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ESPACE DE DISCUSSION |
Revendications des Peuples Noirs (posté le: 21.12.2005 par )
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Par MOUKOKO PRISO
Il faut cesser la répression contre les étudiants !
Par MOUKOKO PRISO Professeur de Mathématiques Secrétaire général de l’Upc
La récente décision du gouvernement de MM. Biya et Inoni, agissant via un recteur d’université et un procureur de la République, de traduire en justice le 12 janvier 2006 une douzaine de jeunes étudiants accusés de “ rébellion contre l’Etat… ”, rappelle une des périodes les plus sombres de l’histoire des rapports entre l’Etat kamerunais et les étudiants de ce pays depuis 1960. Même le vocabulaire d’avant 1990 ressort, comme sous l’état d’urgence permanent sous Ahmadou Ahidjo et ses amis Jean Fochivé et consorts. Par exemple, début octobre 1970, M. Ahidjo et ses amis firent passer devant un tribunal militaire deux des dirigeants d’alors, de l’Union nationale des étudiants du Kamerun (Unek) : le président et le vice-président à l’Information. Le motif invoqué était déjà “ la subversion ”. Parce que le petit journal de l’Unek, “ l’Etudiant du Kamerun ”, critiquait vertement la politique du pouvoir Unc à l’université de Yaoundé : manque criard de chambres à la cité universitaire, et de places au restaurant universitaire ; insuffisance de laboratoires et d’enseignants qualifiés, insuffisance de bourses pour les étudiants à l’étranger, etc. Autrement dit, pratiquement les mêmes maux qu’aujourd’hui, 35 ans plus tard, en plein “ renouveau et grandes ambitions ”. Si donc en 2005, un procureur de la République peut, au nom de la justice manifestement transformée en instrument par le pouvoir politique, traduire devant un tribunal de jeunes étudiants pour cause de “ rébellion contre l’Etat, organisation de manifestations illégales, etc. ” , chaque Kamerunais, femme ou homme, jeune ou vieux, peut alors mesurer combien notre pays a fait des progrès depuis 1960 en matière de libertés, de démocratie et de bonne gouvernance. Ou alors, en réalité, combien le pays a reculé.
Une date révélatrice
Le choix même de la date du procès, le 12 janvier, est symbolique. En plein début d’année, dans tous les pays du monde, les gouvernements et chefs d’Etat en sont encore généralement à souhaiter “ la Bonne année ” à leurs peuples et à leurs jeunesses, “ fer de lance de la nation et incarnation de l’avenir du pays, etc. ” Dans ces conditions, n’est-il pas révélateur que chez nous, les vœux de “ Bonne et heureuse année ” à la jeunesse, par MM. Biya et Inoni, consistent à traîner en justice une douzaine de jeunes innocents, dont le seul crime est de penser à leur avenir et à un avenir meilleur pour toute la jeunesse kamerunaise ?
Le 12 janvier, le Kamerun et les Kamerunais seront exactement à 1 mois du 11 février, présenté comme le jour de la “ fête de la jeunesse ” du pays. Donc le 11 février 2006, un mois seulement après avoir traîné devant un tribunal bizarre une douzaine de jeunes étudiants innocents, quel message le président de la République et son Premier ministre-chef du gouvernement enverront-ils à cette jeunesse ? Comment les 120.000 étudiants officiels du pays devront-ils accueillir le message du président et de son Premier ministre, alors même que certains des leurs auront été tués à Buea sous le recteur Dorothy Njeuma en mai dernier (depuis la dernière “ fête ”), et que 12 autres auront été condamnés à Yaoundé sous le même recteur, un mois (1 mois seulement) avant, à des peines de prison ou de renvoi de toutes les universités du pays ? Tout le monde dans le pays se souvient que, comme veut le faire le recteur Njeuma appuyé par le président Abouem a Tchoyi, un renvoi analogue fut décidé naguère par M. Titus Edzoa contre les leaders étudiants des années 1990-93, avant que ce monsieur ne tombe lui-même dans les griffes du Kk/Cpdm/Rs (King Kong Cpdm repressive system), dont il goûte encore les délices, pour avoir osé se livrer à une “ rébellion contre l’Etat… ” et autres manifestations illégales, en osant vouloir envisager de voir s’il ne pourrait pas se présenter à une élection présidentielle.
Curieux silence des guetteurs éveillés
Une première chose qui, dans cette affaire, frappe tout observateur sérieux, surtout s’il est Kamerunais, c’est le silence assourdissant, lourd de signification, de la communauté enseignante des universités. A l’exception, il est vrai, du Synes (Syndicat national des enseignants du supérieur) ; et c’est tout à l’honneur de ce syndicat. Mais ce qu’on eut pu penser, c’est que, face à la justesse (en gros) des revendications estudiantines, nos chers compatriotes enseignants, que le “ grand quotidien national Cameroon Tribune ” nous présentait en 2004, avant ce qui devait tenir lieu d’élection présidentielle, comme “ les intellectuels-intelligentsia-intellos ”, que ces personnes donc, allaient user de leur influence pour au moins calmer le zèle répressif du pouvoir contre les jeunes qui sont après tout leurs étudiants (non ?). En 2004, ils se présentaient eux-mêmes comme des “ sentinelles guetteurs d’avenir ”. Ils ne peuvent donc pas s’endormir, car ils risquent, et la nation avec eux, d’être surpris par tous les dangers. Ils se répandaient dans les journaux (Cameroon Tribune surtout), pour expliquer qu’il est du devoir d’un “ intellectuel ” de prendre position dans les questions capitales qui agitent la cité. Mais où sont-ils donc depuis avril et mai derniers, alors que leurs étudiants sont matraqués, brutalisés, torturés et menacés de mort sinon parfois carrément tués ? Faute d’avoir su guetter et prévoir la juste révolte des étudiants (tout le monde peut se tromper), ils auraient au moins pu se rattraper après coup, en prenant, même discrètement, la défense de leurs étudiants. Malheureusement, rien, absolument rien, ne suggère qu’ils l’ont fait. Au contraire, ils sont là, tapis dans l’ombre, guettant et attendant les prochaines nominations par décret-actes du chef de l’Etat.
Ici, on ne peut s’empêcher de se souvenir de quelques faits qui ont jalonné la jeunesse des gens de notre classe d’âge, quand ils étaient étudiants.
En 1958 ou 1959 si ma mémoire est encore bonne, la guerre d’indépendance battait son plein au Kamerun, mais aussi en Algérie. On envoyait alors en Algérie plein de jeunes, et notamment des étudiants français se faire tuer pour une mauvaise cause (le colonialisme), qu’on tente depuis cette année de blanchir par des lois provocatrices et infâmes . Alors, plusieurs de ces jeunes finirent par se révolter, et déclarèrent leur refus d’aller combattre les nationalistes algériens : ils se déclarèrent désormais “ insoumis ”. Le gouvernement français voulut matraquer ces jeunes et les obliger à aller risquer de se faire tuer. Les jeunes étaient menacés de passer devant des tribunaux militaires, des cours martiales, etc. Immédiatement, des intellectuels français, universitaires et autres, 120+1, réagirent, en signant un “ Manifeste ” dans lequel ils déclaraient leur soutien aux jeunes et à leur droit à l’insoumission. Donc contre le gouvernement français. Assez curieusement, le ministre français des armées s’appelait alors Pierre Messmer, cet ancien gouverneur des colonies au Kamerun, grand ami de l’apostat Kodock Bayiha Augustin (ministre d’Etat Rdpc actuel de M. Biya et Inoni). C’est ce même Messmer qui, en grossier personnage, lance des bordées d’injures contre les glorieuses mémoires des Upécistes morts en héros pour l’indépendance du Kamerun, et notamment contre la mémoire de Um Nyobe et Félix Moumié, dans le film récent du réalisateur suisse Frank Gaberly traitant de l’assassinat, par les colonialistes français, du docteur Moumié.
Et encore, en 1970-1971, lorsque le gouvernement de M. Ahidjo et ses amis Jean Fochivé et autres, fit condamner le Président et le vice-président à l’Information de l’Unek par le tribunal de Yaoundé, et garda arbitrairement le vice-président en détention administrative à Batouri, plusieurs universitaires, et notamment le mathématicien Laurent Schwartz (médaillé Fields, équivalent du prix Nobel pour les mathématiques), qui avait eu le vice-président de l’Unek comme élève à l’Ecole polytechnique de Paris, et avait le président de l’Unek comme étudiant de 3è cycle en mathématiques à l’Institut Henri Poincaré (faculté des sciences de Paris), réagirent dès qu’ils furent informés de cette ignominie, en soutenant leurs élèves, tout comme le firent des universitaires de pays africains divers (Sénégal, Nigéria, Zimbabwe, etc). Tous demandèrent instamment que cessent ces pratiques grossières et inacceptables.
Encore toujours, en 1985-86, alors que le renégat Kodock était installé à la mangeoire Rdpc, le gouvernement de M. Biya fit arrêter plusieurs dirigeants de l’Upc dans le pays. C’était avant 1990, bien que depuis, beaucoup de gens tentent de réécrire l’histoire en prétendant que c’est seulement en 1990 qu’a commencé la lutte pour la démocratie et le multipartisme. Depuis au moins 1983, l’Upc demandait fortement le retour au multipartisme. On jeta donc ces dirigeants de l’Upc à la Bmm à Yaoundé, on en tortura certains physiquement. Ils étaient souvent des diplômés des universités et grandes écoles françaises : mathématiciens, pharmaciens, démographes, biologistes, architectes, hydrologues, docteurs en ceci ou en cela (de vrais docteurs ceux-là, même s’ils ne le collent pas tout le temps sur leurs fronts !). Dès qu’ils furent informés de ces évènements, des tas d’universitaires français, qui les avaient eu comme étudiants, se mobilisèrent pour exiger leur libération. Parfois, ils déclaraient : “ Mais c’est pas possible avec votre gouvernement ; nous, on lui forme des cadres de haut niveau ; et lui, il passe le temps à les jeter en prison ; comment pense-t-il développer votre pays ? ”
Voilà quelques exemples de ce que nos maîtres nous ont appris comme comportement des universitaires dans des situations de ce type ; sans pour autant être forcément opposants au pouvoir en place. Mais dans le monde entier, de tels comportements sont considérés comme des comportements de principe, de la part d’universitaires qui se respectent.
Hélas, nos intellectuels-intelligentsia guetteurs d’avenir, qui avaient pourtant promis en 2004 (il y a juste un an) que le Rdpc et son chef feraient des miracles de grandes ambitions( !), se taisent à présent, comme frappés d’apoplexie, alors que leurs élèves sont matraqués, brutalisés et torturés grossièrement sur les campus et dans les commissariats, menacés d’être jugés et condamnés par ce même pouvoir Rdpc.
Nous reviendrons plus loin sur les raisons qui expliquent fondamentalement ce comportement, dont un historien kamerunais a commencé à parler récemment dans le journal Le Messager (J. Achille Mbembe). Pour le moment, regardons de près les arguments avancés pour justifier le passage programmé des étudiants devant les tribunaux.
Des arguments bien curieux
Les dirigeants de l’université de Yaoundé I, le recteur Dorothy Njeuma et M. Abouem a Tchoyi David, tentent de justifier leur hargne répressive contre les leaders étudiants Mouaffo Djontu Eric, Linjoum Mbowou, Messi Balla et Okala Ebode, respectivement président, vice-président, secrétaire général et secrétaire à l’Organisation de l’Addec et leurs camarades, par des arguments pour le moins curieux et étranges. Certains de ces arguments trahissent cette forme de Sida intellectuel très répandu depuis quelque temps dans certains milieux kamerunais qui ont la prétention de constituer des élites.
D’abord, Madame le recteur Njeuma, qui, en sa qualité de recteur à Buea lors des grèves étudiantes d’avril-mai 2005, a déjà sur la conscience des morts de jeunes qui auraient pu être ses propres enfants (mais ça, elle s’en fout puisqu’elle a apparemment pour seul objectif de redevenir ministre Rdpc), Mme Njeuma donc, prétend que les jeunes qui vont être jugés le 12 janvier prochain, ne sont pas des étudiants. Au motif qu’ils ne sont pas encore inscrits pour l’année universitaire 2005-2006 puisqu’ils n’ont pas encore payé leurs frais universitaires obligatoires de 50.000 francs.
Primo, Dorothy Njeuma ne nie donc pas que ces jeunes étaient régulièrement inscrits en 2004-2005. Secundo, dans ces conditions, des étudiants inscrits une année, et qui participent à un mouvement de contestation estudiantine de grande ampleur à la rentrée suivante (comme il y en a souvent dans tous les pays du monde) et qui, de ce fait, n’ont pas encore ( !) payé les frais pour cette nouvelle année, frais dont la légitimité est contestée par la masse des étudiants, eh bien, ces étudiants-là, ne peuvent en aucun cas, être considérés comme rayés de leur université ! L’argutie de Madame Njeuma ne tient pas la route. Nulle part au monde. Puisqu’il y a conflit de légitimité, il est normal qu’on attende la fin du conflit pour décider en fonction des conclusions auxquelles on aboutira. La chose semble si claire qu’on est donc en droit de se demander si Madame le recteur ne vend pas en fait la mèche, c’est-à-dire, qu’elle suggère sans doute, tout simplement, la décision que le tribunal prendra, qu’il devra prendre, le 12 janvier prochain. A savoir condamner les étudiants concernés à des peines les chassant de fait de l’université après coup. Dorothy Njeuma ferait mieux de ne pas oublier le sort de Titus Edzoa, qui chassa froidement d’autres étudiants en 1993, et pensa avoir verrouillé “ ses universités ” pour l’éternité. Maintenant, la nouvelle génération se présente devant le pouvoir, tout aussi désireuse d’avoir des conditions normales pour étudier, être bien formée afin de servir le pays sans conseillers techniques étrangers…
Prétendre que Mouaffo, Linjouom, Messi Balla , Okala et leurs camarades ne sont que “ de simples citoyens qui incitent les vrais étudiants à la révolte contre l’autorité étatique ” , propos des dirigeants de l’université de Yaoundé I rapportés par la presse, c’est, pour parler franchement, user d’une logique indigne d’universitaires, car cela ne vise qu’à justifier la répression contre ces jeunes. Si des étudiants devaient être taxés de rebelles et traités comme tels chaque fois qu’ils manifestent leur mécontentement contre telle ou telle situation de leur université, il n’y aurait plus d’étudiant du tout dans aucune université dans aucun pays du monde. Comment peut-on dépenser des milliards de francs(même dévalués) pour former des jeunes à la réflexion critique, à l’esprit scientifique et à la compétence technique, dépenser des années en temps, et dépenser de l’énergie à revendre, puis prétendre ensuite empêcher ces jeunes là de penser avec leurs propres têtes ?
M. Abouem a Tchoyi, nouveau président du Conseil de l’Université de Yaoundé I concernée par cette affaire, avance un sophisme irritant, quand il déclare que les frais universitaires ne sauraient être discutés, car c’est un décret présidentiel qui les a institués. Voilà exactement le genre de raisonnement du prototype d’universitaires que le néo-colonialisme a formés chez nous. Son horizon intellectuel est barré par la nécessité de ne jamais remettre en question une décision de l’autorité, la hiérarchie, l’Etat. Mais le petit détail que ce monsieur, qui doit sûrement être docteur en quelque chose “ oublie ”, est le suivant : un décret présidentiel peut parfaitement abroger (c’est-à-dire annuler) un autre décret présidentiel. Il suffit que le pays soit convaincu que l’ancien décret est devenu obsolète, dépassé, inutile, parce qu’il ne favorise plus le progrès, et est donc devenu un obstacle au progrès de la société.
Et alors, je suis de ceux qui prétendent que, précisément, le décret présidentiel qui a institué le paiement obligatoire des frais de 50.000 francs, est devenu un obstacle au progrès du Kamerun. La raison en est qu’il empêche plusieurs milliers de jeunes bacheliers kamerunais d’accéder aux études supérieures et, de ce fait, prive le pays de milliers de cadres dont nous avons besoin dans tous les secteurs. Ce décret empêche ces milliers de jeunes d’aller à l’université pour une seule raison : ils ont eu le malheur de naître dans des familles pauvres et qui n’ont personne pour profiter de la corruption afin de s’en sortir et pouvoir payer les fameux frais.
De plus, chacun sait que cette pauvreté a augmenté depuis 1993 quand le décret en question a été pris ; elle a empiré tout de suite dès 1994 avec la dévaluation du franc Cfa, sauf parmi les couches sociales qui profitent de la corruption. Tels sont les faits. Sinon, le gouvernement ne s’égosillerait pas dans d’interminables campagnes contre la pauvreté et contre la corruption, campagnes aussi tapageuses qu’inefficaces. Comme chacun sait.
Dans de telles conditions, le rôle des “ sentinelles guetteurs d’avenir ”, ces universitaires qui sont supposés conseiller le pouvoir politique, c’est de lui faire voir que l’ancien décret est dépassé, est même devenu nuisible au progrès du pays. Puis de lui suggérer d’abroger cet ancien décret. Ensuite de lui proposer un nouveau décret qui tienne compte de la nécessité d’aller de l’avant, dans l’intérêt du pays. Si au lieu de cela, les conseillers intellos du pouvoir se contentent de répéter à tue-tête, que “ c’est un décret qui a décidé et donc nous on n’y peut rien ”, alors, ils se comportent comme des perroquets et non pas comme des intellectuels.
Nous proposons donc trois choses sur lesquelles je reviendrai dans la 2è partie de cet article :
1. Que le président de la République, comprenant la gravité de la situation, prenne un nouveau décret qui abroge celui qui a institué les frais de 50.000 F obligatoires.
2. Que les magistrats appelés à “ faire le sale boulot ” en janvier 2006, envoient un signal clair et patriotique aux étudiants et à toute la jeunesse, en prononçant un non-lieu pur et simple, avec courage et sans regrets ni remords.
3. Que Madame Njeuma soit nommée à d’autres fonctions et quitte la direction d’une quelconque université ; car elle commence à traîner son personnage et risque de récidiver où qu’on l’envoie. Le président et Chief Inoni pourraient la nommer par exemple vice-ministre d’Etat déléguée auprès du ministre d’Etat Kodock, spécialement chargée des recensements de la population qui laissent de côté la moitié des citoyens parce qu’on n’a pas versé leurs primes aux agents recenseurs.
Les dirigeants de l’Association de défense des droits des étudiants Camerounais (Addec) sont donc menacés de jugement le 12 janvier prochain. Le pouvoir les accuse de “ rébellion contre l’Etat, organisation de manifestations illégales, etc. etc. ”, et autres choses encore. Les enseignants des universités, dans leur immense majorité, se taisent. Pourquoi se taisent-ils, alors que courageusement, le Syndicat des enseignants du supérieur a pris position ? Pourquoi, particulièrement, ceux d’entre eux qui racontaient en 2004 qu’un universitaire digne de ce nom, doit intervenir quand des problèmes importants (comme l’élection présidentielle) se posent au pays , se taisent-ils ?
Manœuvre politique du pouvoir
Face aux revendications pour l’essentiel légitimes des étudiants, le pouvoir a essayé de louvoyer, en espérant que les jeunes se fatigueraient tout seuls. Puis il a présenté au pays un truc curieux, à travers une manœuvre politique après les puissantes manifestations étudiantes d’avril-mai derniers.
Nous devons d’abord rappeler pourquoi nous considérons que les demandes des étudiants sont fondées. Les problèmes dont ils parlent sont connus de tous depuis de longues années, avant même la pseudo-réforme de 1993 qui est vite apparue pour ce qu’elle était : une espèce de fuite en avant. Les universités sont gravement sous-équipées : il n’y a pas d’enseignants en nombre suffisant. Il n’y a pas de laboratoires dans les facultés des sciences, et quand il y a des succédanés de labos, il n’y a rien dedans comme équipement.
Ainsi, des jeunes sortent avec des licences de physique ou de chimie, biologie ou autres, sans avoir pratiquement jamais fait d’expériences dans ces choses là ; ou alors, juste le jour des examens ! Etc, etc. Voilà, entre autres, le pourquoi des revendications des étudiants. A cela s’ajoute le fameux problème des frais universitaires : 50.000 francs sans lesquels un bachelier ne peut pas entrer en faculté. On prétend que sans cet argent, les universités ne peuvent pas du tout fonctionner . Or, avec 100.000 étudiants, cela ne fait en tout et pour tout que 5 milliards. Même avec les 120.000 étudiants que déclare le ministère, cela ne fait qu’un milliard de plus, donc 6 milliards Cfa. Or, les étudiants, et ils ne sont pas les seuls, disent qu’ils ne savent surtout pas où passent ces 6 milliards versés chaque année. Et personne ne le sait. Si vous interrogez un enseignant du supérieur qui n’est pas dans le cercle des initiés, il vous dira que chaque recteur en fait ce qu’il veut, comme il veut, quand il veut, où il veut, et avec qui il veut. Alors une question se pose : pourquoi est-ce que des étudiants, qui pour leur écrasante majorité ont plus de 20 ans et sont donc civilement majeurs, ne peuvent-ils pas être pleinement associés , par leurs représentants librement élus, à la gestion de leur université y compris sur le plan financier ? Les jeunes sont-ils majeurs responsables seulement quand ils doivent porter des armes et aller défendre la patrie par exemple à Bakassi ou ailleurs en se faisant parfois tuer, mais restent de petits mineurs irresponsables même à 25 ans quand il est question de “ choses sérieuses ” comme participer à la gestion de leurs universités ? Que signifient donc la bonne gouvernance et la démocratie ?
Le gouvernement a donc fait semblant de discuter en mai avec les étudiants. Mais c’était pour les endormir un moment, en espérant, comme à son habitude, pouvoir briser le mouvement de contestation. Il se disait que les jeunes auraient peur de perdre leur année académique d’une part, et d’autre part les vacances allaient ensuite “ faire cesser tout ça ”.
Certains enseignants de bonne foi, démocrates et patriotes convaincus, ont pensé que les étudiants ont très mal procédé, notamment en attaquant des enseignants qui les auraient arnaqué financièrement avant cette vague de contestation. Même si les étudiants ont formulé de façon “ maladroite ” des revendications, même si certaines sont inutile et irréalistes, comme par exemple la demande que les recteurs soient élus, n’est-il pas du devoir des adultes, à commencer par leurs enseignants, de discuter avec eux et de les convaincre ? Seulement, au Kamerun, depuis 1958, on ne discute pas : on tape. Tout au plus, le gouvernement a-t-il fait quelques promesses qui, selon le mot d’un ancien ministre de M. Biya, “ n’engagent que ceux qui y croient ”. Heureusement pour les étudiants, ils n’y croyaient pas : ils attendaient de voir ; et ils n’ont rien vu venir. Il se dit que même les fameux 5 milliards promis par le président de la République, “ promis-débloqués ”, n’auraient justement pas été débloqués. Pour la bonne et simple raison qu’ils n’existaient pas dans les caisses.
Alors, il ne restait que la manœuvre politicienne : celle-ci a consisté à procéder à un vaste mouvement de personnel dans les universités. Ce fut une manœuvre corruptrice, puisqu’elle visait manifestement, en lieu et place des promesses faites aux jeunes, à nommer des recteurs et autres, afin de fermer les yeux et la bouche aux nouveaux promus, mais aussi aux non promus qui pouvaient attendre leur tour. Est-ce que la nomination de Ben Messi recteur à Yaoundé IV à la place de Tchouta Essindi envoyé à Dschang III apporte une quelconque réponse positive à la demande des laboratoires et professeurs dans les facultés ? Est-ce que ces nominations font que le nombre des étudiants en 1ère année de droit ou sciences économiques à Douala ne sera plus de 1000 à 1500 pour un pseudo-amphi de 700 places ? Pire encore, pour récompenser de nombreux Pleg (Professeurs de lycées d’enseignement général), plusieurs d’entre eux ont été “ réfugiés ” dans l’administration universitaire, c’est-à-dire dans de la paperasse. Et cela, au moment même où, dans les lycées et collèges, le manque d’enseignants est scandaleux. Le déficit officiellement avoué à ce niveau est de 27.000 Pleg. En réalité, il faut multiplier ce nombre au moins par 4. Et de plus, ce déficit s’aggrave chaque année d’environ 1500 Pleg (différence entre les départs à la retraite chaque année, 3000, et le nombre de nouveaux Pleg sortant annuellement de l’Ecole normale supérieure et ses annexes, environ 1500, dont des centaines s’en vont désormais enseigner en Chine parce que le “ Minfonction publique ” met parfois 3 ans pour régler le dossier d’un élève professeur qui sort de l’Ens. Incroyable mais vrai ! Incompétence, inconscience, bêtise ou choix délibérément criminels ? Ou tout cela en même temps ?
Dans ce vaste mouvement qui brassait de l’air pour faire oublier les revendications des étudiants, on a vu un recteur, dont l’université a enregistré des morts d’étudiants en mai 2005, obtenir une espèce de promotion en se faisant nommer recteur de la plus ancienne et donc sans doute encore la plus prestigieuse des universités publiques. Pouvait-on donner un signe plus clair d’encouragement à ce haut fonctionnaire zélé, pour que sa manière de faire et de diriger déjà expérimentée à Buéa, continue ? N’était-ce pas un signe aux autres recteurs, pour qu’ils agissent aussi de manière analogue ?
Le Contexte global dans le pays
C’est au milieu de tout cela, que les médias ont annoncé la convocation, par la magistrat suprême, d’une réunion du Conseil supérieur de la magistrature. Le journal La Nouvelle Expression , dans son numéro daté 8 décembre 2005, page 3, rapporte que selon une enquête de l’organisation Tansparency International-Cameroun, le podium olympique de la corruption dans notre pays est actuellement ainsi composé : médaille d’or et champion olympique, le service des douanes ; médaille d’argent et vice-champion olympique, la justice ; médaille de bronze et vainqueur de la finale des battus en demi-finale, la police.
En lisant cela, voici une question : pourquoi est-ce que les ministres successifs de M. Biya ne considèrent-ils pas ce fléau de la corruption parmi les magistrats, comme une priorité des priorités qu’il faut absolument éradiquer sans délai ? La nomination de deux ministres dans ce département aurait pourtant pu faire croire que c’était parce qu’il y a une prise de conscience de cette gravité, et qu’il fallait des bras pour le travail. Il semble malheureusement que l’arrivée d’un éminent juriste comme ministre délégué auprès du garde des sceaux n’ait servi à rien en ce sens, et que le nouveau venu est surtout destiné à servir de “ Zéro mort ” nouveau, afin de tenter de contenir le flot de mécontentement qui monte dans son département natal des Hauts Plateaux. Réussira-t-il dans cette tâche périlleuse ?
Au moment où se réunissait ainsi le Conseil supérieur de la magistrature, savoir que la justice et un de ses auxiliaires , la police, se classent parmi les secteurs les plus corrompus du pays est un élément très intéressant. Car le Csm peut encore s’amuser à faire semblant de ne rien voir et de ne rien savoir. Et, comme l’a dit il y a longtemps son président constitutionnel, il peut alors déclarer qu’il “ n’a pas de preuves, et ne peut donc rien faire pour sanctionner les magistrats corrompus ”. Mais nous autres, c’est-à-dire vous et moi, savons partout dans le pays, et les citoyens de tous les milieux savent et disent que l’impunité générale est la cause première de la dégradation profonde de la situation du Kamerun. Le jour où j’ai entendu un gendarme (en tenue s’il vous plaît) le déclarer publiquement dans un autobus, j’ai mieux compris où nous en étions. Plus tard, un soldat dont j’ignore le grade car il était en civil a répété la même chose, et cela m’a conforté dans mes conclusions.
Mais le Conseil supérieur de la magistrature peut aussi regarder la réalité en face (mais le peut-il vraiment ?) et prendre des mesures d’assainissement de l’appareil judiciaire de ce pays, ainsi que dans la police. Si au lieu de cela, les magistrats qui siègent au Csm se limitent à l’attitude pusillanime conduisant en fait à protéger les corrompus dans la justice, ils endosseront une très lourde responsabilité devant l’histoire et devant le pays. Car en tant que bantu, nous savons tous très bien , que “ les vivants et les morts nous observent et nous jugent ”. Et chacun paiera. La corruption généralisée et profonde, particulièrement de ceux là même qui doivent chercher et trouver les corrompus et corrupteurs (la police), et ceux qui doivent prononcer les punitions contre ces brebis galeuses (la magistrature), cette corruption donc, conduit à plus grave encore.
En effet, il y a belle lurette que les investisseurs étrangers ne veulent plus mettre leur argent dans notre pays. Car chacun sait qu’en cas de pépin, il ne peut pas compter sur la justice du pays qui est archi-corrompue. Ainsi raisonnent les investisseurs étrangers potentiels. Mais même les Kamerunais raisonnent pareillement, et préfèrent mettre leur argent dans des trous creusés dans la terre, ou alors dans des secteurs où le profit se réalise en termes de jours ou semaines et pas d’années. C’est pourquoi nous assistons à une insuffisance notoire de l’investissement économique : la corruption généralisée, particulièrement de la police et de la justice, est une des causes fondamentales de ce phénomène. Et plus généralement, la mauvaise gouvernance, l’absence d’un fonctionnement acceptable du système politique et administratif du pays. Le système politique est fondé sur la corruption des personnes et des partis, une corruption politique plus ou moins sournoise ou le pouvoir Rdpc et ses alliés (tels le renégat Kodock Bayiha et ses semblables) détournent tout et polluent tout. Au point que de nombreux Kamerunais en sont désormais à croire et dire que “ la corruption ne disparaîtra plus jamais du Kamerun ”. Mais ceux là ont tort ; et l’avenir le prouvera dans pas longtemps.
C’est donc cette mauvaise gouvernance et cette corruption grossière qui conduisent les investisseurs potentiels à se détourner de la destination Kamerun. Et le pays est ainsi bloqué dans une minable croissance officielle de 4-5% l’an, dont un des recteurs d’université, économiste par-dessus le marché, a dit en juin dernier qu’elle ne suffisait même pas à satisfaire les revendications des étudiants et de la jeunesse.
Pourtant, plus la corruption et la pauvreté augmentent, plus le gouvernement bavarde contre la corruption et la pauvreté. Les campagnes répétées contre ces fléaux, alors qu’on sait très bien que c’est l’impunité générale venant d’en haut, qui est la cause de leur développement, apparaissent ainsi pour ce qu’elles sont : des campagnes de pure démagogie.
Quand on fait des discours chaque jour pour dire que le 21è siècle sera le siècle de la matière grise, et même tout le 3è millénaire, qu’est ce que cela peut-il bien signifier ? La matière grise ne veut rien dire et n’existe pas si on n’assure pas à la jeunesse une formation scientifique et technique, une formation générale, dans tous les domaines y compris la morale et l’éthique. Or, comment assurer une telle formation lorsque, à chaque demande de la jeunesse, on répond par la brutalité, la ruse, la torture, les emprisonnements et même les assassinats ?
Le Président Paul Biya a intérêt à saisir la chance qui s’offre à lui de se concilier à nouveau avec la jeunesse kamerunaise : il lui suffit d’entendre le cri des jeunes étudiants et d’abroger, même contre ceux de ses amis politiques les plus zélés, le décret de 1993 qui a institué les frais universitaires. Sa promesse de débloquer 5 milliards Cfa après les grèves d’avril-mai derniers, est la preuve que ce n’est pas l’argent qui manque pour faire tourner les universités. Personne au Kamerun ne doute que, si l’on réussissait à faire la somme totale des fonds publics détournés chaque année par les corrompus du système Rdpc, cela dépasserait de loin 10 milliards, 20 milliards, 100 milliards ? En tous cas, plusieurs fois les 5-6 milliards extorqués aux étudiants chaque année et dont nul ne voit les effets. Que le président fasse une descente impromptue à l’Ecole normale supérieure de Yaoundé pour voir dans quel état est ce Saint Graal de la formation des formateurs de la jeunesse kamerunaise. L’abrogation de ce décret serait, avant la prochaine fête de la jeunesse, un signal fort qu’il pourrait adresser à la jeunesse du pays qui est fatiguée des brimades et de la corruption. A défaut d’un tel signal, les jeunes estimeraient que l’impunité est voulue au plus haut niveau, et ils ne seraient pas les seuls à le penser…
Les magistrats à qui on veut faire jouer le mauvais rôle le 12 janvier prochain, doivent eux aussi adresser un bon message à la jeunesse. Et seul un non-lieu dans cette affaire des étudiants, peut convaincre ces derniers et tout le pays, que la magistrature est décidée à mettre un holà au zèle répressif du pouvoir politique. Par cette même occasion, les magistrats et toute la justice du pays enverraient ainsi un signal net et clair à des gens comme Madame Njeuma et son ami Abouem a Tchoyi, pour leur dire, à la première, “ Stop your harassment against the students of this country ”, et au deuxième, qu’on attend beaucoup mieux d’une personne qui a probablement fait tranquillement ses études “ njoh ” parce que tous les Kamerunais ont travaillé dur et payé des impôts pour financer ces études. Il est clair que madame Njeuma a besoin qu’on lui fasse comprendre que les universités kamerunaises ne sont pas sa propriété privée, héritage d’un patrimoine familial qui lui aurait été légué.
C’est pourquoi enfin, le mieux pour tout le monde es qu’on la renvoie par un autre décret présidentiel à quelque chose qu’elle sait peut-être faire, je veux dire par exemple enseigner, si elle a été formée à cela. A défaut d’enseigner, le président et Chief Inoni, Chef du gouvernement, pourraient la nommer gouverneur d’une province ; ou alors ministre de n’importe quoi et, comme suggéré l’autre jour, ministre déléguée auprès du ministre d’Etat Rdpc Kodock Bayiha Frédéric, chargée des recensements.
Les Kamerunais et le Kamerun sont fatigués de la corruption , de la misère et des campagnes vaines parce qu’hypocrites du gouvernement Rdpc contre ces maux. Ils sont fatigués de l’arrogance de quelques uns qui croient, à tort, que ce pays leur appartient en propriété privée.
Il est temps de le faire savoir à ces gens là, en agissant chaque fois que cela est nécessaire. En cela, tout le monde doit soutenir les étudiants en lutte, car leur combat actuel est celui de toute la jeunesse kamerunaise, c’est-à-dire le combat du Kamerun d’aujourd’hui et de demain. C’est ce que l’Upc dit aux kamerunaises et aux kamerunais, jeunes et moins jeunes, de toutes les régions du pays.
Le Messager
23.12.2005
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Charles Ateba Eyene : Président du club éthique | |
“ Le G 11 c’est des voleurs, des incompétents ”
La stratégie est de fragiliser les autres en les soumettent à la pauvreté.
Le G11, mythe ou réalité ?
Le président Biya est au pouvoir depuis 1982. Il vient d’avoir 74 ans. Entre temps, les gens qu’il a appelés autour de lui pour l’aider à servir ont grandi ; ils se sont enrichis. Un proverbe wolof dit que trois choses sont importantes dans la vie : l’argent, le savoir et le pouvoir. Lorsque vous avez de l’argent et que vous avez accumulé des savoirs, ce qui vous reste c’est le pouvoir. Tout porte à croire aujourd’hui que cette bataille pour la succession de Paul Biya existe. J’ai publié un ouvrage là-dessus, il y a trois ans. Le titre était “ Stratégie de corruption et détournement de fonds publics comme logique de coup d’Etat ”. Je disais que l’on n’a pas besoin de milliards pour se vêtir, pour envoyer sa progéniture à l’école, ou pour se nourrir. Les gens qui s’enrichissent en milliards ont certainement l’idée de prendre le pouvoir. Non pas par la voie des urnes, mais par la voie de l’argent.
Le G11 est en effet constitué des gens de la haute administration qui ont pillé les biens de l’Etat afin de se positionner. C’est pour eux une stratégie pour s’imposer par la force aux autres. C’est comme dans la jungle, où un animal prend ce qui appartient à tous les autres et se proclame roi de la forêt. Ce sont des lions (…) Les gens veulent accéder au pouvoir par tous les moyens ; c’est légitime. Mais là où il y a problème, c’est que ces gens ne veulent pas créer des partis politiques, aller aux élections, proposer des programmes de société, … afin qu’on les apprécient.
Quelles sont donc les chances du G 11 d’accéder au pouvoir ?
La chance qu’ils ont, c’est que l’une des stratégies qu’ils utilisent est de fragiliser les autres en les soumettant à la pauvreté. Vous n’avez qu’à voir comment les élections se déroulent chez nous. Elles se font au vin rouge et au maquereau. Ventre affamé n’a point d’oreilles, ni de discernement, surtout en Afrique. Mais là où ils n’ont pas de chance, c’est que le peuple n’est pas constitué uniquement de la foule. Il y a dans le peuple des gens qui sont sortis de la caverne et qui réfléchissent. Leur fonction, c’est d’expliquer aux autres que ces gens qui constituent le G11 ne sont pas crédibles.
D’abord, ils ont une mauvaise réputation. Quand ils ne sont pas pédophiles, ils sont feymen. Quand ils ne le sont pas, ils sont homosexuels ou incompétents. Tout cela constitue l’arme des médiocres. Lorsque vous êtes compétents, vous n’avez pas besoin de passer par ces chemins-là. Et ils ne peuvent fournir qu’un rendement médiocre, parce qu’ils fonctionnent, pas avec les compétents, mais avec les membres des réseaux.
Comment entrevoyez-vous donc l’alternance au pouvoir en 2011 ?
Si le président Biya veut, en 2011, il sera encore là. La génération spontanée n’existe pas. Ceux qui constituent le G11 sont disqualifiés. Ce sont des voleurs, des incompétents. On n’a pas encore construit un homme politique qui pourra assurer la succession. Le futur leader de la 3e République devrait être un homme qui n’est pas mêlé au vol, à l’homosexualité, … un cadre compétent.
Mené par Laure Ngatsing TCHUENTE
Le 06-03-2007
Le Messager
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UPC : Le schisme permanent | |
Enquête sur les divisions successives du parti nationaliste
Le rôle trouble de l’Administration
Le témoignage de Emmanuel BITYEKI
Une enquête de Venant Mboua
Le 9 décembre 1990, réunies au domicile de Dicka Akwa à Douala, des figures de l’Upc planchent sur la réorganisation, au Cameroun, du parti nationaliste, interdit d’activités depuis plus de trois décennies. Il y a là, des représentants de l’Upc-Manidem dirigée par Woungly Massaga depuis la France, le groupe des militants locaux, ainsi que des transfuges du Rdpc qui veulent retrouver leurs anciennes amours. Dicka Akwa, Anicet Ekane, Henriette Ekwe, Nkada Zogo, Augustin Frédéric Kodock, Joseph Sende, etc., décident de créer la Coordination des upécistes, avec une antenne à Douala et à Yaoundé.
Mais cette dynamique se fissure quelques semaines plus tard: Dicka Akwa et Kodock annoncent la création de l’Upc et préviennent qu’ils vont bientôt déposer un dossier auprès de l’administration pour la légalisation.
Déjà que les membres de l’Upc Manidem pensaient que la direction du parti devait rester celle de Paris, l’annonce de Kodock et Dicka finit de les couper définitivement de ces deux-là. Pendant ce temps, à Yaoundé, Joseph Sende est à la tête d’un groupe qui remet en cause le principe de la légalisation de l’Upc. Pour ce groupe, l’Upc existe depuis longtemps, elle n’a qu’à saisir la justice afin que cette dernière ordonne la reprise de ses activités. Une querelle envenime ainsi la renaissance du parti de Um Nyobè. En tout cas, Kodock ira déposer les statuts datant de 1952, au Minat, en vue de la légalisation du parti qui survient le 12 février 1991. Il existe désormais l’Upc de Ekane et celle de Dicka et Kodock.
Lorsque survient l’annonce de la tenue des premières élections législatives pluralistes en 1992, le groupe né de Kodock et Dicka, auquel s’était joint Ndeh Ntumazah, après le congrès de Nkongsamba, se déchire à son tour. Un bureau politique tenu le 11 février 1992 à Bonadouma Home, à Douala, divise les membres. Une partie, dirigée par Ndeh Ntumazah, Théodore Mayi Matip, Tchoumba Ngouankeu, rejoint la thèse de la majorité des partis de la Coordination de l’opposition, qui avait rejeté la tenue desdites élections.
La Coordination revendiquait la tenue d’une conférence nationale souveraine avant toute élection. De leur côté, Kodock et Dicka sont favorables à la participation de l’Upc aux élections législatives. Pour eux, la raison est la suivante: "l’Upc a connu des sacrifices, des morts, aujourd’hui qu’elle est sortie du maquis, elle n’a aucune raison de rester en dehors des centres de décision", clamait Augustin F. Kodock à l’époque.
Sur les 203 membres du comité directeur présents, 170 votent pour la participation aux élections. Ndeh Ntumazah, Mayi Matip et Tchoumba Ngouankeu demandent à ceux qui sont de leur avis de quitter la salle. L’Upc remportera 18 sièges à l’Assemblée nationale. En dehors de l’Upc-Manidem animée par Anicet Ekane, Ndeh Ntumazah et son groupe forment désormais une troisième faction face à Kodock.
En septembre 1992, une réunion du Bureau politique est programmée à Yaoundé. Elle prendra les journées des 4, 5, 6 et 7 septembre pour se tenir et rendre ses conclusions. Alors que Kodock entend annoncer à ses camarades qu’il veut faire une alliance avec le Rdpc au pouvoir, il assistera, silencieux, au plébiscite de Hogbè Nlend par le millier de militants présent.
Proposé par Nkada Zogo, Kodock ne dira ni oui ni non à sa candidature. Mais en fait, le principe même de la candidature repose sur une candidature à la candidature unique de l’opposition. Pendant que les partisans de Hogbè crient victoire, ceux de Kodock accusent le Secrétaire à l’organisation, Etienne Soman, d’avoir rempli la salle d’intrus, visiblement dans le but d’apporter un maximum de voix à Hogbè Nlend. La candidature du mathématicien est invalidée par l’administration, aidée par l’Assemblée nationale qui a voté un code électoral excluant tout candidat coupable de non séjour prolongé au Cameroun.
En réalité, Kodock n’a pas quitté sa logique d’alliance avec le Rdpc, ne sachant pas que dans le même temps, Hogbè Nlend envisageait sérieusement de faire équipe avec Bello Bouba Maigari, le candidat de l’Undp. Au cours d’une réunion du Bureau politique au Hilton Hôtel, Etienne Soman informe ses camarades de l’accord Bello Bouba-Hogbè Nlend. Il faut dire que la veille, Ndeh Ntumazah, Mayi Matip et Tchoumba Ngouankeu aurait signé, toujours au nom de l’Upc, une alliance avec le Sdf en vue de soutenir la candidature de John Fru Ndi.
Cette alliance, combattue par le groupe de Dicka et Kodock, conduit à l’exclusion des trois leaders, de l’Upc. Emmanuel Bityeki réfute la nouvelle alliance avec Bello. "Il estimait que si la nouvelle politique est de rester dans les centres de décision, il vaut mieux aller avec le Sdf, dont le candidat était donné gagnant de la présidentielle, que d’aller avec les héritiers d’Ahidjo", explique Adolphe Papy Ndoumbe, le responsable de la Communication et de la propagande de l’Upc, un proche de Kodock.
Flopée de Sg
Dès l’année 1993, beaucoup d’exilés sont rentrés. A Douala, Eugène Wonnyu anime une aile Upc menée par Henri Hogbè Nlend, et Mbome Bayack, celle de Ndeh Ntumazah. Un autre groupe dit "d’action pour le relèvement" est animé par les proches de Kodock, dont Adolphe Papy Ndoumbè. Ces trois ailes tentent de se ressouder et décident de créer une synergie sur le terrain. Elles constituent une équipe de 12 personnes, qui tentent de travailler sur le terrain.
En décembre 1993, un autre front se crée; Michel Ndoh et son groupe des rentrants d’exil organisent un congrès à Bafoussam. Il est interdit par les autorités. Tenaces, ils le tiennent quand même dans un espace privé et désignent Ndeh Ntumazah (quoique absent) président et Michel Ndoh, secrétaire général. Mais Ntumazah n’est pas content. Il organise, en février 1994, son congrès à lui, toujours à Bafoussam et se fait élire président du comité directeur et Marcel Yondo (ancien ministre des Finances de Ahidjo) est élu Secrétaire exécutif. Désormais donc, le pays compte l’Upc Manidem, l’Upc version Hogbè Nlend (peu active), l’Upc version Ndeh Ntumazah et l’Upc Kodock, présente à l’Assemblée nationale.
La flopée de secrétaires généraux embarrasse les Upécistes. Un congrès unitaire est souhaité, dès 1994. Mais c’est chaque "secrétaire général" qui veut le convoquer et l’organiser. Pendant ce temps, le groupe de Kodock connaît un nouveau schisme, à l’approche des premières municipales sous le multipartisme. La subvention destinée à l’Upc est perçue par le président du groupe parlementaire, Charles Oma Betoh, qui le redistribue aux députés, sans se référer à Kodock. Les 84 millions divisent désormais le Sg et ses députés.
Plus tard, l1 députés sur les 18 prononcent l’exclusion de Kodock et déclarent avoir pris en main les rênes du parti, en attendant la tenue d’un congrès. Ce groupe et les autres tendances, sauf le Manidem, se retrouvent du 13 au 16 septembre à Yaoundé pour un congrès unitaire, qui désigne de nouveau Ntumazah président et Michel Ndoh, secrétaire général. Quelques jours avant, Kodock qui renie toute légalité aux autres tendances, a tenu son congrès à Makak, qui le désigne secrétaire général et Feyou de Happy, président. C’est la naissance, pour l’administration, de l’Upc-K et l’Upc-N.
Les deux tendances évolueront parallèlement, jusqu’en 2002, lorsque le ministre de l’Administration territoriale de l’époque, Ferdinand Koungou Edima, décide de les forcer à présenter des listes consensuelles aux législatives. Après les élections gagnées seulement dans le Nyong et Kellé, les deux groupes ne se sont jamais retrouvés. Leur division continue, avec la convocation parallèle des congrès à Yaoundé en décembre 2006.
Le parti semble d’ailleurs se retrancher dans un seul espace, le pays Bassa tel que le confirment les grands rivaux de l’heure : Hogbè Nlend du pays Babimbi et Augustin Kodock du Nyong et Kellé. Cette tribalisation a commencé après le décès de Um Nyobè. Théodore Mayi Matip et certains de ses partisans déjà engagés dans une dynamique d’alliance avec Ahidjo, traitaient le groupe (le plus important) de Félix Moumié de "aile Bamiléké". C’est l’ère des "Matipistes" et des "Moumiéistes", encore appelés des "Jusqu’auboutistes".
Ensuite il y eut l’ère des "prosoviétiques" (avec les Woungly Massaga) et les "prochinois" (avec les Ossendé Afana). Néanmoins, ces personnalités sont d’accord sur la finalité de la lutte. C’est ainsi qu’ils créent un comité révolutionnaire dirigé par Ouandié Ernest, depuis Accra, avec les Nicanor Njawé, Abel Kingué, Ndongo Diyè, etc. après la mort de Moumié.
Mais Mayi Matip veut toujours son alliance avec Ahidjo, alors il engage les combattants restés au pays dans ce qu’il a appelé "réconciliation". Makanda Pouth, chef du maquis du pays Babimbi, rejette le projet. Mayi Matip ira vers Ahidjo sans lui, le 1er septembre 1966. Cette aile ne compte vraiment pas dans la lutte, car les autres grandes figures installées en France s’organisent malgré quelques divergences, jusqu’en 1982, lorsque Biya arrive au pouvoir. Woungly Massaga et bien d’autres proposent un soutien conditionné par : la libération des prisonniers politiques, la légalisation de l’Upc et l’instauration du multipartisme, l’amnistie générale, organisation d’élections libres.
Le même groupe propose à Biya de créer un autre parti politique et de quitter l’Unc. D’autres membres sont contre ce projet, notamment Same Mbongo et Anicet Ekane. Ils seront exclus du parti par Woungly Massaga. Rentrés au pays, ils ne se revendiqueront pas moins de l’Upc et participeront aux premières concertations pour la légalisation du parti. |
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Comment le FMI appauvrit le Cameroun | |
Lettre ouverte de BABISSAKANA
Comment le FMI appauvrit le Cameroun
Président, Directeur Général du Fonds Monétaire International
Monsieur le Directeur Général,
A l’occasion de votre visite en Afrique Centrale (Gabon et Cameroun), vous avez signé une tribune sous le titre “ le Fmi et l’Afrique : un partenariat pour l’avenir ” (Cameroon Tribune n° 8762/4961 et Le Messager n° 2284 du 08 janvier 2007). La revue de cette tribune indique qu’elle n’est qu’une action marketing visant à vendre aux Africains votre troisième centre régional d’assistance technique pour l’Afrique (Afritac) qui constitue le réel motif de votre visite. Comme stratégie de croissance économique durable et de qualité visant l’atteinte des “ objectifs du millénaire pour le développement ”, vous continuez comme par le passé à conseiller aux pays africains de se spécialiser dans l’exportation des produits de base et la quête du binôme infernal aide-crédit concessionnel, vos deux (2) principales sources du relèvement de la croissance économique de l’Afrique. En fait, le titre de votre tribune devrait être : “ le Fmi et l’Afrique : un partenariat pour maintenir l’assistance et le sous-développement ”. Nous avons la conviction que les “ objectifs du millénaire pour le développement ” ne constituent qu’un gadget fabriqué comme à l’habitude par les bureaucrates rentiers du business de l’aide et dont la portée opérationnelle n’est qu’illusoire. Un pays doté d’un leadership adéquat ne peut se focaliser sur les gadgets et autres instruments d’apparat des institutions du business de l’aide. Le Fmi que vous dirigez clame dans sa stratégie à moyen terme, de s’engager pour la création de valeur (progrès économique et social) en faveur de ses “ membres à faibles revenus ” comme la quasi-totalité des pays africains. Mais les faits ne cessent de vous trahir. Votre visite en Afrique centrale nous donne l’opportunité de porter à votre attention : (i) la preuve de la toxicité et de la nocivité de vos conseils-instructions en Afrique en prenant le cas de la République du Cameroun ; et (ii) la portée stratégique limitée de votre assistance technique pour l’Afrique.
1 - Preuve de la toxicité et de la nocivité de vos conseils en Afrique
Depuis le 19 septembre 1988, date de la signature du 1er accord de crédit stand-by jusqu’à ce jour (18 ans), le gouvernement du Cameroun a conclu avec le Fmi un total de sept (7) accords de crédit d’un montant global de 530,57 millions de Dts destinés à l’appui ou au financement des programmes économiques du pays. En exceptant le maigre accord de financement en cours (24 octobre 2005 – 23 octobre 2008), des six (6) accords de financement signés pendant la période, un (1) seul a été exécuté avec succès (20 août 1997 – 20 décembre 2000) avec un montant total effectivement débloqué de 343,745 millions de Dts, soit un taux d’échec de 83 %. Comme vous devez le savoir, l’échec d’un programme n’a pas seulement pour origine les défaillances du pays emprunteur. Le Fmi a sa part de responsabilité dans ces échecs qui découlent de ses propres faiblesses notamment idéologiques, méthodologiques et procédurales se traduisant par le design inapproprié des programmes supports de vos prêts. Au regard de “ l’intégrisme idéologique ” dont fait souvent preuve votre institution, de son manque d’humilité technique et de la présomption de compétence élevée que vous attribuent nos dirigeants corrompus, vos demi-vérités temporaires pourraient justifier au moins la moitié de ce taux d’échec. Les ruptures de crédit qui en ont découlé peuvent valablement être qualifiées d’abusives et susceptibles de faire l’objet d’actions judiciaires en réparation des dommages subis par le pays. Ces dommages sont nombreux : plusieurs camerounais sont morts du fait de vos conseils ; les salaires des fonctionnaires camerounais ont été réduits de 75 % en 1992 et 1993 ; depuis lors, l’Etat du Cameroun a déjà recruté plus de 50 000 temporaires par crainte de représailles du Fmi sur la politique de l’emploi public ; c’est une précarité sociale sans précédent entretenu par un Etat. Le moment du grand procès contre ces abus d’impérialisme économique du Fmi n’est pas encore arrivé. Mais ce procès aura lieu avec les progrès des droits de l’homme et la renaissance africaine. Au-delà de cet échec global, trois (3) cas pratiques peuvent illustrer le caractère toxique et nocif des conseils-instructions du Fmi pour le Cameroun : (a) la réforme de l’impôt sur le revenu des personnes physiques entrée en vigueur le 1er janvier 2004 ; (b) la stratégie d’endettement du pays après le traitement de sa dette extérieure ; et (c) l’abus de financement (accord de prêt du 24 octobre 2005).
a - Réforme de l’impôt sur le revenu des personnes physiques au Cameroun. La réforme de l’impôt sur le revenu des personnes physiques au Cameroun qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2004, a été formulée sous le conseil-instruction ferme du Fmi et implémentée par le gouvernement par l’article 7 de la loi n° 2002/014 du 30 décembre 2002 portant loi de finances de la République du Cameroun pour l’exercice 2003. Le conseil-instruction du FMI s’est traduit en particulier par la suppression du concept de foyer fiscal ou de ménage fiscal qui consacrait l’importance de la famille dans les choix sociétaux du Cameroun. Concrètement, cette conception des experts du Fmi qui est cohérente avec l’intégrisme fiscal est d’autant plus archaïque et rétrograde qu’elle détruit l’institution familiale, divise le ménage en deux (2) parties, ignore le mariage, réprime la natalité et méprise l’éducation des enfants. Or, la famille occupe une place centrale dans le processus de progrès économique, social et culturel au Cameroun comme dans la plupart des pays. Il y a eu, depuis janvier 2004 une ponction directe sur le pouvoir d’achat déjà assez maigre de chaque ménage camerounais où les deux époux ont chacun un emploi salarié. Cette réforme est un cas manifeste de conseil-instruction du Fmi qui contribue à la régression économique et sociale des Camerounais. La fiscalité doit être au service de l’économie et de la consolidation du rôle de la famille et des citoyens dans la société camerounaise. Le concept de ménage ou foyer fiscal doit être restauré.
b - Stratégie d’endettement du Cameroun après le traitement de sa dette extérieure. Dans votre rapport du 15 septembre 2000 qualifiant le Cameroun à l’initiative Ppte (point de décision) vous avez défini la stratégie d’endettement de notre pays après le traitement de sa dette extérieure (point d’achèvement) en ces termes : “ New financing would continue to be highly concessional. The share of debt contracted on IDA terms (40 years’ maturity, 10 years’ grace and 0.75 percent interest) is assumed to constitute 60 percent of new borrowing. It is assumed that the remaining 40% percent would be a mixture of IMF Prgf loans for the early years and bilateral loans contracted on rather less concessional terms (25 years’ maturity, 6 years’ grace, and 2 percent interest)”. Voilà une stratégie d’endettement qui convient à un pays stationnaire, orienté vers le passé, spécialisé dans quelques produits de base dont les termes de l’échange sont tendanciellement en dégradation constante et concentré dans la quête effrénée de l’aide et des crédits hautement concessionnels. Par anticipation rationnelle, c’est pour nous la meilleure garantie que le Cameroun repartira à terme, quémander les retraitements de sa dette extérieure. Or, le Cameroun, pour mettre le cap sur un progrès économique et social rapide, doit centrer sa stratégie économique sur l’industrie, la science et la technologie. Les investissements industriels de progrès économique et social ne se financent pas avec l’aide et les concessionnalités. Le problème de la maîtrise de l’endettement n’est pas déterminé par les niveaux des taux d’intérêts mais par la qualité de l’utilisation des capitaux empruntés. La norme est très simple, c’est qu’il ne faut emprunter que pour financer les investissements et non les dépenses courantes.
c - Financement abusif du Fmi au Cameroun. Après le traitement final de sa dette extérieure (avril-juin 2006), le prêt que vous avez accordé au Cameroun le 24 octobre 2005 n’est plus techniquement causé ou justifié. Nous savons qu’il est cohérent avec la stratégie d’endettement que vous avez arrêté pour le Cameroun, en s’octroyant d’office des parts de marché garanties et en privilégiant les financements liés dit aides-crédits concessionnels. Si le FMI était un conseiller créateur de valeur pour le Cameroun, il aurait déjà recommandé à nos dirigeants économiques de ne plus solliciter le déblocage des tranches restantes d’un crédit qui est le générateur des conditionnalités sans fondement réel. Nous reconnaissons que le déficit de leadership économique de l’exécutif camerounais à cet égard vous crée un contexte favorable. Le caractère économiquement bénéfique a priori du crédit est souvent dévoyé par une consommation inopportune et nuisible comme c’est le cas actuellement pour le reliquat du crédit Fmi. Une institution financière d’excellence et de professionnalisme est normalement mieux outillée pour s’abstenir d’accorder ou de maintenir des financements sans portée d’efficience financière vérifiable. Dans cette perspective, l’on devrait attendre du Fmi qu’il accorde ses financements avec expertise et mesure. Mais le cas du Cameroun actuellement nous donne les indices d’un financement abusif dont le maintien par nos dirigeants est directement proportionnel à leurs craintes, pourtant non fondées, de représailles de l’impérialisme financier du Fmi. Nous savons bien qu’en l’absence d’un crédit, le Fmi n’a plus d’emprise sur un pays. Mais en réalité le Cameroun n’a plus besoin des financements du Fmi. Vous ne pouvez pas prouver le contraire. C’est un abus de financement.
2 - Portée stratégique limitée de votre assistance technique pour l’Afrique
Voilà trois (3) cas pratiques de conseil et d’assistance technique nocifs et toxiques pour le Cameroun. C’est généralement le profil des conseils du Fmi en Afrique. C’est en mai 2002, bien avant votre arrivée en 2004, que le Fmi avait lancé une nouvelle stratégie marketing de conquête du marché de formation et d’assistance technique de nos pays en décidant de la mise en place de cinq (5) centres régionaux d’assistance technique (Africtacs) en Afrique subsaharienne. Après les centres de Bamako couvrant l’Afrique de l’Ouest et de Dar es Salaam concernant l’Afrique de l’Est, aujourd’hui c’est le lancement du centre de Libreville couvrant l’Afrique centrale qui est effectif. Il n’en reste que deux
(2). Il apparaît clairement que l’objectif du business plan du Fmi est de délocaliser son département d’assistance technique en Afrique noire afin de mieux calibrer les profils cognitifs de nos dirigeants et hauts fonctionnaires de manière à ce qu’ils puissent accorder une prééminence et une supériorité durables aux modèles et pratiques du Fmi en matière de politiques économiques et sociales. C’est déjà le cas dans votre coalition avec la Banque mondiale dans le cadre du Partnership for Capacity Building in Africa qui a été créé en 1999 avec l’African Capacity Building Fondation (Acbf) qui en est l’agence d’exécution. Mais vous devez savoir que l’Afrique noire n’a pas besoin prioritairement des politiques économiques orthodoxes et extrémistes du type Fmi et Banque mondiale. Vous les avez fait appliquer par des prêts et des conditionnalités depuis les années 80 jusqu’à ce jour sans succès, comme il fallait s’y attendre. Chacun des pays africains a besoin d’un couplage explicite et spécifique des politiques économiques orthodoxes (généralement admises) avec des politiques économiques hétérodoxes (innovantes et créatives). Les concepts idéologiques, les modèles, les méthodes et procédures opératoires de conseil et d’assistance technique du Fmi nous semblent sincèrement inaptes à satisfaire les besoins des pays africains. Vos centres régionaux d’assistance technique quel que soit le nombre, nous paraissent dénuer de toute portée prospective et stratégique pour les mutations conceptuelles, méthodologiques et procédurales qui sont indispensables pour le changement de la trajectoire du progrès économique et social en Afrique.
Veuillez croire, Monsieur le Président Directeur Général, à l’assurance de notre considération distinguée.
Yaoundé, le 09 janvier 2007
Par Babissakana Chairman & CEO Prescriptor
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Assez au pays de Um Nyobe- Moumie-Ouandie ! Réveille-toi Peuple kamerunais | |
Kamerunaises, Kamerunais, Chers Compatriotes, Pour l’écrasante majorité d’entre vous, d’entre nous, l’année 2006 se termine dans une situation encore plus dramatique qu’en 2005. Le constat est accablant pour le Gouvernement RDPC et ses alliés : - Des procès pour corruption et détournements de fonds publics dans lesquels d’importantes personnalités (ancien Ministre, Présidents de Conseil d’Administration, Directeurs Généraux, etc.) impliquées. - Une répression féroce contre la jeunesse : Deux étudiants tués par balles, le 29 Novembre 2006 à Buéa comme en 2005 où d’autres étudiants furent tués par balles. Exclusion des Universités d’Etat d’étudiants « coupables « d’avoir organisé des grèves pour de meilleures conditions d’études ou « coupables » d’avoir organisé la solidarité avec d’autres étudiants en grève dans d’autres Universités du pays. - Une guerre impitoyable, silencieuse et sournoise, contre le Kamerunaises et les Kamerunais pauvres, incapables de se faire soigner en cas de maladie ou d’accidents par absence de couverture sociale. Priver les Hôpitaux des moyens les plus élémentaires pour pouvoir établir la nature des maladies et soigner les patients, n’est sûrement pas une situation de paix pour ceux qui en sont victimes. - Combien de familles kamerunaises ont été en mesure, cette année, d’offrir ne fut ce qu’un seul petit cadeau aux enfants et de se faire un véritable repas de fête ? - Les Hommes d’Affaires kamerunais et étrangers, ne savent plus que faire avec un Gouvernement qui multiplie les difficultés et les tracasseries fiscales. - Enfin, au moment où partout dans le monde on démocratise, on accepte l’épreuve de l’alternance, chez-nous au Kamerun, le Gouvernement prend tous les Kamerunais et même les observateurs étrangers dont des diplomates, pour des demeurés. La dernière illustration en date de cette attitude, est la loi N° 805/PJL/AN dénommée ELECAM et deux autres lois qui l’accompagnent concernant les conseils municipaux et l’Assemblée Nationale.
Non seulement, le Gouvernement RDPC et ses alliés, n’ont rien concédé de ce que tout le monde souhaite, mais, mieux, il ont renforcé leur mainmise sur les élections, comme moyen pacifique d’alternance au pouvoir. Mettre la caution des candidats au Conseil municipal à 25.000 FCFA au lieu de 10.000 FCFA auparavant et celle des futurs députés à l’Assemblée Nationale à 500.000 FCFA au lieu de 50.000 FCFA, est une véritable provocation. Devant un tableau aussi sombre, on se demande si le Gouvernement RDPC et ses alliés, souhaitent réellement le développement de notre pays et s’ils sont décidés comme ils le proclament, à lutter effectivement contre la pauvreté. On ne peut malheureusement répondre que par la négative. Héritiers du colonialisme français, le RDPC et ses alliés, ancrés dans le système Aujoulat, de triste mémoire, sont profondément marqués par la FrançAfrique pour pouvoir prendre des initiatives favorables à notre Peuple. Se rappeler que le système Aujoulat, expression du colonialisme français au Kamerun, est responsable de l’assassinat de nos Héros nationaux comme Ruben UM NYOBE, Félix-Roland MOUMIE, Ernest OUANDIE OSSENDE AFANA etc…, c’est se convaincre que l’équipe actuellement installée à Yaoundé et qui tient justement son pouvoir du système Aujoulat, ne peut rien faire de bon pour le Peuple kamerunais. Cette évidence doit sonner comme un tocsin dans la tête de chaque Kamerunaise et de chaque Kamerunais. Un tocsin qui dit : Assez ! Réveille-toi Peuple kamerunais. Lève-toi pour te battre pour le développement de ton économie, de tes écoles, de tes hôpitaux et de la Démocratie. Lève-toi pour te battre pour la paix, car ils ont installé une guerre qui ne dit pas son nom dans ton pays. Lève-toi et lutte pour le respect des Droits de l’Homme.
L’Union de Populations du Cameroun (UPC) appelle le Peuple kamerunais à se lever et à se rassembler en un vaste FORUM NATIONAL DEMOCRATIQUE afin d’amener le Gouvernement RDPC à négocier un véritable Code Electoral garantissant des élections libres et transparentes, susceptibles de permettre une alternance au pouvoir normale et réelle dans notre pays. Parallèlement à ce rassemblement pour le Forum, notre Peuple doit s’organiser partout, au quartier comme au lieu de travail, en Comité d’Action pour le Changement afin de changer, ici et maintenant, les conditions quotidiennes de notre vie. Pour cela, n’attendez personne. Vous n’avez besoin de personne pour le faire. Organisez-vous là où vous êtes, pour faire changer les choses et rendre un peu plus agréable votre existence de tous les jours.
Kamerunaise, Kamerunais, Chers Compatriotes, Pour l’année 2007, l’UPC vous invite à vous organiser dans le sens qu’elle vient d’indiquer afin qu’une paix réelle s’installe dans notre pays. Nous en avons besoin pour notre développement. Cependant, nous ne pouvons effectivement jouir de la paix que si ailleurs dans le monde et en particulier en Afrique, il règne aussi un véritable climat de paix. C’est pourquoi, l’UPC lutte et va continuer à lutter de toutes ses forces pour la dignité des Peuples africains. Le respect de la dignité des peuples africains, entraîne le respect des autres attributs de nos Peuples.
Pour la Paix au Kamerun, pour la Paix en Afrique, pour la Paix dans le monde, IL FAUT LUTTER. Tel est le souhait de l’UPC en ce début d’année 2007.
Douala, le 30 Décembre 2006
Docteur Samuel MACK-KIT Président de l’UPC
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De la barbarie coloniale à la politique nazie d’extermination, par Rosa Amelia Plummelle-Uribe | |
L’auteur de «La Férocité blanche» [Albin Michel, 2001], déploie une argumentation originale et pertinente, que Césaire avait bien sentie dans son «Discours sur le colonialisme», le lien entre les politiques d’anéantissement colonial, l’ensauvagement des sociétés européennes et le choc en retour du nazisme sur ces mêmes sociétés. Afrikara publie le texte d’une communication de cette militante afrodescentante, présenté le 15 juin à Berlin dans le cadre du Forum de Dialogue organisé par la section européenne de la Fondation AfricAvenir.
Nous sommes réunis ici pour analyser ensemble le lien historique qui, comme un fil conducteur conduit de la barbarie coloniale à la politique nazie d’extermination. Il s’agit d’un effort visant à détecter au moins la plupart des facteurs qui, de manière directe ou indirecte, auraient favorisé le développement politique et l’épanouissement idéologique d’une entreprise de déshumanisation comme la barbarie nazi en Allemagne et au-delà de ses frontières.
Cette contribution est utile à toute démarche qui voudrait mettre fin à toute sorte de discrimination d’où qu’elle vienne ; à commencer par cette discrimination qui consiste à trier parmi les crimes pour ensuite, suivant l’identité des victimes ou parfois l’identité des bourreaux, sélectionner le crime qu’il faut condamner. Cette hiérarchisation des crimes et donc de leur condamnation, demeure un handicap majeur dans la lutte pour la prévention des crimes contre l’humanité dont le crime de génocide.
Esclavage et trafic d’esclaves
Il convient de préciser tout de suite que, les guerres de conquête et les crimes liés à la domination coloniale, ainsi que la réduction d’êtres humains en esclavage, étaient déjà une réalité dans les temps anciens. Par exemple, lorsque la domination des Musulmans arabes s’étend vers l’Europe, le commerce d’êtres humains est une activité millénaire parmi les Européens. Le règne de l’islam en Espagne, de 711 à 1492, a simplement dynamisé la traite d’esclaves intra européenne.1 faisant du continent un important fournisseur d’esclaves, femmes et hommes, expédies vers les pays de l’islam.
Les prisonniers, majoritairement slaves, alimentaient le commerce d’hommes entre Venise et l’empire arabo-musulman du sud de la Méditerranée. C’est ainsi que dans les langues occidentales, le mot « esclave » ou « slave » se substitue au latin «servus» pour désigner les travailleurs privés de liberté. Autrement dit, pendant plusieurs siècles, des Chrétiens européens vendent d’autres Européens à des commerçants Juifs spécialisés dans la fabrication d’eunuques.2, lesquels étaient une marchandise très prisée et fort sollicitée dans les pays de l’empire musulman.
Des chercheurs, spécialistes de l’esclavage en Europe au Moyen Âge, ont vu dans le système d’asservissement inauguré en Amérique par la domination coloniale, un lien de continuité avec les institutions esclavagistes de l’Europe. Jacques Heers dit que «C’est le mérite incontestable de Charles Verlinden, sur ce point véritable pionnier, que d’avoir remarqué que la conquête et l’exploitation coloniales des Amériques s’étaient largement inspirées de certaines expériences toutes récentes en Méditerranée et s’inscrivaient en droite ligne dans une continuité ininterrompue de précédentes médiévaux.3».
J’ai néanmoins choisi d’aborder cette analyse, à partir de 1492 lors de l’arrivée des Européens dans le continent américain. Et j’ai fait ce choix parce que, malgré ce qui vient d’être dit, la destruction des peuples indigènes d’Amérique, l’instauration de la domination coloniale et le système de déshumanisation des Noirs sur ce continent, n’avaient pas de précédent dans l’histoire. Et surtout, parce que la prolongation de cette expérience pendant plus de trois siècles, a largement conditionné la systématisation théorique des inégalités y compris l’inégalité raciale dont les conséquences restent d’actualité.
Premier génocide des temps modernes
Des historiens du 20ème siècle, travaillant sur la conquête de l’Amérique, sont parvenus à se mettre plus ou moins d’accord pour estimer le nombre d’habitants du continent américain à la veille de l’invasion. Il a donc été retenu qu’à la veille du 1500, environ 80 millions de personnes habitent dans le continent américain. Ces chiffres furent comparés à ceux obtenus cinquante ans plus tard à partir des recensements espagnols.4.
Il en ressort que vers 1550, des 80 millions d’Indigènes ne restent que 10 millions. C`est-à-dire, en termes relatifs une destruction de l’ordre de 90% de la population. Une véritable hécatombe car en termes absolus il s’agit d’une diminution de 70 millions d’êtres humains. Et encore, il importe de savoir que ces dernières années, des historiens sud-américains sont parvenus à la conclusion qu’en réalité, à la veille de la conquête il y avait en Amérique plus de 100 millions d’habitants. D’un point de vue européen, ces estimations sont inacceptables, et pour cause ! Si cela était vrai, nous serions devant une diminution de 90 millions d’êtres humains.
Mais, au-delà du nombre d’Indigènes exterminés, le comportement collectivement adopté par les conquérants chrétiens a eu des conséquences qui perdurent. Par exemple, la justification postérieure de ce génocide a conditionné l’évolution culturelle, idéologique et politique de la suprématie blanche à l’égard d’autres peuples non Européens, et finalement à l’intérieur même d’Europe.
La situation d’impunité dont bénéficiaient les conquistadores devait, fatalement, favoriser l’apparition très rapide de pratiques assez inquiétantes. Ainsi, la mauvaise habitude de nourrir les chiens avec des Indigènes et parfois avec des nourrissons arrachés à leur mère et jetés en pâture à des chiens affamés. Ou la tendance à s’amuser en faisant brûler vifs des Indigènes jetés dans des bûcher allumés pour les faire rôtir5. Ce désastre fut la première conséquence directe de ce que les manuels d’histoire continuent à appeler ‘la découverte de l’Amérique’.
La solution africaine
Après avoir vidé le continent américain de sa population, les puissances occidentales naissantes ont fait de l’Afrique noire, une pourvoyeuse d’esclaves pour l’Amérique. Cette entreprise a désagrégé l’économie des pays africains et vidé le continent d’une partie de sa population dans ce qui demeure, la déportation d’êtres humains la plus gigantesque que l’histoire de l’humanité ait connue. Ici, il convient de rappeler la situation des pays africains au moment où ils sont abordés par les Européens.
C’est un fait que, même si le mode de production en Afrique n’était pas fondamentalement esclavagiste, les sociétés y connaissaient certaines formes de servitude. Comme nous l’avons dit, au Moyen âge, l’esclavage ainsi que la vente d’êtres humains, était une pratique très généralisée et l’Afrique n’a pas été une exception. Depuis le 7ème siècle, l’Afrique noire, tout comme l’Europe depuis le 8ème siècle, approvisionne en esclaves les pays de l’empire arabo-musulman.
Il semblerait qu’à l’époque, la dimension et les modalités du trafic d’esclaves n’auraient pas été incompatibles avec la croissance de l’économie dans les pays concernés par ce commerce d’êtres humains. Il est d’ailleurs couramment admis que c’est sous le règne de l’islam en Espagne que l’Europe a commencé à sortir des ténèbres du Moyen âge. Concernant l’Afrique, on notera qu’au 15ème siècle, malgré la ponction faite par la traite négrière arabo-musulmane, les pays de ce continent jouissaient d’un bon niveau de bien être social.
Le dépeuplement du continent ainsi que la misère et l’indigence de ses habitants malades et affamés, décrits par les voyageurs qui abordèrent l’Afrique noire au 19ème siècle, contrastent avec les pays densément peuplés, l’économie fleurissante, l’agriculture abondante, l’artisanat diversifié, le commerce intense et surtout, avec le niveau de bien être social décrits par les voyageurs, géographes et navigateurs ayant abordé l’Afrique noire entre le 8ème et le 17ème siècle, et dont nous connaissons maintenant les témoignages grâce aux diverses recherches, entre autres celles de Diop Maes.6.
Entre le 16ème et le 19ème siècle, les guerres et razzias en chaîne, provoquées par les négriers pour se procurer les captifs, ont conduit à la destruction quasiment irréversible de l’économie, du tissu social et de la démographie des peuples africains. Le cumul des traites, arabe et européenne, au moyen d’armes à feu, le caractère massif, voire industriel, de la traite négrière transatlantique en accroissement constant, a causé en trois siècles, des ravages que le continent n’avait jamais connus jusque là. Ce nouveau désastre fut la deuxième conséquence de la colonisation d’Amérique.
Une entreprise de déshumanisation
Dans le cadre de la domination coloniale sur le continent américain, les survivants indigènes, dépouillés de leurs terres furent refoulés et parqués dans des réserves. Dans le même temps, des millions de femmes, d’enfants et d’hommes Africains arrachés de chez eux et déportés dans l’Amérique, furent systématiquement expulsés hors de l’espèce humaine et réduits à la catégorie de bien meuble ou de sous-homme. L’infériorité raciale des non-Blancs et sa sœur jumelle, la supériorité de la race blanche, furent inscrits dans la loi, consacrées par le christianisme et renforcées dans les faits.
Les puissances coloniales, Espagne, Portugal, France, Angleterre, Hollande, légiféraient pour se doter du cadre juridique à l’intérieur duquel la déshumanisation des Noirs devenait légale. En conséquence, chaque métropole avait un arsenal juridique pour réglementer sa politique génocidaire dans l’univers concentrationnaire d’Amérique. A cet égard, la codification la plus achevée aura été le code noir français7. Promulgué en 1685, cette monstruosité juridique est restée en vigueur jusqu’à 1848 lors de la seconde abolition de l’esclavage dans les colonies françaises.
Il est significatif que, au moins pendant les 16ème et 17ème siècles, pour autant que nous sachions, il n y eut pas une seule voix autorisée pour dénoncer et condamner l’expulsion légale des Noirs hors de l’espèce humaine. Même au 18ème siècle qui était pourtant le siècle des Lumières, aucun de ces grands philosophes n’a, formellement, exigé des autorités compétentes la suppression immédiate, réelle, sans atermoiements, des lois qui réglaient ces crimes.8.
Une idéologie unanimement partagée
On a l’habitude d’ignorer que grâce à la racialisation de l’esclavage dans l’univers concentrationnaire d’Amérique, la supériorité de la race blanche et l’infériorité des Noirs sont devenues un axiome profondément enraciné dans la culture occidentale. Il faut savoir que cet héritage pernicieux de la domination coloniale européenne, combiné aux effets néfastes de la manie des Lumières de tout ordonner, hiérarchiser, classifier, a stimulé l’émergence d’une culture plus ou moins favorable à l’extermination des groupes considérés inférieurs.
Entre le 15ème et le 19ème siècle, toute la production littéraire et scientifique concernant les peuples indigènes d’Amérique, visait à justifier leur extermination passé et à venir. Après trois longs siècles de barbarie coloniale sous contrôle chrétien, un des principes validés par les catholiques espagnols, est la certitude que tuer des Indiens n’est pas un pêché.9. Cette conscience fut renforcée par les protestants anglophones, convaincus qu’un bon Indien est un Indien mort. Aussi, toute la littérature concernant la bestialisation des Noir dans l’univers concentrationnaire d’Amérique, était une véritable propagande en faveur de la traite négrière et de l’esclavage des Noirs présentés comme un progrès de la civilisation.
Lorsque finalement eut lieu le démantèlement de l’univers concentrationnaire d’Amérique, le changement provoqué par les abolitions de l’esclavage eut une portée assez limitée. D’abord parce que l’essentiel des structures et des rapports sociaux et économiques mis en place par la barbarie institutionnalisée, sont restés quasiment inchangés. Et aussi, parce que le triomphe de la pensée scientifique sur la foi religieuse a donné à la race des seigneurs et aux valeurs de la civilisation occidentale, une crédibilité dont la religion ne bénéficiait plus auprès des esprits éclairés. Désormais, la colonisation et les actes de barbarie qui lui sont consubstantiels, par exemple l’extermination de groupes considérés inférieurs, se feront ayant comme support un discours scientifique.
Une culture d’extermination
Il serait utile une étude très serrée concernant le rôle des scientifiques occidentaux dans le développement de la culture d’extermination qui a prévalu au 19ème et au début du 20ème siècle dans les pays colonisateurs. Malgré son rapport étroit avec notre analyse, cela n’est pas le sujet central de cette communication. Mais, nous pouvons néanmoins dégager quelques pistes pour ceux qui voudraient reprendre le sujet et se renseigner davantage.
Au milieu du 19ème siècle, les Associations scientifiques les plus prestigieuses semblent avoir été la Geographical Society et l’Anthropological Society à Londres et aussi, la Société de Géologie à Paris. Le 19 janvier 1864, eut lieu une table ronde organisée par l’Anthropological Society sur « l’extinction des races inférieures ». Il y fut question du droit des races supérieures à coloniser les espaces territoriaux considérés vitaux pour leurs intérêts.
Dans le “journal of the Anthropological Society of London, vol. 165, 1864” fut publié un compte rendu des débats de la Conférence. Il s’agissait de savoir si dans tous les cas de colonisation il serait inévitable l’extinction des races inférieures, ou si jamais il serait possible qu’elles puissent coexister avec la race supérieure sans être éliminées.10. A l’époque, l’Angleterre avait déjà commis, outre le génocide des Indigènes en Amérique du Nord, celui des Aborigènes d’Australie dont les Tasmaniens.
En France, Albert Sarraut, tenant discours aux élèves de l’Ecole coloniale affirmait : « il serait puéril d’opposer aux entreprises européennes de colonisation un prétendu droit d’occupation […] qui pérenniserait en des mains incapables la vaine possession de richesses sans emploi. »11. De son côté, le sociologue français Georges Vacher de Lapouge, soutenait qu’il n’y avait rien de plus normal que la réduction en esclavage des races inférieures et plaidait pour une seule race supérieure, nivelée par la sélection.
Des scientifiques réticents
On remarquera que la plupart des anthropologues allemands, même convaincus de leur supériorité raciale, ne partagent pas avec leurs collègues britanniques, nord-américains et français, la conviction que les races inférieures doivent nécessairement disparaître au contact de la civilisation. Le professeur Théodore Waitz par exemple, développe entre 1859-1862 un travail pour contester le bien fondé des théories propagées par ses collègues occidentaux, engagés dans la justification scientifique des exterminations commises par leurs pays.
Par la suite, son élève George Gerland fait en 1868 une étude sur l’extermination des races inférieures. Il dénonce la violence physique exercée par les colonisateurs comme étant le facteur d’extermination le plus tangible. Et affirme qu’il n’existe aucune loi naturelle qui dit que les peuples primitifs doivent disparaître pour que la civilisation avance. Le plaidoyer de ce scientifique allemand pour le droit à la vie des races dites inférieures est un fait rarissime dans cette période de l’histoire.
En 1891 le professeur allemand Friedrich Ratzel publie son livre « Anthropogeographie » et dans le dixième chapitre sous-titré « Le déclin des peuples de cultures inférieures au contact avec la culture », il exprime son hostilité concernant la destruction des peuples indigènes : « C’est devenu une règle déplorable, que des peuples faiblement avancés meurent au contact avec des peuples hautement cultivés. Cela s’applique à la vaste majorité des Australiens, des Polynésiens, des Asiatiques du Nord, des Américains du Nord et des nombreux peuples d’Afrique du Sud et d’Amérique du Sud.
(…) Les Indigènes sont tués, chassés, prolétarisés et l’on détruit leur organisation sociale. La caractéristique principale de la politique des Blancs est l’usage de la violence par les forts sur les faibles. Le but est de s’emparer de leurs terres. Ce phénomène a pris sa forme la plus intense en Amérique du Nord. Des Blancs assoiffés de terres s’entassent entre des peuplements indiens faibles et partiellement désintégrés »12. Ce serait le dernier discours dans lequel le professeur Ratzel exprimerait un point de vue aussi peu favorable à l’extinction des peuples inférieurs.
Une évolution malheureuse
Les anciennes puissances négrières réunies à Berlin en 1884-1885, officialisent le dépècement de l’Afrique. L’Allemagne s’assure le contrôle du Sud-Ouest africain (c`est-à-dire la Namibie), de l’Est africain (correspondant aux territoires actuels de la Tanzanie, du Burundi et du Rwanda) et aussi le contrôle sur le Togo et le Cameroun.
L’entrée de l’Allemagne dans l’entreprise coloniale marque un hiatus sensible entre le discours des scientifiques allemands avant les années 1890 et celui qu’ils auront après les années de 1890 sur le même sujet : l’extermination des races inférieures ou leur asservissement suivant les besoins des conquistadores et le progrès de la civilisation.
En effet, en 1897 le professeur Ratzel publie son ouvrage «Géographie politique» dans lequel, l’auteur prend fait et cause pour l’extermination des races inférieures. Il affirme qu’un peuple en développement qui a besoin de plus de terres doit donc en conquérir «lesquelles, par la mort et le déplacement de leurs habitants, sont transformées en terres inhabitées»13.
La domination économique combinée à des méthodes racistes, a donné naissance à la suprématie blanche chrétienne. Son idéologie hégémonique règne sans partage sur la planète et connaît toute sa splendeur entre la seconde moitié du 19ème et la première moitié du 20ème siècle. Même dans les anciens pays colonisés, l’extermination des races inférieures tenait lieu de politique officielle.
Une idéologie triomphante
La plupart des pays d’Amérique sont devenus indépendants au 19ème siècle. Les classes dirigeantes de ces pays, se croient blanches parce qu’elles sont issues des aventuriers européens qui souvent violaient les femmes indigènes. Arrivées au pouvoir suite aux guerres d’indépendance, ces élites se sont toujours identifiées à leur ancêtre blanc. De fait, elles adoptèrent les méthodes d’extermination des Indigènes hérités de la colonisation.
En avril 1834, les autorités d’Argentine, pays indépendant depuis peu, déclenchent la « Campaña del Desierto » (Campagne du Désert), dont le but est l’extermination des survivants Indigènes qui occupent la pampa. Dirigée par Juan Manuel de Rosas, devenu Président d’Argentine à partir de 1835, cette campagne fut coordonnée avec le gouvernement du Chili. Le premier gouvernement constitutionnel d’Uruguay, dirigé par Fructuoso Rivera, s’est aussi joint à la Campagne qui devait transformer ces terres en espaces inhabités.
Malgré la violence extrême de la ‘Campagne’, tous les Indigènes ne sont pas morts, au grand dam du président Rosas pour qui les Indiens se reproduisaient comme des insectes. Pour remédier à cet échec, en 1878, par initiative du Ministre de la Guerre Julio Argentino Roca, le Congrès National argentin vote et approuve la loi « de expansión de las fronteras hasta el Rio Negro » (expansion des frontières). C’est le point de départ de la seconde « Campagne du Désert » qui doit définitivement vider la Pampa de sa population indigène pour faire avancer la civilisation.
Un espace vital avant la lettre
La « Campagne » a lieu au moment où les survivants Indigènes sont traqués partout dans le continent. En Amérique du Nord ils sont massacrés et refoulés afin de libérer un espace devenu vital pour l’installation de familles civilisées, c`est-à-dire blanches. En Argentine, l’objectif avoué de la « Campagne » était le même : Remplacement de la population locale par une population civilisée pouvant garantir l’incorporation effective de la Pampa et la Patagonie à la nation de l’Etat Argentin.
Quelques décennies plus tard, Heinrich Himmler défendrait le même principe de remplacement des populations lorsqu’il affirmait : « Le seul moyen de résoudre le problème social, c’est pour un groupe, de tuer les autres et de s’emparer de leur pays »14. Mais, pour le moment, cela se passait en Amérique et au détriment de populations non-Européennes. Le Ministre Roca, qui est à l’origine de la seconde «Campagne du Désert», a même gagné les élections en 1880 et est devenu Président de l’Argentine.
Bien sûr, quelques voix se levèrent pour critiquer la barbarie des atrocités commises pendant la Campagne. Mais, dans l’ensemble, l’infériorité des victimes n’était pas contestée et le gouvernement de Julio Roca appelé le conquistador du Désert, est perçu comme le fondateur de l’Argentine moderne. L’histoire de ce pays a retenu surtout, que c’est sous la Présidence de Roca que le pays a avancé vers la séparation de l’église et l’Etat, le mariage civil, le registre civil des naissances et l’éducation laïque. Une des plus grandes villes de la Patagonie porte le nom de Roca.
Il n’y a pas longtemps, l’historien Félix Luna affirmait sans rire : « Roca a incarné le progrès, il a intégré l’Argentine dans le monde : je me suis mis à sa place pour comprendre ce qui impliquait d’exterminer quelques centaines d’indiens pour pouvoir gouverner. Il faut considérer le contexte de l’époque où l’on vivait une atmosphère darwiniste qui favorisait la survie du plus fort et la supériorité de la race blanche (…) Avec des erreurs, des abus, avec un coût Roca fit l’Argentine dont nous jouissons aujourd’hui : les parcs, les édifices, le palais des Œuvres Sanitaires, celui des Tribunaux, la Case du Gouvernement »15.
Exterminables parce qu’inférieurs
On remarquera que depuis le premier génocide des temps modernes, commis par les chrétiens en Amérique à partir de 1492, la situation des peuples non Européens en général et des Noirs en particulier se trouve rythmée par les exigences de la suprématie blanche. Dans l’univers concentrationnaire d’Amérique, le Noir expulsé hors de l’espèce humaine en tant que sous-homme ou bien meuble, ne fut jamais réintégré ou réinstallé dans son humanité. Et les survivants indigènes étaient massivement massacrés pour rendre inhabitées leurs terres.
En Afrique le peuple congolais, sous l’administration de ce bourreau que fut le Roi Léopold, est soumis à des formes d’asservissement causant la destruction de la moitié de la population qui est passée de vingt millions à 10 millions d’habitants.16. Dans ce même continent, l’Allemagne aussi, comme d’autres avant elle, appliquera les bons principes de la colonisation. Entre 1904 et 1906, soit en l’espace de deux ans, les Allemands exterminèrent les trois quarts du peuple Herero. Sans compter les morts des Nama, Baster, Hottentots, etc.17.
Dans le cadre de la domination coloniale allemande en Namibie, le professeur Eugen Fischer va étudier en 1908, chez les Baster installés à Rehoboth « le problème de la bâtardisation chez l’être humain ». Les recommandations du chercheur sont sans détour. On lit dans son traité à propos des métis : « Qu’on leur garantisse donc le degré précis de protection qui leur est nécessaire en tant que race inférieure à la nôtre, rien de plus, et uniquement tant qu’ils nous sont utiles –autrement, que joue la libre concurrence, c`est-à-dire, selon moi, qu’ils disparaissent.18 »
Ce travail dans lequel le professeur Fischer considérait avoir démontré scientifiquement l’infériorité des Noirs, fit la gloire de son auteur dont le prestige alla au-delà des frontières du pays. Des années plus tard, lorsqu’en 1933 Adolf Hitler arrive au pouvoir en Allemagne, tout naturellement, le professeur Fischer mettra au service de la politique raciale du nouvel Etat le prestige et l’autorité que lui conférait sa condition de scientifique de renommée mondiale. En fait, ce fut le cas de l’establishment scientifique dans l’ensemble.19.
Le danger d’être classé inférieur
C’est un fait vérifiable, à la fin du 19ème et pendant les premières décennies du 20ème siècle, l’extermination d’êtres inférieurs ou la programmation de leur disparition, était une réalité qui ne soulevait pas de grandes vagues de solidarité à l’égard des victimes. C’est pourquoi les dirigeants nazis s’appliquèrent à convaincre les Allemands que les Juifs, ainsi que les Slaves et autres groupes, étaient différents et en conséquence étaient inférieurs.
C’est dans ce contexte si favorable à l’extermination des inférieurs, que les conseillers scientifiques du plan quadriennal chargé de planifier l’économie de l’Allemagne nazie, poussant la logique de l’anéantissement plus loin que leurs prédécesseurs, et dans une combinaison aussi terrible que sinistre entre les facteurs idéologiques et les motivations utilitaires, ont programmé l’extermination à l’Est, de 30 millions d’êtres humains.
Dans leur essai « Les architectes de l’extermination », Susanne Heim et Götz Aly soulignent que les planificateurs de l’économie, choisis non pas en fonction de leur militance politique mais de leur compétence professionnelle, fondaient leur dossier sur des considérations purement économiques et géopolitiques, sans la moindre référence à l’idéologie raciale. Ils rapportent le procès-verbal d’une réunion pendant laquelle, les conseillers économiques ont expliqué en présence de Goebbels leur plan d’approvisionnement alimentaire.
Ce dernier nota dans son journal le 2 mai 1941 : «La guerre ne peut se poursuivre que si la Russie fournit des vivres à toutes les forces armées allemandes durant la troisième année de la guerre. Des millions de personnes mourront certainement de faim si les vivres qui nous sont nécessaires sont enlevés au pays.20 » En effet, ce plan devait faire mourir environ 30 millions de Slaves dans un premier temps. Mais cela devait assurer l’approvisionnement des vivres pendant une année et en plus, rendre inhabitées des terres où des familles allemandes seraient installées.
Une tradition sinistre
Ainsi, Hermann Göring, dont le père fut le premier gouverneur allemand en Namibie, pouvait dire en 1941 à son compère le ministre italien des Affaires étrangères, le comte Ciano : « Cette année, 20 à 30 millions de personnes mourront de faim en Russie. Peut-être est-ce pour le mieux, puisque certaines nations doivent être décimées.21 » Ceux qui, dans une association extrême de l’idéologie raciste et la motivation utilitaire, programmaient l’extermination de 30 millions de Slaves, pouvaient programmer sans état d’âme, l’extermination d’un autre groupe considéré aussi inférieur, dans l’occurrence les Juifs.
Ce n’est pas par hasard que le Professeur Wolfang Abel : «Chargé par le haut commandement des forces armées de réaliser des études anthropologiques sur les prisonniers de guerre soviétiques, proposa entre autres options la liquidation du peuple russe.22» Le professeur Abel fut l’élève du Professeur Fischer avant de devenir son assistant. Ensemble, ils formèrent les premiers experts scientifiques chargés de sélectionner ceux qui, coupables de ne pas être Aryens devaient être exterminés à Auschwitz ou ailleurs.23.
Quant aux Soviétiques : « Au 1er février 1942, sur les 3,3 millions de soldats de l’Armée rouge fait prisonniers, 2 millions étaient déjà morts dans les camps allemands et au cours des transports, soit 60%. Si l’on enlève les trois premières semaines de guerre, au cours desquelles les premiers prisonniers purent puiser dans leurs réserves corporelles, ce chiffre correspondait à un taux de mortalité de 10 000 hommes par jour.24 »
La tragédie des uns et le profit des autres
La très grande majorité des Allemands, heureuse de se trouver du bon côté, accepta le fait accompli, c`est-à-dire l’exclusion des non-Aryens, et en retira tout le bénéfice possible. Il va sans dire qu’à l’époque, la solidarité à l’égard des groupes considérés inférieurs ne faisait pas vraiment recette dans la culture dominante. Plusieurs siècles de matraquage idéologique pour justifier l’écrasement des peuples colonisés et asservis, n’avaient pas certainement favorisé l’humanité de ceux qui en profitaient.25.
Comme le dit si bien Aly : « Le gouvernement nazi suscita le rêve d’une voiture populaire, introduisit le concept de vacances pratiquement inconnu jusqu’alors, doubla le nombre des jours fériés et se mit à développer le tourisme de masse dont nous sommes aujourd’hui familiers. (…) Ainsi, l’exonération fiscale des primes pour le travail de nuit, les dimanches et les jours fériés accordés après la victoire sur la France, et considérée, jusqu’à sa remise en cause récente comme un acquis social. (…)Hitler a épargné les Aryens moyens aux dépens du minimum vital d’autres catégories.26.»
L’argent spolié aux Juifs d’Europe et aux pays sous occupation allemande a bien servi au gouvernement nazi pour financer sa politique sociale visant à favoriser le niveau de vie de la population aryenne. On comprend qu’après la guerre, tant d’Allemands pouvaient admettre en privé, avoir vécu la période la plus prospère de leur vie sous le gouvernement nazi y compris pendant la guerre…
Conclusion
La domination coloniale sur d’autres peuples a toujours fourni les conditions indispensables pour la mise en place de systèmes d’asservissement et déshumanisation froidement réglés. Ce fut le cas dans l’univers concentrationnaire d’Amérique, où les puissances coloniales ont inventé un système juridique à l’intérieur duquel, la bestialisation des Noirs parce que Noirs, se faisait en toute légalité. Au 19ème siècle, la colonisation britannique en Australie a renoué avec le génocide commis en Amérique du Nord.
En Afrique, les peuples congolais ont souffert leur Adolf Hitler incarné par le Roi des Belges qui non satisfait de faire mourir la moitié des populations, faisait couper la main à ceux qui chercheraient à fuir les travaux forcés.27. En Namibie, l’Allemagne coloniale a commis son premier génocide et, je peux continuer mais je peux aussi m’arrêter. Il y a assez pour comprendre que l’entreprise nazie de déshumanisation, s’inscrit dans une continuité, jalonnée sans interruption par la barbarie coloniale.
A la fin de la guerre, les puissances coloniales, victorieuses, ont décrété que le nazisme était incompréhensible et effroyable parce que derrière ses atrocités il n’y avait aucune rationalité économique. La motivation utilitaire ayant toujours servi à cautionner les entreprises de déshumanisation menées contre d’autres peuples non-Européens, il fallait absolument que l’entreprise nazie de déshumanisation soit dépourvue de toute motivation utilitaire. De là, cette approche réductionniste qui a historiquement isolé le nazisme, et focalisé l’attention sur les atrocités commises par les nazis, en faisant abstraction des facteurs sans lesquels, chacun devrait le savoir, ce désastre effrayant n’aurait jamais atteint la disproportion que nous savons.
1 A ce sujet, voir Charles Verlinden, L’esclavage dans l’Europe médiévale, Tome 1 Péninsule Ibérique, France 1955 ; Tome 2 Italie Colonies italiennes du Levant latin Empire Byzantin, 1977.
2 Verlinden, L’esclavage dans l’Europe médiévale, Tome 2, notamment dans le chapitre II La traite vénitienne et la traite juive, p. 115 et suivantes, et aussi dans le chapitre III La traite des eunuques, p. 981 et suivantes. Ce livre, devenu introuvable en librairie, peut être consulté à la bibliothèque du Centre Pompidou et aussi à celle de la Sorbonne.
3 Jacques Heers, Esclaves et domestiques au Moyen Âge dans le monde méditerranéen, Paris, 1981, p. 12.
4 A ce sujet, voir Tzvetan Todorov, La conqête de l’Amérique. La question de l’autre, Paris, 1982.
5 Voir Bartolomé de Las Casas, Brevísima relación de la destrucción de las Indias, Buenos Aires, 1966 et aussi Historia de las Indias, México, Fondo de Cultura Económica, 1951.
6 Le lecteur consultera profitablement l’œuvre pionnière de Louise Marie Diop Maes, Afrique Noire Démographie Sol et Histoire, Paris, 1996.
7 Louis Sala-Molins, Le code noir ou le calvaire de Canaan, Paris, 1987.
8 Louis Sala-Molins, Les Misères des Lumières. Sous la Raison, l’outrage, Paris, 1992
9 En 1972, en Colombie, un groupe de paysans analphabètes a dû répondre devant le tribunal pour le massacre, avec préméditation, de dix huit Indigènes hommes, femmes et enfants confondus. Les accusés ont été acquittés par un jury populaire car ils ne savaient pas que tuer des Indiens était un pêché et encore moins un délit. Voir à ce sujet Rosa Amelia Plumelle-Uribe, La férocité blanche Des non-Blancs aux non-Aryens Génocides occultés de 1492 à nos jours, Paris, 2001.
10 Sven Lindqvist, Exterminez toutes ces brutes. L’odysée d’un homme au cœur de la nuit et les origines du génocide européen, Paris, 1999.
11 Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, Paris, 1955.
12 Lindqvist, op. cit., p. 189-190.
13 Ibid, p. 192.
14 Götz Aly et Susanne Heim, Les architectes de l’extermination Auschwitz et la logique de l’anéantissement, Paris, 2006, p. 25-26
15 Consulter Diana Lenton, La cuestion de los Indios y el ge,ocidio en los tiempos de Roca : sus repercusiones en la prensa y la politica, SAAP- Sociedad Argentina de Análisis Politico www.saap.org.ar/esp/page Voir aussi Osvaldo Bayer, le journal argentin Página/12, Sábado, 22 de octubre 2005.
16 Adam Hochschild, Les fantômes du roi Léopold II. Un holocauste oublié, Paris, 1998.
17 Ingol Diener, Apartheid ! La cassure, Paris, 1986.
18 Benno Muller-Hill, Science nazie, science de mort, Paris, 1989, p. 194.
19 Consulter Muller-Hill
20 Aly et Heim, op. cit., p. 271-272.
21 Ibid, p. 267.
22 Ibid, p. 289.
23 Muller-Hill, op. cit.
24 Götz Aly, Comment Hitler a acheté les Allemands, Paris, 2005, p. 172.
25 Voir Plumelle-Uribe, op. cit.
26 Götz Aly, Comment Hitler a acheté les Allemands, p. 9, 28.
27 Hochschild, op. cit.
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Le pillage des richesses de l’Afrique restera-t-il impuni ? | |
Xavier Harel, journaliste au quotidien français La Tribune depuis une dizaine d’années, vient de publier un livre de 281 pages sur l’Afrique. Le livre a été édité par Fayard et s’intitule Afrique, pillage à huis clos. Quand le pétrole africain finance le monde occidental. L’auteur part du préjugé selon lequel la mobilisation de George W. Bush, Tony Blair et Jacques Chirac en faveur de l’Afrique – annulation des dettes africaines, augmentation de l’aide au développement ou taxe sur les billets d’avion destinée à financer la lutte contre le sida et le paludisme – ne serait destinée qu’à sauver les Africains du chaos.
Pour Harel, il ne s’agit là que de tromperie et de mystification car, selon lui, la vraie raison de ce subit intérêt est la découverte du pétrole. Un pétrole qui financerait le monde occidental et aurait permis le maintien ou le retour au pouvoir de certains dictateurs africains. Bref, un pétrole qui enrichirait une poignée d’individus en Afrique et en Occident. D’où le sous-titre de l’ouvrage : “ pillage à huis clos ”. Ainsi l’argent du pétrole congolais ne bénéficie-t-il pas aux Congolais mais à Denis Sassou Nguesso qui aurait créé une multitude de sociétés écrans pour détourner des centaines de millions de dollars, à Jacques Chirac et à Total. C’est ce pillage du pétrole congolais qui favorisa la libération nocturne, en avril 2004, de Jean-François Ndengue, le chef de la police congolaise, arrêté et emprisonné en France pour crimes contre l’humanité dans l’affaire des disparus du Beach de Brazzaville (plus de 350 réfugiés évanouis dans la nature en 1999 après le passage des milices de Sassou). Ceux qui ne comprennent pas pourquoi le président congolais soutient l’idée de Jacques Chirac de renforcer les pouvoirs de Banny et de suspendre la Constitution ivoirienne trouveront ici une explication : un voleur ne peut que soutenir un autre voleur. Pour le dire autrement, “ les oiseaux de même plumage volent - dans les deux sens du terme - dans la même direction ”.
Le Premier ministre britannique se comporte-t-il mieux que le président français ? Harel répond par la négative. Pour lui, si Blair aimait vraiment l’Afrique, il n’aurait pas fermé les yeux sur le coup d’État que le fils de Margaret Thatcher préparait contre les autorités de Malabo. Qui plus est, selon l’auteur, l’argent de la corruption est blanchi et recyclé par une demi-douzaine de paradis fiscaux rattachés à la couronne britannique.
Et George W. Bush qui a constamment à la bouche les mots “ Dieu ”, “ démocratie ”, “ droits de l’homme ” et “ bonne gouvernance ” ? Xavier Harel soutient que ses actes jurent tragiquement avec ses discours. Tout l’intérêt de l’essai de Harel est là : lorsqu’il nous apprend que les grandes puissances, si promptes à prêcher la bonne gouvernance et la transparence, s’accommodent de la corruption la plus exécrable dès qu’il s’agit de défendre les intérêts de leurs compagnies pétrolières. En d’autres termes, Afrique, pillage à huis clos met en évidence le double discours des dirigeants du G8.
Pour Harel, les dirigeants occidentaux ne seront pris au sérieux que s’ils font ce qu’ils disent, s’ils obligent leurs compagnies pétrolières à faire la lumière sur ce qu’elles versent aux États africains, s’ils dénoncent les atteintes aux droits de l’homme des présidents qui leur vendent du pétrole, s’ils contraignent les chefs d’État africains à se servir des revenus du pétrole pour améliorer les conditions de vie de leurs populations et non pour ouvrir des comptes en Suisse, à Monaco ou ailleurs. Car il n’est pas du tout normal que Denis Gokana, conseiller spécial du président congolais et président de la Société nationale des pétroles du Congo, achète et revende du pétrole congolais alors que “ deux Congolais sur trois vivent avec moins d’un dollar par jour ”.
J’ai apprécié, beaucoup apprécié le livre de Xavier Harel. J’ai eu un plaisir jubilatoire à le lire. Pourquoi ? Parce qu’il permet de voir que l’Afrique est davantage pillée qu’aidée par un Occident jamais rassasié et plus soucieux du pétrole africain que du sort des Africains, parce qu’il fustige l’hypocrisie des pays occidentaux, parce qu’il nous fait voir la laideur morale de Bush, Blair et Chirac, pressés de donner aux Africains des leçons de bonne gouvernance et de respect des droits de l’homme mais lents à balayer devant leur propre porte. Que l’auteur ne s’exprime pas comme les autres journalistes hexagonaux inféodés à l’Élysée et au Quai d’Orsay mais se targuant d’être objectifs et neutres en ajoute aux qualités de cet ouvrage dont je ne puis que recommander la lecture à quiconque veut aller au fond des choses.
Le pillage des richesses de l’Afrique restera-t-il impuni ? Je me suis posé cette question en refermant Afrique, pillage à huis clos. Je me suis alors rappelé une réflexion de Jean-Claude Guillebaud. Prenant le contre-pied de Malraux qui aurait dit que “ le sang sèche vite en entrant dans l’Histoire ”, l’essayiste français écrit :
“ Rien ne me paraît plus faux que cette assertion. Car, où qu’on porte le regard, on voit des douleurs anciennes qui réapparaissent, des massacres qu’on exhume, des comptes que réclament les peuples… Je pense à certains films du moment, comme Indigènes, sur les combattants africains des deux guerres mondiales… Je songe au débat sur le génocide des Arméniens ou à la douleur à vif des Palestiniens lorsqu’ils évoquent la Nakba (catastrophe) de 1948… On vérifie aujourd’hui, un peu partout, la résurrection politique de certains souvenirs plus anciens encore… Non, le sang ne sèche pas si vite et, tôt ou tard, resurgissent dans l’Histoire la peine, la douleur ou l’humiliation des peuples. C’est dire si paraissent absurdes aujourd’hui les entreprises internationales ou néocoloniales à courte vue – au Proche-Orient ou ailleurs – qui se fondent sur le mépris ou l’humiliation de l’autre ” (cf. La Vie du 26 octobre 2006, p. 65).
Les pilleurs et criminels occidentaux et leurs complices africains peuvent se réjouir aujourd’hui. Mais le moment viendra – et il n’est peut-être pas loin – où l’Afrique leur demandera des comptes. Qu’ils le veuillent ou non, ils auront à répondre alors de leurs crimes car le “ sang ne sèche pas si vite ” et les peuples n’ont pas la mémoire courte. Le Rwanda de Paul Kagamé vient d’ouvrir le bal en créant une commission d’enquête sur le rôle de la France avant, pendant et après le génocide de 1994 qui fit entre 800 000 et un million de morts. La commission composée de juristes et d’historiens a démarré ses travaux le 24 octobre 2006. Quand elle aura fini d’entendre les 25 témoins appelés à témoigner, il n’est pas impossible que le gouvernement rwandais engage une procédure judiciaire devant la Cour internationale de justice (cf. La Croix du 26 octobre 2006, p. 8). Qu’est-ce qui pourrait empêcher d’autres pays africains de faire de même ?
Par Père Jean-Claude DJÉRÉKÉ jcdjereke@yahoo.fr
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Portrait d`un homme intègre: Thomas Sankara (1949-1987) | |
L`homme illustre de cette semaine est un révolutionnaire qui fut un président modeste et proche de ses administrés, qui a perdu la vie beaucoup trop tôt.
Par Hervé Mbouguen, Grioo.com
Les premières années
Thomas Sankara est né le 21 Décembre 1947 dans une famille de la bourgeoisie moyenne, et très chrétienne, qui souhaitait d`ailleurs qu`il devienne un prêtre.
Il ne l`est pas devenu, mais sa foi chrétienne ne le quittera pas, même lorsqu`il deviendra un marxiste convaincu.
Sa carrière militaire commence à 19 ans, avant qu`il ne soit envoyé poursuivre sa formation à Madagascar. Il aura donc l`occasion d`observer de ses propres yeux les soulèvements populaires contre la néo-colonisation en 1971/1972.
Il retourne en Haute-Volta en 1972, et participera à la guerre contre le Mali de 1974.
Il va ensuite en France, puis au Maroc où il rencontre en 1976 Blaise Compaoré. Les deux hommes deviendront rapidement très proches, se considérant comme des "frères".
Les deux hommes formeront avec Henri Zongo et Jean-Baptiste Boukary Lingani le ROC ou Rassemblement d`Officiers Communistes qui sera un rassemblement de jeunes officiers, durant la présidence de Henri Zerbo.
Thomas Sankara est nommé Secrétaire d`Etat à l`Information en Septembre 1981, et fera sensation en se rendant à vélo à sa première réunion de cabinet. Il démissionnera avec fracas le 21 Avril 1982 pour marquer sa protestation, en s`écriant "malheur à ceux qui veulent baillonner le peuple".
Le 07 Novembre 1982, un coup d`état place Jean-Baptiste Ouedraogo au pouvoir. Thomas Sankara sera nommé Premier Ministre en Janvier 1983. Après une visite du conseiller aux affaires africaines français, Jean-Christophe Mitterrand, le fils du président français, Thomas Sankara sera placé en résidence surveillée.
Son ami Blaise Compaoré organise un coup d`état le 04 Août 1983, et le place au pouvoir.
Thomas Sankara au pouvoir
"Tom Sank" comme certains l`appelaient voulait être un président différent, et incarnait un certain enthousiasme.
Il a commencé par prendre quelques mesures spectaculaires comme vendre les voitures de luxe des membres du gouvernement, et se déplaçait lui-même en Renault 5, une voiture équivalente à une Renault Twingo d`aujourd`hui.
Il n`a pas hésité à reprendre à son compte certaines thèses panafricanistes de Patrice Lumumba ou Nkwame Nkrumah.
Il a engagé une lutte contre la corruption, qui s`est traduite par des procès retransmis à la radio, mais sans condamnation à mort.
Il a également entrepris une campagne de reboisement du Sahel pour stopper l`avancée du désert.
Dans un pays où l`espérance de vie atteignait à peine 40 ans, et qui avait le record mondial de décès chez les enfants de moins de cinq ans, il a développé une vaste campagne de vaccination des enfants, et de construction d`hôpitaux.
Il a montré une conception moderne de la condition féminine, en condamnant la polygamie, en interdisant l`excision, et en nommant plusieurs femmes dans son gouvernement.
Au premier anniversaire de la Révolution, le 04 Août 1984, il change le nom de son pays de Haute-Volta (hérité de la colonisation) en "Burkina Faso", ce qui signifie "Le Pays des Hommes Intègres".
Proche de l`URSS et marxiste convaincu, il décréte la gratuité des loyers durant toute l`année 1985, et entame un programme de construction de logements.
Sa vision ne le limitera pas au seul Burkina-Faso puisqu`il sera très actif à dénoncer la néo-colonisation, sera un vif pourfendeur de l`apartheid, et fera sensation en s`opposant au paiement de la dette par les africains. Lors d`un sommet de l`OUA à Addis-Abeba, il s`écriera "Je dis que les Africains ne doivent pas payer la dette. Celui qui n’est pas d’accord peut sortir tout de suite, prendre son avion et aller à la Banque mondiale pour payer".
Comme tout homme, Sankara fera aussi ses erreurs. Dans l`enthousiasme de la révolution, il remplace par exemple 2.600 instituteurs par des révolutionnaires peu qualifiés.
Pour faire contre-poids à l`armée, il encouragera la création de sortes de milices qui finiront par créer de l`insécurité.
Il musèlera également la presse, et mettra en prison quelques uns de ses opposants.
Un conflit frontalier conduira à des affrontements avec le Mali, durant lesquels près de 100 personnes perdront la vie.
Lors du 4è anniversaire de la révolution, Sankara reconnaîtra quelques erreurs, et décidera d`infléchir certains aspects de la révolution. On lui prête notamment la phrase: "Je préfère faire un pas avec le peuple, que cent sans le peuple".
L`attitude de Sankara, et la grande popularité dont il jouira au sein de la jeunesse africaine finiront par lui attirer la méfiance de ses voisins, et de certains pays occidentaux, dont la France.
Mais comme souvent, l`ennemi ne viendra pas de bien loin.
Des rumeurs de complot bruissent au Burkina-Faso ce pays qui, comme on l`a vu, a souvent été agité par des coups d`état. Sankara, comme tous, les entend, et on lui prête les propos suivants, difficiles à vérifier, mais qui auront contribué à augmenter sa légende après sa mort: "On peut tuer un homme, mais on ne peut pas tuer ses idées", ou commentant l`attitude de Blaise Compaoré "Le jour que vous entendrez que Blaise Compaoré prépare un coup d’État contre moi, ce n’est pas la peine de me prévenir. Car, ce serait trop tard ".
Ce qui est certain, c`est que Compaoré ignore les recommandations de Sankara, et vit dans le luxe.
Il a également épousé un membre de la famille d`Houphoüet-Boigny, le président de la Côte d`Ivoire. Côte d`Ivoire qui voit Sankara d`un mauvais oeil, et qui est très proche de la France, qui digère mal les discours de Sankara, et qui craint qu`il fasse tache d`huile en Afrique.
Le 15 Octobre 1987
Thomas Sankara est en réunion avec des conseillers quand des bruits d`armes automatiques résonnent. Il aurait dit à ses conseillers "Restez, c`est à moi qu`ils en veulent".
Il sort du palais, en short, les mains en l`air, mais visiblement les mutins n`avaient pas pour consigne de l`arrêter, mais de le tuer, et quelques rafales mettent fin à sa vie, ainsi qu`à celle de douze de ses conseillers.
Comme pour tuer le symbole une seconde fois, il sera enterré à la va-vite, et de façon quasi-anonyme.
L`onde de choc provoquée par son décès, dans les jeunes africaines et notamment burkinabé, a poussé le régime à lui donner une sépulture plus convenable.
Son "ami" de longue date Blaise Compaoré prendra le pouvoir après sa mort, et prétendra avoir agi ainsi parce que Sankara projettait de l`assassiner, mais ses propos n`ont pas convaincu grand monde.
16 ans après, il est toujours au pouvoir.
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1er octobre 1961 : Et si le Scnc était entretenu par le gouvernement… Par Bernard Muna | |
1er octobre 1961 : Et si le Scnc était entretenu par le gouvernement…
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Les revendications sécessionnistes ne résistent que parce qu’il y a des discriminations dans la gestion des ressources du pays.
Par Bernard Muna
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Le 1er octobre 1961, j’étais encore étudiant à Londres. Cette date a marqué ma vie parce que, à cause d’elle, j’étais convoqué par le "British Council", organe qui s’occupait de tous les étudiants d’outre–mer en Grande Bretagne. Le colonel Cook, dDirecteur d’antan de cette institution, m’a reçu. Malgré son passé militaire, il était très accueillant et mettait tout en œuvre pour s’assurer que tous les étudiants étaient à l’aise et se trouvaient dans les conditions les plus favorables pour leur épanouissement. Dès mon entrée dans son bureau, il m’a invité à m’asseoir et à l’écouter attentivement. Il m’a alors informé que mon pays, le Cameroun occidental sous tutelle britannique, a accédé à l’indépendance en entrant en fédération avec le Cameroun oriental, ce 1er octobre 1961.
Il m’a rappelé que j’étais entré dans le territoire britannique avec un passeport colonial, émis par le gouverneur général du Nigeria, qui était en même temps le Haut commissaire du Cameroun occidental. Il m’a dit que j’avais à choisir entre trois solutions : soit je sollicitais un passeport de la République du Nigeria, soit celui de la République fédérale du Cameroun ou alors celui de la Grande Bretagne.
Je n’avais aucune difficulté de choix puisque j’ai grandi pendant la période de la recrudescence du nationalisme africain et plus particulièrement du nationalisme camerounais. Des noms tels que Um Nyobe, Dr. Félix Moumié et Ernest Ouandjie du Cameroun français, étaient devenus des noms familiers à coté des leaders politiques du Cameroun britannique tels que Dr. E. M. L. Endeley, J. C. Kangsen, V. T. Lainjo, S. A. George, Victor Mukete, Dr. J. N. Foncha, N. N. Mbile, P. M. Kale, A.N. Jua, Motomby Wolete et bien sûr S.T. Muna, parmi tant d’autres. Il est à noter que la question de la réunification des deux Cameroun dominait tous les débats politiques de cette époque.
Le milieu social dans lequel j’ai grandi était dominé par ce problème. Mon père démissionna du gouvernement de l’Etat de l’Est du Nigeria pour lutter en faveur de la création de l’Etat du Cameroun occidental à coté du Dr. Endeley. Lorsque le Dr. Endeley changea son avis sur la réunification des deux Cameroun, un fois encore, mon père démissionna du parti KNC qu’ils avaient créé pour rejoindre le Dr. Foncha dans le parti KNDP, afin qu’ensemble ils luttent pour la réunification du Cameroun. Le nationalisme et la réunification du Cameroun faisaient partie de mon vécu quotidien de 1951 à 1959, date à laquelle j’ai quitté le Cameroun pour aller poursuivre mes études à Londres. Dès lors, me demander de choisir soit un passeport nigérian, soit un passeport britannique, était synonyme de me demander de renier ma propre identité, de rejeter mon nationalisme passé et d’adopter celui d’un pays que je n’ai jamais considéré comme mien.
Après quelques semaines, lorsque le Colonel Cook m’a rappelé pour me remettre mon passeport sur lequel il était écrit en gras " La République Fédérale du Cameroun ", j’étais dans une joie indescriptible. Voila ce que, jusqu`à ce jour, le 1er octobre 1961 représente pour moi.
Aujourd’hui, l’importante place qu’occupe le 1er octobre 1961 dans l’histoire du Cameroun est ignorée par des milliers de filles et fils de notre pays. Ce n’est pas de leur faute, mais bel et bien celle des historiens et de certains politiciens qui, pour des raisons que seuls eux connaissent, ont décidé d’escamoter un pan de l’histoire de notre pays. C’est une situation très grave, car, sans le 1er octobre 1961, on ne parlerait jamais du 20 mai 1972. Sous-estimer la valeur historique de la date du 1er octobre 1961, c’est causé un tord inestimable à nos frères et soeurs du Cameroun occidental, qui ont massivement voté pour leur rattachement au Cameroun oriental le 11 février 1961.
Nous sommes à la veille d’un autre 1er octobre (Ndlr, article écrit avant le 1er octobre dernier). Le Scnc va encore essayer d’agiter l’opinion publique et l’administration va les traquer partout ou ils se trouvent. Quelques membres sont même déjà incarcérés. Est-ce la solution au problème ? Notons, pour le déplorer, que lorsque les nationalistes se battaient pour le rattachement des deux Cameroun, il y avait toujours des adversaires qui faisaient leur campagne au vu et au su de tous, mais n’étaient pas arrêtés. Le fait que certains Camerounais remettent en cause la réunification ne peut pas justifier leur incarcération.
Le débat sur la réunification ne devrait pas être un tabou, mais ce qui est inacceptable, c’est le fait que les gens prennent les armes contre leur propre patrie.
Il me semble que le Scnc est entretenu par certains membres de l’administration pour conforter leur position. Ils n’hésitent pas à agiter cet épouvantail pour faire croire aux Camerounais que la menace pour l’unité de notre pays viendrait des anglophones. La réalité indéniable est qu’aucun danger pour l’unité de notre pays n’est jamais venu ni du Nord–Ouest, ni du Sud–Ouest, et ce, depuis notre réunification.
La réalité se trouve ailleurs, car on de la peine à comprendre que pour voyager de Mutengene à Kumba, on est obligé de mettre quatre (4) heures de temps à bord d’une voiture 4 x 4, sur une distance d’environ 80 kilomètres ; pour voyager de Kumba à Kurume, sur une distance de 35 kilomètres, on passe deux (2) heures de temps, comme je l’ai expérimenté récemment à bord d’une voiture 4 x 4 neuve. On ne comprend pas non plus que le département du Ndian soit inaccessible durant quatre (4) mois au cours d’une année. Il est difficile d’emprunter la " Ring Road " à tout moment de l’année. Dans un gouvernement de 62 membres, seuls six (6) sont originaires des provinces anglophones, etc.
C’est à ce moment que l’on comprend que le combat du Scnc n’est pas fondé sur une quelconque sécession, mais est plutôt basé sur une lutte acharnée pour la survie quotidienne des populations. La négligence et l’abandon du développement des provinces anglophones par l’administration confortent cette position. Personne ne nous contredira, car l’unique route du Sud–Ouest, Douala – Limbe, a été construite pour évacuer le pétrole. Enlevez-la et le Sud–Ouest n’aura plus rien. Kumba – Loum, qui avait été goudronnée par les colons, est complètement abandonnée. Kumba – Mamfe est entrecoupée par des ponts inachevés. Dans le Nord – Ouest, la situation n’est pas meilleure. Des localités entières sont coupées des grands centres urbains en saison pluvieuse.
Deuxièmement, vient le problème de l’Emploi. Il n’existe aucune société industrielle dans les provinces anglophones. Même la Sonara, qui est localisée dans le Sud–Ouest, compte, dans son effectif, plus de 90% de francophones. La Cdc, qui, à l’époque, était leur seul employeur avec un effectif de plus de 17.000 personnes, est aujourd’hui bradée, morceau par morceau. On compte à ce jour plus de 10.000 personnes mises en chômage. Des tentatives de confiscation des terres des Bakweri sont signalées de nos jours. L’avenir de ces deux provinces est sombre et l’administration a démissionné de ses tâches républicaines.
Si le gouvernement tenait à l’unité nationale et voulait vraiment lutter contre la Scnc, il devrait faire dans le Sud–Ouest ce qui est fait dans le Centre, le Sud et l’Est depuis plusieurs années. Personne ne nous fera croire qu’il est normal que l’Etat reverse une partie des redevances forestières dans les communes du Sud, du Centre et de l’Est pour assurer le développement de leur région et qu’il est impossible de faire la même chose pour leurs sœurs et frères des provinces anglophones, d’où il tire le maximum de sa richesse en pétrole depuis des dizaines d’années. Pourquoi ne pas utiliser leur part de redevance pétrolière pour subventionner la Cdc et doubler, voire tripler sa capacité d’emploi afin qu’elle résolve le problème crucial de chômage qui gangrène cette région? Cela ne sera que justice et dénotera une véritable volonté de lutter contre la pauvreté. Voila, à notre sens, la vraie volonté pour l’unité nationale et la réponse à donner au Scnc. Trouver des solutions à ces maux et le Scnc mourra de sa propre mort.
Si, aujourd’hui, je me trouvais encore devant le colonel Cook et devais choisir une fois de plus le pays d’attache à mon passeport, je choisirais, sans hésiter, toujours mon cher et beau pays le Cameroun. Mon patriotisme n’a pas diminué, au contraire, il a augmenté et est renforcé par des nombreux problèmes auxquels est confronté mon pays tant à l’intérieur, qu’à l’extérieur.
Je vais fêter le 1er octobre 2006, même avec un verre de vin de palme et un plat de haricot dans ma salle à manger. C’est un jour glorieux pour le patriotisme Camerounais. C’est le jour que nos compatriotes du Cameroun occidental ont tendu leurs mains à travers le Mungo pour embrasser leurs frères et sœurs de l’autre rive pour créer une seule et même nation.
Le 1er octobre restera un jour mémorable pour tout Camerounais de bonne fois. J’en appelle à la prise de conscience du gouvernement. Tendons la main à notre tour à nos frères de l’autre rive du Mungo, réglons en famille nos difficultés. Le Cameroun sera uni ou ne sera pas. |
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Gouvernance : pousser l’Upc au maquis | |
Le gouvernement du Cameroun confirme sa nouvelle ambition de gouvernance : il ne lui a pas suffi de faire son marché dans le réfrigérateur de l’Upc. Les divisions provoquées n’ayant pas réussi à éradiquer l’Upc de la mémoire nationale, le gouvernement recourt à une méthode qui date de 1955 : pousser l’Upc au maquis ! L’histoire va donc sans doute se répéter. Or quand l’histoire se répète, disait Marx, c’est toujours comme une farce.
Il ne s’agit pas de hurler au complot comme ceux-là dont les casseroles managériales déclenchent un tintamarre de plus en plus assourdissant. Nous voudrions simplement faire l’opinion témoin des manœuvres que le gouvernement inspire, entreprend ou entretient opiniâtrement pour que l’Union des populations du Cameroun soit non seulement émasculée mais, une fois encore, exclue de la scène politique nationale. Et l’Upc le sera puisque bientôt, ses couleurs seront arborées par des “ ralliés ”, figurants choisis et entretenus par un pouvoir dont la raison d’être, depuis les années 50, est l’éradication de l’Upc !
Quelques faits pertinents le démontrent.
Fait n° 1- : Le gouvernement se dérobe derrière l’Oapi
Par lettre n° 000682/L/Minatd/Dap/Ces du 9 mars 2004, le ministre d’Etat chargé de l’Administration territoriale et de la décentralisation, qui signe Marafa Hamidou Yaya, a ordonné aux autorités administratives du Cameroun “ de n’autoriser à l’avenir que les seules demandes de réunions et manifestations publiques initiées par monsieur Augustin Frédéric Kodock pour le compte de l’Upc ”.
Il aurait été saisi “ par le ministre d’Etat chargé de l’Agriculture et secrétaire général de l’Upc au sujet des déclarations de monsieur Hogbe Nlénd, relatives à l’organisation à Yaoundé le 10 avril 2004 dans le cadre de la célébration du 56è anniversaire de l’Upc, d’un forum dénommé “ Forum pur le développement du Cameroun au XXIe siècle, dans la réconciliation nationale, la paix et la sécurité ”. A ses yeux, “ le conflit de leadership qui existait au sein de ce parti politique (…) vient d’être réglé par l’arrêté 03/1491/0api/Dg/Dpg/Ssd/Hyk du 10 novembre 2003 du directeur général de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (Aopi), portant protection des sigles et insignes de l’Upc et reconnaissant monsieur Augustin Frédéric Kodock et maître Nouga comme seuls mandataires de cette formation politique ”.
Cette correspondance d’Etat est riche de quelques surprises.
Nous apprenons en effet, du ministre d’Etat chargé de l’Administration territoriale en personne, que contrairement à la loi N° 90/055 du 19 décembre 1990 portant régime des réunions et des manifestations publiques, il ne suffit plus que lesdites réunions et manifestations publiques soient “ déclarées ” : il faut désormais qu’elles soient “ autorisées ” quand il s’agit de l’Upc… Mais cette formation politique ne sera sans doute pas la seule concernée, puisque le gouvernement révèle enfin l’esprit de sa loi sur les réunions et manifestations publiques. Ceux qui croyaient que la gouvernance à la camerounaise avait progressé du régime répressif d’autorisation au régime libéral de déclaration se feront librement une opinion sur l’excellence de ce progrès en matière de libertés publiques.
Nous apprenons ensuite qu’au Cameroun, le gouvernement est prompt à transformer des “ Associations ” par nature collectives, en “ propriétés ”, quand ça l’arrange. Les corsaires politiques qui n’auraient eu aucune ressource intellectuelle ni morale pour créer l’Upc s’accrochent à leur concubinage avec le gouvernement pour en obtenir que l’Upc, créée en 1948 comme mouvement politique et reconnue comme tel par les lois actuelles, soit réduite à une propriété intellectuelle individuelle !
Passe encore qu’un individu protège les sigles et insignes d’une association au nom des membres qui s’y reconnaissent et s’en réclament : mais qu’une association soit ainsi réduite à la propriété exclusive d’un individu à la représentativité somme toute douteuse confirme, sans conteste, que la patrimonialisation est le ressort de la gouvernance à la camerounaise : le gouvernement s’étant voulu propriétaire de l’Etat et du Cameroun ne peut qu’encourager la patrimonialisation des formations politiques – ainsi réduites aux individus, au détriment des projets de société.
Pourtant, au moment où le Minatd instruisait la Préfectorale nationale, il était en possession de documents judiciaires dont une simple exploitation lui aurait évité d’indigner l’opinion nationale et d’embarrasser l’opinion internationale !
Fait n° 2 Le gouvernement bafoue l’autorité de la chose jugée
Le 6 mai 2002, M. Augustin Frédéric Kodock a porté plainte à M. Henri Hogbe Nlend pour " s`entendre ordonner la suspension de toutes les résolutions du congrès de l`Upc tenu au Palais des congrès de Yaoundé les 13 et 14 avril 2002", et "annuler purement et simplement les résolutions et décisions prises".
Pour justifier son acte, l`intéressé s`est prévalu de la qualité de seul et unique secrétaire général de l’Upc. Le tribunal, par ordonnance n° 713/C du 10 mai 2002, retenant :
“ - que outre l`intérêt et la capacité, la condition pour être admis à ester en justice est la qualité
- que Augustin Frédéric Kodock ne justifie pas de la sienne,
a statué publiquement, contradictoirement à l`égard de toutes les parties, en matière de référé et en premier ressort a déclaré l`action d`Augustin Frédéric Kodock "irrecevable", l`a renvoyé à mieux se pourvoir, a mis les dépens à sa charge ”.
Le 22 avril 2003, par lettres n° 070 / Sg/Upc, et 071/Sg/Upc, le nouveau secrétaire général de l’Upc, Henri Hogbe Nlend, a saisi les autorités de la république des deux décisions de justice relatives au “ conflit de légitimité ” à la direction de l’Upc :
• L’ordonnance de référé n° 713/C qui précède, et que M. le président du tribunal de première instance de Yaoundé a rendue le 10 mai 2002. Il n’est pas inutile de rappeler que c’est pour défaut de qualité que l’ancien secrétaire général, M. Kodock, a perdu le procès qu’il a intenté à la nouvelle direction de l’Upc.
• L’expédition de l’ordonnance de référé administratif n° 30/OR/Pca/Cs/200162002 rendue le 15 mai 2002 par la Chambre administrative de la Cour suprême. Cette ordonnance déclare “ recevable ” l’intervention du nouveau secrétaire général de l’Upc pour faire matérialiser par la Cour suprême l’expiration depuis plus de dix ans du mandat statutaire et légal de la direction de l’Upc issue du congrès de Nkongsamba en 1991 et dont se réclamait encore l’ancien secrétaire général.
De nombreux cas de déni de justice ont été déplorés et dénoncés au Cameroun. Le mépris des décisions de la Justice ayant rangé le Cameroun dans les Etats de non droit, la communauté internationale a fait de l’assainissement du pouvoir judiciaire l’un des critères de bonne gouvernance et même d’atteinte du point d’achèvement. Il n’y a donc aucune joie à constater qu’en 2004, le gouvernement du Cameroun peut asséner au monde la preuve que la malgouvernance décriée n’était pas une calomnie, mais une tare promue en culture managériale.
L’on observe en effet que c’est au lendemain des décisions de la Justice susmentionnées qu’un individu s’est précipité à l’Oapi pour en obtenir un enregistrement sous le n°48424 du 10 novembre 2003. Cette rage d’appropriation a même fait oublier que dix ans plus tôt, le 19 juin 1993 déjà, la même Oapi avait enregistré et protégé le même sigle “ Union des Populations du Cameroun ” sous le n° 32156, avec notification de cette protection aux personnes dûment mandatées à cet effet par l’Upc, conformément aux dispositions pertinentes de l’article 21 de son Règlement Intérieur. La grande différence entre les deux enregistrements c’est que la première protège un patrimoine réputé collectif, tandis que la seconde en fait une propriété individuelle ! L’un des deux certificats doit certainement être de trop, sans doute un faux.
Comment dès lors ne pas s’étonner qu’une organisation de la propriété dite intellectuelle délivre aussi intelligemment le même certificat sur la même “ propriété ” à différents requérants, sans s’interroger ? Manque de professionnalisme dans le classement des registres ou simple intelligence avec des imposteurs ? Suffira-t-il désormais de complicité gouvernementale pour qu’une association, entreprise ou organisation, se voit spoliée de son patrimoine par ceux dont l’objectif mal maquillé consiste à brader ledit patrimoine ? Le gouvernement peut-il, en toute responsabilité, abdiquer ses obligations régaliennes et céder la gestion administrative et sociale des partis politiques à l’Oapi en excipant “ du respect des conventions internationales auxquelles notre pays a adhéré ” ?
Ce sera bien la première convention internationale que le gouvernement aura trouvé urgent de respecter. Et nous dirions : “ Oui, sans doute, et pourquoi pas ? ”. Pourvu cependant qu’il soit établi que l’objet à enregistrer et à protéger par l’Oapi est effectivement l’invention, la création, la production intellectuelle de celui qui en revendique la propriété exclusive. En dehors de cela, il y a piraterie. En l’occurrence, même les adversaires les plus acharnés de l’Upc sont indignés d’apprendre qu’il se trouve, au Cameroun, des individus capables de s’imaginer qu’ils pourraient, sur la base de quelques complicités circonstancielles, s’arroger subrepticement la propriété d’un tel patrimoine politique national et historique…Le seul fait d’avoir entrepris une démarche aussi inqualifiable révèle cependant la petite nature des épiciers politiques qui monnayent l’Upc.
Dans ces conditions, il n’est ni excessif, ni désobligeant d’affirmer qu’au Cameroun la corruption politique est d’instigation gouvernementale : M. Marafa Hamidou Yaya est demeuré bruyamment silencieux quand son homme a perdu son procès contre l’Upc ; mais il a su retrouver l’usage de la parole quand il s’est agi de soutenir l’imposture commise auprès de l’Oapi. Et cette caution gouvernementale de l’imposture s’est officiellement déployée dans une véhémente interdiction prononcée à l’encontre de l’Upc.
Nous aurions voulu croire possible que le ministre d’Etat chargé de l’Administration territoriale ait été induit en erreur. Mais les chiens d’un même village savent comment court chacun d’eux. La question est trop sensible pour que la légèreté explique ce choix, il s’agit d’un choix délibéré dans lequel chacun reconnaît la méthode que l’Upc a tragiquement expérimentée dans les années 50 !
Comment comprendre une récidive de cette violence quand on a entendu Paul Biya déclarer à Bamenda (1985) qu’au Cameroun, il ne sera “ plus nécessaire d’entrer dans le maquis pour exprimer ses opinions ” ?
C’est précisément parce qu’un nouveau bannissement de l’Upc a été minutieusement programmé qu’on peut comprendre pourquoi certains abus d’autorité dûment signalés ont été, sans exception, couverts par le ministre d’Etat chargé de l’Administration territoriale. Ces différents abus seraient passés inaperçus si, par la correspondance incriminée, M. Marafa Hamidou Yaya n’avait tenu à parachever personnellement sa besogne.
Des abus d’autorité prémonitoires
Le 10 septembre 2003 le Sous-préfet de Mvengue s’est permis d’humilier publiquement M. Messi Messi François à Mengande : M. Messi a eu le tort d’être militant de l’Upc en plein Sud ! Le “ chef de terre ” a donc publiquement fait brûler son T-Shirt frappé aux insignes de l’Union des populations du Cameroun et l’a forcé à rester à genoux devant femme et enfants, dans la cour du village ! La lettre conjointe n° 154/ An/Cab/Cgm du 13 janvier 2004 adressée à cet effet par deux députés Upc au ministre d’Etat chargé de l’Administration territoriale est demeurée sans suite.
Préoccupés par des indices troublants, notamment des lettres d’intimidation qu’un ministre d’Etat venait d’adresser aux autorités administratives de Nyong et Kellé, deux députés Upc ont saisi le Minatd de la lettre n° 250/ An/Cab/Cgm du 17 juin 2005 à effet de le sensibiliser aux entraves administratives que certains élus Upc rencontreraient dans leur circonscription électorale quant au libre fonctionnement de l’Union des populations du Cameroun. Sans suite.
Le 12 août 2005, le sous-préfet de Bôt Makak a, de ses propres mains, violemment détruit une banderole frappée aux insignes et aux couleurs de l’Upc. Il espérait ainsi provoquer la colère des populations et saboter une cérémonie de remise de dons par un député. Une lettre conjointe n° 257/An/Cab/Cgm du 13 août 2005 adressée par ce député au Minatd est demeurée, elle aussi, sans suite.
Par lettre confidentielle n° 273/An/Cab/Cgm du 6 mars 2006, deux députés Upc ont saisi le bureau de l’Assemblée nationale pour être rétablis dans leur droit de proposer des candidats aux fonctions administratives qui sont concédées à leur parti. Quoique majoritaires, ses deux députés sur les trois qui arborent les couleurs de l’Upc ont été mis en minorité, au seul bénéfice de celui qui est en concubinage dans la majorité présidentielle…Cette injustice est d’autant plus frappante que les subventions d’Etat aux partis politiques sont, à égalité, réparties entre les deux factions représentées au Parlement, sur la base d’un accord formel signé entre les deux “ secrétaires généraux ” en conflit à l’Upc. Mais cette distorsion du principe d’équité confirme simplement que c’est de fort curieuse manière que notre gouvernance respecte le principe de la majorité quand il s’agit de l’Upc !
Le même arbitraire prévaut dans la gestion de l’espace médiatique consenti par l’Etat du Cameroun aux partis politiques représentés à l’Assemblée : le gouvernement a, aveuglément mais de manière très intéressée, rangé l’Upc dans la majorité présidentielle. Seulement, deux députés sur les trois ne se reconnaissent pas dans cette concussion. Plutôt que de souscrire à une promiscuité politique propre à brouiller la visibilité de leur formation politique, ils se sont réservés d’intervenir sur ce plateau de la Crtv. C’est pourquoi l’espace médiatique qui devait revenir à l’Upc est, depuis bientôt cinq ans, infesté par des hérauts de la mendicité dont la logorrhée masque mal l’indigence intellectuelle et politique.
Pour avoir déjà dépouillé les décisions de justice de l’autorité de la chose jugée, le gouvernement pouvait désormais se permettre de porter ce qu’il croit être l’estocade à l’Upc, en lui interdisant des activités publiques dont il réserve l’exclusivité à ceux qui chantent les cantiques du pouvoir, et qui se prévalent de cette collusion pour négocier leur impunité. C’est de cette manière qu’insidieusement, le bannissement de l’Upc est redevenu une réalité à l’ordre du jour : le pouvoir en déficit de compétitivité entend dorénavant choisir ses Opposants, au besoin s’en fabriquer sur mesure.
Le pouvoir ne tolère qu’une opposition … choisie
Ailleurs, c’est l’immigration ; chez nous, c’est l’opposition qui doit être choisie, sur mesure. Vingt-cinq ans de parlotes n’ont donc pas réussi à donner le change : le régime en place se confirme inapte à la contradiction, fût-elle interne ou internationale. Le déroulement d’un récent congrès établit que le pouvoir n’a pas la possibilité de fonctionner autrement, l’unanimisme ayant supplanté toute velléité de compétition politique. On y est élu sans être candidat, sans concurrent et hors campagne. Le pouvoir désignatif persiste à supplanter le pouvoir électif.
Tout pouvoir qui ne supporte que soi en face de soi évite ainsi toute mise en compétition : il évince l’émulation par l’esprit de monopole. De ne pouvoir supporter que sa propre image finit par l’enfermer dans un narcissisme stérile où le record à battre ne s’évalue plus par rapport aux autres, mais par rapport à soi seul. Chacun de nous dispose du palmarès national et des multiples records que le pouvoir a battus dans de telles conditions. Le gouvernement ne travaillant plus qu’à choisir son opposition, dégage toujours des moyens substantiels pour tous ceux qui contribuent à étouffer la moindre velléité d’alternance politique. Ceux qui rêvaient de démocratiser le Cameroun savent désormais que la grande ambition de certains consiste plutôt à camerouniser la démocratie.
Mais personne ne devrait plus s’y tromper : les coups reçus par l’Upc depuis bientôt soixante ans n’ont pas réussi à la détruire. Pour ne l’avoir pas anéantie, ils l’ont au moins solidifiée dans les cœurs et l’inconscient collectif des populations du Cameroun. La braise rougeoie sous les cendres de la répression coloniale, néocoloniale, administrative ou militaire. Bien des martyrs nous font des clins d’œil au plus sombre de leur fosse commune. C’est qu’à l’Upc, nous savons mourir pour l’idéal qui nous aide à survivre. Il est par ailleurs notoire que l’Upc n’est pas un parti d’Opposition, mais le parti auquel les autres, tous les autres partis, s’opposent. Ceux qui poussent l’Upc au maquis pourraient donc bien réfléchir quand ils font des discours sur le dialogue citoyen et la paix sociale. Ils pourraient au préalable savoir s’ils sont déjà capables d’assumer, pour une fois, les conséquences perverses de leur perverse inconséquence ? Car aujourd’hui, pas plus qu’en 1955, ni les armes, ni les geôles ne représenteront ni le droit ni la justice, toutes valeurs républicaines que l’édit du Minatd, véritable oukase, a bafouées sans ménagement.
Dans une provocation d’Etat de cette gravité, il devient aventureux de se prévaloir de l’ordre public : tout pouvoir qui travaille contre l’ordre social se rend suspect de troubler l’ordre public. Or la politique aussi a une morale ; pour s’en être convaincu, Albert Camus (1944) estimait que le principe directeur de cette morale c’est la justice, celle-là même dont l’Upc en particulier, et les Camerounais en général, sont spoliés sous l’argutie de l’ordre public : pour Camus, “ on ne peut invoquer la nécessité de l’ordre pour imposer des volontés. Car on prend ainsi le problème à l’envers. Il ne faut pas seulement exiger l’ordre pour bien gouverner, il faut bien gouverner pour réaliser le seul ordre qui ait du sens. Ce n’est pas l’ordre qui renforce la justice, c’est la justice qui donne sa certitude à l’ordre ”.
Rendu à cette exigence, il y a avantage à faire la différence entre nous et les autres qui, dès qu’ils se retrouvent hors du gouvernement, menacent la république d’arracher les rails qui passent par leur village. Nous avions, nous, la faiblesse de croire que le droit balbutiant pouvait être consolidé, et que l’Etat de droit le serait en fait, pas seulement en droit. Le droit a pourtant été dit par nos tribunaux. Mais ce droit n’a manifestement pas été favorable aux intérêts politiciens du gouvernement ; alors le gouvernement l’a contredit. Quel choix une telle pratique laisse-t-elle à ceux qui rêvaient encore de justice mais qui se trouvent plutôt violemment spoliés de leurs simples droits de militants ?
Pourtant nul, ni rien, ne nous fera désespérer. Pas même ceux qui, aujourd’hui, prennent le risque d’organiser des syndicats de ministres d’Etat : s’il se trouve encore au Cameroun un seul dirigeant à penser que le drapeau national signifie autre chose qu’un carnet de bons d’essence, alors nous invitons instamment le gouvernement à faire œuvre utile. Nous n’attendons pas que les fils du sérail cassent le moule qui les a si curieusement déformés : un papayer ne peut produire des mandarines. Mais la scène politique nationale a urgemment besoin d’être aseptisée, désinfectée. Economisons les morts de l’intolérance politique dont le nombre risque d’augmenter pour cause de malgouvernance.
Cette gageure peut être tenue par un effort d’œcuménisme politique.
Œcuménisme et non concubinage politique
Faire œuvre utile reviendrait pour le gouvernement à mettre en berne les fanions de l’imposture en cours, pour conduire à des congrès de réconciliation tous ceux qui se croient nés pour diriger les autres. Les partis politiques vont et viennent. Le propre des partis, comme leur nom l’indique, c’est d’être partis. Ces partis partiront, les Camerounais resteront. Le gouvernement a-t-il les moyens de se rendre compte qu’il devient inutile, et même une charge dès lors que pour des raisons politiciennes il ne garantit plus ni la pérennité de l’Etat ni la sécurité quotidienne des citoyens ? Que dire alors d’un gouvernement qui, pour son petit confort, incite des citoyens à se déchirer ? Est-ce par cette incitation à l’intolérance partisane que se définira désormais l’ambition du pouvoir en place ?
Cette question vaut mieux qu’une réponse qu’on n’attend plus depuis des décennies. Il faut cependant se donner une chance supplémentaire, malgré la pléthore des occasions manquées. Cette chance, c’est l’œcuménisme politique : qu’on ne demande plus à un musulman d’aller au Vatican y prendre l’eucharistie. Qu’on ne demande plus à un chrétien d’aller à la Mecque y psalmodier des sourates. Qu’on ne demande plus au catholique de sacrifier au rituel de la Sainte Cène des protestants, et inversement. Mais une fois que la patrie est menacée d’implosion comme c’est sans doute déjà le cas, que chacun, à partir de sa chapelle, fasse monter vers le Ciel sa prière la plus fervente, son sacrifice le plus pensé, pour que le drapeau soit protégé et sauvé de ce que nous voudrions nommer la gouvernite, cette propension tropicale à gouverner hors gouvernance.
On pourrait alors mesurer le ridicule, en fait l’abjection pour un Upéciste de s’affubler d’écharpes et de casquettes contre nature, sous le seul prétexte qu’à la fin de la course, le bon cheval qu’il aura été pendant une campagne électorale recevra un morceau de sucre. Il y a toujours un peu d’avoine pour celui qui sait faire l’âne ; mais nul ne devrait se vendre pour un plat de lentilles : résister à sa faim est un atout de dignité qui fait respecter ceux qui, hier, ont su avoir faim sans pour autant crier famine, encore moins vendre leur âme.
La manœuvre du ministre d’Etat chargé de l’Administration territoriale fait craindre la préparation de nouveaux états d’urgence. On veut même nous laisser croire que cette besogne a été instruite par le sommet de l’Etat d’où descendent toujours de “ hautes instructions ”. Rien ne nous permet de douter de la réalité de telles instructions, encore moins de leur hauteur. Mais en marge des états d’urgence en préparation, l’urgence de l’Etat - qui devrait être patriotique et non plus répressive, commande au moins deux options majeures :
a)- que le Minatd exhorte plutôt les divers anges politiques en conflit de leadership ou de légitimité à se retrouver dans un Congrès de Réconciliation pour désigner, ensemble, l’Archange qui doit les conduire au paradis qu’ils se le représentent.
M. Koungou Edima Ferdinand - dont la riche expérience nourrissait le double souci de pondération et de paix sociale, avait su obtenir de l’Upc une liste consensuelle. L’étape suivante était un congrès consensuel d’où devait enfin sortir une direction unique et non contestée de cette formation politique. Cette étape a été sabotée par ceux qui ont eu peur de ne plus rien avoir à monnayer et qui, dévaluant l’Upc, tentent aujourd’hui de la réduire à une propriété individuelle, d’en faire leur propriété ! Mais qui donc a toujours eu peur des élections ouvertes et libres au sein de l’Upc ? Un congrès électif collégial demeure le passage recommandé pour économiser des déchirements, préserver des vies et la dignité du militantisme citoyen. Il faut, pour cela, que chacun renonce à s’attribuer des qualités et une popularité qu’il n’a pas. Que chacun se présente à des électeurs, au lieu de s’arroger des titres de direction dans l’objectif mal dissimulé d’entraver l’épanouissement et le déploiement de l’Upc. La dictature germe et prospère chaque fois que l’intérêt personnel d’un Général cherche à s’imposer comme intérêt général.
b)- que le gouvernement du Cameroun arrête de faire son marché dans le réfrigérateur de l’Opposition. Dans le cas de l’Upc, il vient de se faire prendre en flagrant délit d’imposture en faveur d’une faction manifestement plus intéressée par des positions de prébendes que par une vocation de service. Si ce n’est pas de la corruption politique, cette manœuvre lui ressemble étrangement.
Qui donc expliquera, et avec quels mots, qu’en matière de gouvernance, il s’agit de défendre et de protéger les intérêts du Cameroun, non de se défendre et de protéger ses intérêts contre les Camerounais ?
Eliminer l’Upc conséquente de la vie nationale en la poussant au maquis ? N’en tolérer, pour des raisons décoratives que la frange gastronomique ? Ce programme est bientôt sexagénaire. Mais plus de cinquante ans après, l’Upc conséquente reste un caillou dans la chaussure des antipatriotes. Il est incontestable que l’Upc survivra à ceux qui arborent ses couleurs pour mieux la gangrener de l’intérieur.
Car j’entends déjà les Upécistes ironiser en manière de riposte: “ Qui leur a menti que nous étions finis ? ” . Je les entends qui, minuit passé, chantonnent à l’intention du Grand Absent, encore plus présent et plus demandé aujourd’hui que la plupart de nos zombies politiques dont les silhouettes d’épouvantails brouillent de leur inconsistance existentielle la visibilité de l’horizon national :
“ Tu mourus immortel !Ton martyre t’épure
Tes fils ont le front haut quand ils parlent de toi. ”
Par Par Charly Gabriel Mbock Député Upc
Le 30-08-2006
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PRINCESSE NDONGO NGALLE RITE : Symbole de la répression aveugle d’Ahidjo. | |
L’émission Tribune de l’histoire de la chaîne CANAL 2, édition rediffusée le 19 août 2006 a été consacrée au parcours pathétique de la Princesse NDONGO NGALLE Rité, victime de la répression, des abus et des excès endurés, pendant le règne de Ahidjo par les upécistes (militants de l’UPC) et leurs sympathisants, ou sur tous ceux qui étaient soupçonnées de l’être. Oui, au simple soupçon, vous étiez arrêté et conduit sans ménagement dans les fameuses Brigades Mixtes Mobiles (BMM) et les célèbres prisons de Yoko, de Tcholliré et de Mantoum, où les pires supplices vous étaient infligés.
Cette ancienne fiancée de MOUKOKO Priso, upéciste connu, est née en 1945, puisqu’elle a dit avoir obtenu le CEPE en 1956 à l’âge de 11 ans son père la trouvant trop jeune lui a fait reprendre le CM2 avec ce premier diplôme. Elle ira au Lycée Leclerc en 1957, où elle poursuivra des études secondaires sanctionnées par un BAC série philosophie en 1964 cette même année, elle obtiendra une bourse qui lui permettra de s’inscrire à l’Ecole des traducteurs et d’interprètes de Paris. Elle en est ressortie trilingue Anglais Français Allemand. Elle retourne au Cameroun une première fois en 1968 où elle commence un stage à la Présidence de la République elle repartira pour revenir définitivement en 1972 elle est recrutée à l’Agence Camerounaise de Presse (ACAP) en 1972, où elle travaille jusqu’en 1974, année où elle va à la Société Camerounaise de Banque (SCB) à la demande de son oncle Edouard Koula elle ne va y travailler que deux ans à peu près avant son arrestation en juin ou juillet 1976. Elle est transférée à la BMM d’abord, puis à YOKO.
L’hémiplégie dont les traces physiques restent visibles sur son visage, résulte d’un coup qu’elle a reçu sur la tête d’un « eunuque du Nord » à la BMM, et qui aurait été mortel si elle ne s’était pas protégée de la main, selon ses propos. Son attitude, certains gestes, son habillement, et le fait qu’elle ait accordé son interview assise pratiquement à même le sol avec le journaliste Ananie Rabier Bindzi, à la véranda d’une maison inhabitable parce que inachevée et sans toiture, laisse croire que ce fameux coup reçu à la BMM aurait aussi atteint son intégrité mentale. Tombée malade pendant sa détention à YOKO, elle sera ramenée à l’Hôpital Central de Yaoundé, où elle sera internée jusqu’à la levée de son « internement administratif », le 7 avril 1978, grâce à Germaine Ahidjo qui lui exprimait ainsi sa reconnaissance de s’être un temps occupé de Danielle TOUFIK, l’enfant issu de son premier mariage avec un ingénieur agronome nommé TOUFIK.
Pourquoi les sbires de la police secrète dirigée par le sinistre Jean Fochivé l’ont-elle arrêté ? Le régime d’Ahidjo avait à son encontre plusieurs griefs
• Il y a d’abord sa proximité idéologique avec l‘UPC d’une part, qui s’est traduite par son appartenance, pendant ses études supérieures en France à l’UNEK, où militaient tous les étudiants camerounais upécistes, et son engagement syndical d’autre part tout en se réclamant socialiste et guévariste, elle dit n’avoir jamais été upéciste, parce qu’elle trouvait les communistes trop tristes
• le fait qu’elle était fiancée de MOUKOKO Priso
• enfin et surtout, l’affaire des tracts que les upécistes avaient pris un malin plaisir, au grand dam du régime de répandre au Cameroun à partir de 1975.
Dans le cadre de cette affaire de tracts qui disaient en substance que l’économie camerounaise était à terre, et que Ahidjo devait changer de manière de gouverner ou démissionner, Henri Moukouri le rédacteur, Mouen Gaspard chez qui ces documents compromettants étaient confectionnés, et Ebelle Tobbo ont été arrêtés. Voyant la mort venir, ils auraient décidé d’entraîner avec eux tous leurs anciens camarades de l’UNEK c’est ainsi qu’ils ont cité entre autres la Princesse NDONGO Ngalle et l’arbitre bien et ancien centralien Emmanuel Bityeky. Ebelle Tobbo et Mouen Gaspard qui ont refusé de témoigner à l’écran, ne seront libérés qu’en 1982, avec la démission de Ahidjo.
Elle n’était impliquée ni dans la réalisation, ni dans la distribution des tracts, comme le confirmera d’ailleurs Moukoko Priso à qui elle reproche d’avoir confié, à la suite du refus du philosophe SINDJOUN POKAM des les assumer, des responsabilités à des personnes peu aguerries : « ne devient pas rebelle qui veut », lance-t-elle.
Alors pourquoi a – t – elle été prise à partie ? Victime de l’intolérance, de l’arbitraire et de la frénésie répressive subséquents du régime d’Ahidjo, elle n’a jamais été jugée. N’allez donc pas chercher une décision de justice pouvant justifier son arrestation, sa détention et les mauvais traitements qu’on lui a fait subir.
Voilà un cadre qui après sa formation n’a pas pu servir la République (elle n’a travaillé que pendant quatre ans), et qui a été persécutée, pour ses idées son seul crime est d’avoir pensé « autrement » Ahidjo a assis son règne sur la terreur c’est ainsi que ses proches et ses camarades qui avaient intégré l’administration camerounaise n’osaient pas lui rendre visite, ou alors le faisaient en cachette. Certains auraient même demandé qu’elle soit assassinée. Parmi ceux – ci elle cite Samuel Eboua, ancien élève de son père et Secrétaire Général de la Présidence de qui dépendait le Centre National de la Documentation, Mbombo Njoya actuel Sultan des Bamoun, qui n’ont pas levé le petit doigt pour la faire libérer. Elle cite également Rabiatou Njoya, traductrice à la Présidence, Elisabeth Tankeu ancien ministre et actuellement membre de la Commission de l’Union Africaine.
Ce qui est étonnant, c’est que malgré cette carrière ratée, sa maladie, son dénuement matériel, et le décès de sa fille, elle demeure optimiste agée de 61 ans, elle voudrait fermer la page du passé et se tourner résolument vers l’avenir elle a pardonné à tous ceux qui l’ont persécutée et qui lui ont fait du mal. Elle appelle sa maison inachevée « château de l’espérance ».
Ce qui est admirable c’est que sa foi en Dieu est demeuré intacte. Elle ne se demande pas pourquoi l’Eternel a permis que tous ces malheurs l’accablent. Elle continue de le prier, de le louer et de lui rendre grâce comme elle l’a prouvé en agrémentant l’interview de chansons à sa gloire. Voilà un exemple à méditer. Prions- nous le Seigneur dans l’espoir qu’il nous comblera de bienfaits ?
Elle a précisé qu’elle ne voulait pas que le journaliste sorte triste de leur entretien. Elle dit qu’elle a le plus souffert de cette affaire de tract, mais elle ne considère pas qu’elle a payé.
Princesse Ndongo Ngallé est le symbole de la sous utilisation, de nos ressources humaines du rejet de nos cadres coupables d’être de mal pensants, du refus du développement par un régime en mal de légitimité, imposé par les manœuvres françaises au lendemain de l’indépendance, qui avait peur de son ombre. Peut-on dénombrer ceux qui ont été froidement abattus comme Ossendé Afana ? Et les disparus ? Et ceux qui ont préféré rester à l’étranger, nous privant du même coup de leurs compétences, combien sont-ils ? La formation de ces cadres a coûté cher au contribuable et ils n’ont pas pu servir , malgré leur bonne volonté. Le système mandataire qui gère ce pays depuis les années soixante est le principal responsable de la fuite des cerveaux dont notre pays est victime. Où serait notre pays aujourd’hui si toute cette intelligentsia avait été tolérée et intégrée dans notre administration ? Ahidjo aurait peut être perdu ce pouvoir qui lui tenait tant à cœur mais le Cameroun aurait sans doute été mieux géré.
L’état d’esprit qui animait le régime d’Ahidjo reste à l’ordre du jour et continue de faire des ravages aujourd’hui. Le pouvoir actuel a été contraint par la rue et le vents de l’Est dans les années 90 à procéder à une libéralisation forcée de la vie politique. La terreur continue de marquer les esprits des populations traumatisées par les tortures dans les BMM et les disparitions des esprits libres. Voilà qui peut être explication certainement partielle de l’indolence, l’apathie et la résignation des différentes couches, qui rend extrêmement difficile la mobilisation des camerounais en ce moment où les populations sont confrontées, en l’absence de politique économique, aux exigences des instituions de Bretton Woods dans le cadre de la politique d’ajustement structurel rebaptisé initiative PPTE, qui se traduisent par les privatisations, une fiscalité inadaptée, qui tue les entreprises individuelles au lieu de les encourager, les incessantes hausses des prix du carburant. A tout de la s’ajoute le tribalisme la corruption et les détournements de deniers publics. Qui nous protègera de nos protecteurs ?
200806
TCHASSE JEAN – CLAUDE.
PLESG, syndicaliste. |
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