sur le quai, sa famille me réserve un accueil extraordinaire. Les paysages, le découpé de la côte, l´exil, la mer, tout me rappelle la Martinique. Et du troisième étage de la maison, devant un paysage de splendeur qui me rappelait le Carbet, j´aperçois une nuée d´îles : "Petar, regarde celle-là : c´est ma préférée, comment s´appelle-t-elle ? - Martiniska ! - Mais alors ! c´est la Martinique, Pierrot !" Autrement dit, faute d´argent, j´arrive dans un pays qui n´est pas le mien, dont on me dit qu´il se nomme Martinique. "Passe-moi une feuille de papier !" : ainsi commencé-je Cahier d´un retour au pays natal.


Vous êtes fier de votre action politique ou de votre oeuvre poétique ?

Elles vont ensemble. Pendant les conseils municipaux, je m´absentais : pas physiquement, bien entendu, mais pour écrire en secret. Un beau jour de vacances, j´extirpais les papiers de ma poche, c´était un poème. Ma poésie est née de mon action. Je n´ai jamais voulu faire une carrière poétique, en demandant aux gens qu´on me foute la paix pour créer. Non : écrire, c´est dans les silences de l´action.

 

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