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31.07.2006
Rudolf Doualla Manga Bell: propriété familiale?
Danielle L. Nomba Le Messager
Depuis 66 ans, celui que l’on présente dans divers livres d’histoire comme héros national est uniquement célébré par sa famille. Dans l’indifférence générale, tant des populations que des autorités en charge de la culture.
Le 8 août 1914, l’administration coloniale allemande pendait Rudolf Doualla Manga Bell, à la suite d’une condamnation pour “haute trahison”. La trahison a consisté, pour ce natif du canton Bell, à Douala, et officier de l’armée allemande à s’opposer à l’expropriation des terres du bord du fleuve Wouri par les Allemands. Sa mort n’empêchera pas cette administration de spolier les populations de leurs terres; mais il aura permis que le colon n’étende son action dans tout le pays.
“Le mérite réel de Rudolf Doualla Manga Bell est de ne pas avoir limité son combat au canton Bell, ni à la seule cité de Douala. Il a touché tout le Cameroun en envoyant des émissaires aux chefs Bagam, Bali, Batanga, Martin Paul Samba des Bulu et le Sultan Njoya des Bamoun”, explique l’historien Valère Epée. L’argumentation de Doualla Manga Bell tenait en ceci que, aujourd’hui, c’était le tour de Douala; mais demain, ce sera le tour des autres. Il invitait donc tout le monde à tuer le mal dans l’oeuf.
En commémoration à ce sacrifice, la notabilité Bell, en association avec la famille du défunt et la jeunesse de son canton d’origine, ont organisé un cérémonial. Pour rendre hommage à Rudolf Doualla Manga Bell, mais également à ceux qui ont mené le combat de concert avec lui: Adolf Ngoso Din, secrétaire et bras droit de Doualla Manga Bell, et Richard Din Manga, mort en mission pour les mêmes terres, en France. Procession sur le site de pendaison, dépôt de gerbes de fleurs sur les différentes tombes et petit discours pour rappeler leurs actions, constituaient l’essentiel du cérémonial. Y participait, en plus de la famille Bell, notables et jeunes du canton du même nom, le délégué provincial de la Culture pour le Littoral, représentant du ministre de la Culture.
Depuis 1936, sur initiation de la famille Bell, on commémore chaque année la mort de Rudolf Doualla Manga et de ses acolytes. Une cérémonie strictement familiale, à laquelle ne participe pas toute la communauté camerounaise. Pourtant, Rudolf Doualla Manga Bell est rentré dans le patrimoine culturel Camerounais, si l’on s’en réfère aux ouvrages d’histoire. Une réalité que ne réfute pas M. Ondoua-Memvoutta, délégué provincial de la culture pour le Littoral. Mais, apparemment, son ministère de tutelle a démissionné de ses responsabilités.
Le décret N° 98/003 du 8 janvier 1998, portant organisation du Ministère de la Culture, précise les missions de la Direction du patrimoine culturel. Celle-ci est chargée, conformément à l’article 24 dudit décret, entre autres, “du suivi des opérations d’identification, de restauration, de préservation et de promotion du patrimoine culturel”.
Jusqu’à ce jour, aucune de ces mesures n’est effective. “On fera chaque chose en son temps”, relève Ondoua-Memvoutta. Mais quand va-t-on commencer? Là est la question. Il y a deux ans encore, la direction du patrimoine, au ministère de la culture, n’avait même pas encore amorcé le recensement de ce patrimoine. A ce rythme, il y a de fortes chances que le passage à la restauration et la promotion de ce patrimoine se fassent à la saint glin-glin.
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