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06.10.2006
Hommage à un poète bantou:
Eboa Lotin chroniqueur du quotidien
C’est vendredi prochain, 7 octobre à 19 h30 au cinéma Le Wouri qu’aura lieu le premier des deux concerts donnés en la mémoire de l’artiste disparu le 6 octobre 1997. Nous revisitons quelques-unes des thématiques de son répertoire.
Observateur averti et chroniqueur de la vie quotidienne, Emmanuel Eboa Lotin’a Samè, à qui la communauté médiatique camerounaise rend un vibrant hommage depuis le sept septembre dernier et jusqu’au 14 octobre 2005 à l’occasion du huitième anniversaire de sa mort, sera resté de son vivant un poète et un artiste incompris. Les thématiques de ses chansons, puisant à la fois dans les comportements des Camerounais au jour le jour et dans les préceptes bibliques hérités d’un père maître chant ayant composé plus de 400 cantiques, n’ont pas toujours aidé à mieux comprendre l’auteur compositeur de Da Longo, Ya Won ou autres Thomas Nkono et Munyenguè Mwa Ngando. Et pour cause... Il brocardait à la fois la jeunesse dans Besombè, les femmes dans Ngon’a Mulato et Martine ou encore les médias à travers Elimb’a Dikalo. Ces titres, dans ce qu’ils ont de profond par les thématiques abordées, n’en traduisent pas moins les états d’âme de Eboa Lotin: “ Il règlait en quelque sorte ses comptes par les sujets développés dans sa discographie en même temps qu’il interpellait l’ensemble de la société camerounaise sur le peu de moralité dont elle faisait preuve dans sa manière de vivre ”, raconte un proche qui a tenu à garder l’anonymat.
Artisan, artiste et griot
Artiste, le poète bantou l’était au sens plein du terme. C’était un créateur dans le domaine de la musique et de la sculpture. Son véhicule, une petite cylindrée dont il était si fier, portait sur chacune des deux portières et sur le capot, une oeuvre d’art pensée et sculptée par cet orfèvre des mots et du bois. On peut donc tout aussi le classer parmi les artisans de notre pays. Il n’y a qu’à voir avec quelle dextérité il fabriquait des meubles dont certains ont habillé les plus beaux palais présidentiels en Afrique et dans le monde. Une table basse de salon en forme d’une carte d’Afrique, un guéridon rappelant un caïman ou encore un tableau qui ressort comme pour l’édifier définitivement une carte du Cameroun reliant le passé à l’avenir du pays. Eboa Lotin était un artiste visionnaire autant qu’il était stigmatisé par ceux et celles qui voulaient absolument l’enfermer dans des slogans et définitions réducteurs. Ainsi, Ester Diatta a-t-elle pu dire dans un article publié par le magazine Jeune Afrique dans la deuxième moitié des années 90, parlant du chanteur Eboa Lotin : “ Mysogine pas griot ”. Dans le sens où, même ayant joué pour des chefs d’Etat africains comme Omar Bongo du Gabon, Marien Ngouabi du Congo Brazzaville ou encore le couple Germaine et Ahmadou Ahidjo, l’artiste éperdument libre et moralisateur, n’a véritablement jamais roulé pour les idées d’un quelconque homme public. Mais, si l’on considère que dans notre continent le griot c’est celui qui fait partie de la caste des poètes, alors il ne fait pas l’ombre d’un doute que le fils du pasteur Lotin’a Samè était un témoin attentif de son temps, défenseur assidu de la langue duala, du lingala tout comme de la langue française, à partir du moment où elles étaient utilisées à bon escient et un des précurseurs au Cameroun de ce que l’on pourrait appeler la littérature orale. Il jouait avec les mots parlés comme d’autres les utilisaient dans la littérature écrite. Le symposium organisé le 12 octobre prochain au Centre culturel français de Yaoundé(la date du 11 octobre préalablement retenu a été changée, pour des raisons techniques) dans le cadre des manifestations de l’hommage à Eboa Lotin, devrait permettre de mieux connaître l’oeuvre du poète et peut-être de restituer au mélodiste, musicien et artiste, toute sa place dans la conscience collective. Mais quarante-huit plus tard, la capitale du Cameroun aura droit elle aussi à son spectacle, au cinéma Abbia. Il en va du devoir de mémoire.
Par Jean-Célestin EDJANGUE
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