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07.02.2008

Succession Soppo Priso : Un empire de 1000 milliardrs Fcfa dans la brousaille 

Photo: Soppo Priso © peuplesawa.com

Succession Soppo Priso : Un empire de 1000 milliardrs Fcfa dans la brousaille

12 ans après sa disparition, de nombreux litiges continuent d´opposer les membres de la famille du défunt milliardaire, qui, officiellement, a laissé sept enfants.
Une enquête de Eugène Dipanda

Ceux-ci n´arrivent pas à s´entendre sur le partage de l´héritage que des indiscrétions chiffre à environ 1000 milliards de France Cfa, dont 600 milliards représentant des actifs immobiliers disséminés entre Douala, Yaoundé, Buea, Paris, etc. ; et environ 400 milliards Fcfa de dépôts bancaires au Cameroun et à l´étranger.

La discorde s´est faite jour deux mois seulement après la mort de Paul Soppo Priso. Le 16 juillet 1996, le journal Cameroon Tribune se fait l´écho d´une annonce légale signée de Me Jean Pierre Eyoum, notaire basé à Douala. On en apprend que les associés de la société dénommée Union générale immobilière du Cameroun (Ugic), appartenant à 90% au défunt milliardaire, ont tenu une assemblée générale et "décidé de nommer aux fonctions de gérant M. Jean Paul Soppo Priso, de confier l´audit comptable à M. Benoît Ekoka demeurant à Douala (…) et de changer l´adresse sociale [de la société]". Huit jours plus tard, une annonce contradictoire paraît dans les colonnes du même journal. Signée, cette fois-ci, de Me Nthepe, avocat au barreau du Cameroun, il y est indiqué que "Le public, les clients et les locataires de la société Ugic sont informés que (…) aucune assemblée ou décision concernant Ugic ne peut être valable hors l´accord et la présence des ayants droit de feu Paul Soppo Priso.

En conséquence, l´annonce nommant un nouveau gérant et un auditeur comptable en la personne de M. Ekoka Benoît est non avenue. La gérance, les statuts et les relations avec Ugic restent inchangés et tout ce qui sera fait au mépris des présentes n´est pas opposable à l´Ugic". Le ton était ainsi donné…
A l´époque des faits, Mutations, qui venait à peine de voir le jour dans l´univers médiatique local, avait largement fait état de cette discorde dans ses pages. Ugic, rappelait alors le rédacteur de l´article, Simplice Moussinga, est une société immobilière au capital de 10 millions Fcfa créée en septembre 1967 par quatre associés : M. Paul Soppo Priso (actionnaire majoritaire avec 900 parts de 5.000 Fcfa chacune, sur un ensemble de 1.000 parts), M. Bruno Mfon Priso, M. Ebénézer Moukouri Mbappè et M. Jean Paul Mbella Soppo Priso. Cette société gère alors une part importante des "immeubles Soppo Priso" à travers le pays. L´actionnaire majoritaire en était le gérant, jusqu´à sa mort survenue le 25 mai 1996 à Neuilly-Sur-Seine (France).

Genèse

Après la disparition du célèbre homme d´affaires, il fallait pourtant poursuivre l´aventure. D´où l´assemblée générale tenue en juillet 1996 par l´entremise de M. Jean-Paul Soppo Priso et en accord avec le Tribunal de première instance de Douala. Laquelle assemblée générale est contestée illico par d´autres ayants droit. Les statuts de l´Ugic étaient pourtant sans équivoque : "Il est interdit aux héritiers de s´immiscer en aucune manière dans l´administration de la société, ceux-ci ne devant, pour l´exercice de leurs droits, que se rapporter exclusivement aux états de situation annuels et aux décisions de l´assemblée générale…".

Toutefois, il se raconte que, pendant la période de maladie qui a précédée la mort de Paul Soppo Priso, ce dernier aurait laissé une procuration à sa fille, Mme Pensy née Violette Soppo Priso, pour la gestion des sociétés immobilières Ugic et Ugid (Union générale immobilière de Douala, dont faisaient partie les immeubles les plus récemment construits par le père). Le coup de sang de Mme Pensy, selon toute vraisemblance, serait donc venu du fait que ces avantages lui avaient subitement été retirés après l´assemblée générale évoquée plus haut, au profit de son frère, Jean Paul.

La bataille juridique ainsi ouverte s´annonçait bien longue. Surtout que, révélait alors le journal Mutations, il ne s´agissait pour l´instant que du contrôle d´un iceberg, puisque "l´Ugic n´est qu´une affaire parmi tant d´autres laissées par l´illustre disparu". De longues années plus tard, et compte tenu de l´immensité de la richesse laissée par M. Paul Soppo Priso, le bout du tunnel semble, hélas, encore bien loin.

En furetant dans le jardin secret de feu Paul Soppo Priso, on peut néanmoins se rendre compte que le désordre que l´on observe dans la succession du défunt milliardaire est consécutif à la confusion que, de son vivant, lui-même aurait contribué à semer dans les esprits de ses proches, et même de l´opinion tout entière. Henriette Ndoumbè Toto, aujourd´hui disparue, était en effet l´épouse, la toute première, du défunt homme d´affaires. De cette union scellée en 1936 sous le régime monogamique, est né un seul fils : Gaston Soppo Priso. Handicapé physique depuis plusieurs années, ce dernier vit à Paris (France).

Convoitises

Malgré le régime sous lequel Paul Soppo Priso était marié, et sans rompre officiellement avec Henriette Ndoumbè, ce dernier s´était néanmoins mis, en avril 1941, avec une seconde femme, Mme Youtta Eteki, présentée alors comme "l´amie intime" de l´épouse officielle. Les enfants Soppo Priso (dont plusieurs adoptions) ont, par la suite, germé de partout. Lisette, Jean-Paul, Laurette, Violette, Chantal, Hervé, Serge, etc., en sont quelques prénoms célèbres. Chacun, même du vivant du père, gérant une petite part du patrimoine ou travaillant simplement pour l´une des nombreuses entreprises familiales. Ce sont tout ceux-là, sans compter certains frères du défunt, par ailleurs actionnaires minoritaires dans certains des nombreux bizness qu´il avait entrepris avant son décès, qui revendiquent chacun une part du "gâteau".

L´histoire raconte pourtant que Paul Soppo Priso aurait laissé un testament clair sur la gestion de sa fortune. Tous les enfants, interprète-t-on alors les documents exhumés après la disparition de l´homme d´affaire, devraient recevoir des parts égales dans le partage du patrimoine. Au lendemain de sa mort cependant, le testament laissé par le défunt, comme par extraordinaire, a disparu. A cause des enjeux, des exécuteurs testamentaires ont, selon toute vraisemblance, été mis en quarantaine. D´aucuns parlent d´un deuxième testament, jamais ouvert, que le défunt aurait déposé chez un notaire parisien. Ce qui suscite davantage de convoitises de la part des ayants droit et bien au-delà.

Inventaire : Un patrimoine aux multiples facettes

L´un des enjeux pour les héritiers restent une reconstitution intégrale des biens nombreux de Paul Soppo Priso.

Parce qu´il était réputé discret dans ses affaires, personne, jusqu´à ce jour n´a pu définir de manière exacte à combien se chiffre la fortune de feu Paul Soppo Priso. A mesure que passe le temps, les différentes parties impliquées dans le dossier de sa succession ont d´ailleurs pu s´en rendre compte. Régulièrement, elles découvrent une nouvelle facette de l´empire, un immeuble bâti ou non, un compte bancaire plus ou moins fourni, des actions plus ou moins importantes dans telle ou telle autre entreprise locale ou étrangère, etc., affirme une source proche de la famille. Contrairement à ce qu´ont pu penser les Camerounais jusque-là, la plus grosse partie de la fortune de Paul Soppo Priso se trouverait d´ailleurs hors des frontières nationales, et principalement en France !

Tenons-nous-en, néanmoins, à la partie visible de l´iceberg. Dans la ville de Douala précisément, où le défunt milliardaire avait, plus qu´ailleurs, une réputation de grand bâtisseur. Dans les quartiers chics de la capitale économique, les immeubles que Paul Soppo Priso a fait sortir de terre donnent le vertige. Tentative de décompte : une polyclinique célèbre située au quartier Bonapriso (Douala), qui porte le nom du défunt. Plusieurs sociétés, dont les Biscuiteries réunies, qui produisaient les très appréciés biscuits "BR"; Silac, une société laitière ; et, surtout, un parc immobilier à faire pâlir d´envie tout investisseur de ce monde.

Quelques fleurons : un majestueux gratte-ciel qui sert de bureaux et d´habitations au quartier Bonapriso ; l´immeuble dit Air Afrique à Bonanjo ; l´imposant bâtiment qui a abrité l´ancien centre culturel français de Douala, actuellement occupé, entre autres locataires, par Kenya Airways ; l´immeuble Joss anciennement occupé par l´hôtel Hollywood, les "tours jumelles" érigées non loin de la fourrière municipale, etc. Les ayant droits parlent, en plus, d´un terrain d´une superficie de huit hectares à Sevran (France), naguère appartenant à leur père.
De l´avis de la majorité des Camerounais vivant dans la capitale économique, Paul Soppo Priso a ainsi été l´un de ceux qui, de par leur volonté et leur vision, ont impulsé le développement de la ville de Douala. Des legs qui, désormais, ont été gérés bon an mal an par une série de liquidateurs judiciaires de la succession, depuis la mort du propriétaire. Moins d´une dizaine d´années après le décès de l´homme d´affaires, certains édifices, à l´instar de la très célèbre polyclinique Soppo Priso, ont ainsi sombré dans la négligence, au point de ne plus faire référence en matière de soins hospitaliers. Chez les ayants droit, on semble tous se ruer vers la fortune, sans pour autant songer à son entretien.

Commentaire : Pagaille

Pendant combien de temps encore persistera l´imbroglio ? Réussiront-ils seulement à s´entendre un jour ?
Eugène Dipanda

La plupart des questions autour de la succession de M. Paul Soppo Priso restent sans réponses. Manifestement écrasés par le poids d´action judiciaire sans fin, les ayants droits de la succession semblent tous avoir avalé leurs langues. La presse, surtout, semble ici considérée comme un trouble-fête. Conséquence, toutes les fraudes et autres falsifications qu´on dit intervenues dans certains actes authentiques, passent presque sous silence. La faillite des différentes liquidations aussi.

Depuis plus de dix ans, les deux sociétés immobilières laissées par feu M. Paul Soppo Priso, accuse le fils Gaston Soppo Priso, sont gérées par ses demis frères Jean-Paul et Violette, "sans tenue d´assemblée générale ". Pis, l´héritier grabataire cloué sur un fauteuil roulant à Paris, dénonce la "vente et la dissimulation d´actions au détriment de la liquidation et de la succession, avec des plats de résistance pour les magistrats hautement corrompus".

En date du 10 avril 2007, Gaston Soppo Priso est revenu à la charge dans une lettre contre ses frères Jean-Paul, Violette et Hervé, adressée au Délégué général à la Sûreté nationale. A ces derniers, il reproche notamment les faits de "faux et usage de faux avec complicité de X ; modification des statuts avec complicité de X". Lesquels, dit-il, "ont conduit à l´exclure de la succession de leur défunt père, malgré l´arrêt définitif de la cour d´appel du Littoral qui déclare comme héritier à part égale tous les enfants de feu M. Soppo Priso". La lettre adressée à M. Edgar Alain Mebe Ngo´o intervenait à la suite de plusieurs plaintes restées sans suite, et déposées à la direction de la police judiciaire à Yaoundé.

Au fond, les récriminations de Gaston Soppo Priso tournent autour d´éléments précis : la "confiscation " par certains de ses frères de "plus de 80 % du patrimoine de la succession". La polyclinique Soppo Priso, par exemple, est gérée par Hervé Soppo Priso ; la société Ugid par Mme Pensy, née Violette Soppo Priso ; et la société Ugic, par M. Jean-Paul Soppo Priso. Pour le reste, la gestion de l´immense fortune (notamment en numéraire) laissée par le défunt milliardaire relève du mystère. Ce qui, du point de vue des intervenants de la succession, aura contribué à entretenir le flou, à semer la discorde et à attiser les convoitises. Jusqu´à quand?
 

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