Te voilà rendu, mon Père,
Te voilà rendu à Nyambé, le Créateur
de l`immensité visible et invisible.
Te voilà libre par delà la clameur des jours de bonheur,
et par delà l`acharnement des médisants.
Libre au-delà de la vie de ce monde matériel
eternellement insatisfaisant.
Mais libre dans la sérénité imaaterielle du repos eternel,
dans l`espérance de la resurrection et de la redemption,
promises à nous tous.
Tes enfants et tous ceux qui t`aiment ont pleuré toutes les larmes de leur coeur, en ce jour fatal, où de ton corps meurtri, ton âme s`est séparée pour le grand voyage.
Alors que ta communauté te devait protection et promotion à toi l`unique enfant survivant d`un tout petit couple, dans ce petit hameau Duala des années trente, c`était plutôt à toi de la servir, toujours servir. Tu devins ainsi pour elle cet infatigable ouvrier dur à la tâche, mais toujoursd parcimonieusement rétribué; tout comme tes congénères MBONJO`A WUDU, Thomas MBONJO`A MAKONGO, Louis MBONDO`A MBONGO Alfred. C`était votre lot, et tout comme eux, DIEU Tout Puissant t`avait admirablement outillé pour l`action.
Homme d`Action, D`Engagement et de Conviction, tu l`as été à Bonassama où encadré par DIN`A SAME, MBONJO`A MOBY, MOUDOUMBOU EKEKE, tu as incarné le refus du mensonge et de la compromission, prenant toujours le risque bien mineur celui-là de te mettre en porte à faux vis-àvis des entrepreneurs de la désunion et de la spoliation.
Homme d`Action, tu l`as été dans la communauté SAWA, à laquelle tu as donné le meilleur de toi même, pour la renaissance culturelle de notre région; en t`engageant dans toutes les initiatives et nobles batailles, pour que sur une Tradition galvaudée par l`indécence et le matérialisme.
Qui ne t`a pas vu avec DIKA BETOTE, EKWE DAYS, NDOUMB`EKWE, KUOH EYIDI et les autres, déclencher la belle aventure du MUNGI, dont tu devins tout naturellement l’archi l’Archiprêtre ?
Qui ne t’a pas vu ferrailler avec ESSAK’EKWALLA, EKWAL’EKWA, MANDENG’A NTONE, NTON’EBONGUE AKWA, KINGUE KWA, ELAM’A NGANGUE André,…, pour que le NGONDO s’impose comme le creuset de l’unité des SAWA ?
Qui n’a pas entendu ton chant lyrique du Ngoso dans les frondaisons du Bongongi ba Belle, sur les berges du Wouri et la grande place de Japoma ?
Qui ne t’a pas vu avec BOSSO EKAM, ton MUNAYE, dans les forêts de BOSSUA et de BESSOUNGKANG, demander aux entités telluriques l’autorisation d’abattre les MIENGE pour la sculpture des célèbres pirogues mythiques ?
Qui ne t’a pas vu en observateur attentif de la nature et passionné des mouvements des quatre éléments, qui ne t’a pas vu (disais-je) expliquer à tes disciples les effets bénéfiques des marées d’équinoxe sur les jeunes femmes enceintes, ou les signes du « TIMBO’A JENGU » ?
Mais personne ne t’ a vu ou entendu invoquer les démons !
Personne ne t’a vu opérer les voyances,
Personne ne t’a vu jeter un sort funeste au tout petit arbre sans fruit,
Personne ne t’a vu ou entendu proférer des menaces à tous ceux qui t’ont vilipendé, spolié,…DIEU seul sait combien la horde était grande.
Mais alors, comment expliquer cet acharnement contre toi ? Tout simplement par l’incompréhension. Pour beaucoup Tete Eyobo, tu étais un incompris, et tu pourras leur pardonner.
Avec ta disparition la communauté SAWA perd l’un de ses plus éminents serviteurs. Mais il n’est pas très tard en cette occasion douloureuse, s’adresser aux hommes et femmes de cette somnolente communauté, un message que tu aurais bien aimé leur donner : le temps est venu pour l’insurrection morale et intellectuelle. Le temps est venu pour l’action. Le temps est venu pour que les SAWA en finissent avec la basse prudence et le culte de l’aisance matérielle. La crise qui sévit dans notre pays n’est pas seulement récession économique. Elle est aussi une crise identitaire des communautés. A ceux des SAWA qui ont fait de la démission permanente un art de vivre, je dirai que l’Histoire de cette Communauté les accablera de circonstances aggravantes, les DOUALA MANGA et les autres martyrs ne sont pas morts pour que ceux là vivent de sinécures.
Tete EYOBO, tu n’avais nul besoin de gloire, fût – elle méritée. Mais toute cette communauté et tes amis ici réunis ont pour toi une obligation d’hommage.
Sans le soleil et le désert, qui connaîtrait la soif ?
Sans la soif qui connaîtrait l’eau ?
Qui connaîtrait l’eau sans le Créateur ?
Mais qui oserait connaître le Créateur ?
Descends mon père dans la terre des BA MBAMBE
Dans la paix et dans l’honneur.
Hommage lu avant l’inhumation d’EYOBO ESSAWE, ancien sécretaire général du NGONDO, EYUM’A MOTO et Elite SAWA.