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Suzanne Kala Lobè


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07.08.2006

Georgette L. Kala-Lobè en Solo pour Douala Manga Bell 

Musiques qui s’affrontent : d’abord Haydn, Bach – puis nés à d’autres paysages, les chants polyphoniques des pygmées. Un étrange fétiche africain paraît… Georgette Louison Kala Lobé vient faire revivre pour nous le geste de Douala Manga Bell, roi martyr du Cameroun ; une danse contemporaine riche en métissages et qui n’oubliera, de l’Afrique natale, ni la richesse, ni les rythmes, ni la poésie ardente…

Danseuse étoile à l’Opéra de Paris, elle vient de créer sa propre compagnie qui fait le tour de France depuis le mois de juillet.

“Je veux rendre visible la beauté secrète de l’Etre, apporter une belle note à la symphonie du Monde, une trace digne. ” Georgette Louison Kala-Lobè, la jeune sœur de l’autre, vient de créer sa propre compagnie de danse, en France. “ Kala-Lobè dance company ” (le nom de la troupe) est en quelque sorte l’aboutissement d’une carrière exceptionnellement bien menée par celle qui partage sa vie avec son compagnon de longues dates, René Strubel, artiste peintre. C’est d’ailleurs avec son soutien indéfectible que Georgette Louison Kala-Lobè, a écrit et interprète “ Solo pour Douala Manga Bell ”, un vibrant hommage au King Bell, pendu par les Allemands un certain 8 août 1914, parce qu’il avait refusé de céder la terre de ses ancêtres : “ Douala Manga Bell pour moi, c’est le symbole du respect de la parole donnée. Il a montré qu’il était prêt à se sacrifier, à donner sa vie pour attirer l’attention sur la violation allemande des accords signés. ”

Lors de la présentation de la maquette de Solo pour Douala Manga Bell, en juin 2005 à l’Opéra Comique de Paris, Georgette, selon des témoignages concordants, a impressionné le public par sa scénographie : “ Sur la proposition de Georgette Louison Kala-Lobè, témoigne René Strubel, j’ai réalisé une sculpture “ fétiche ” d’inspiration africaine. Certains spectateurs voient un “ ange de la mort ”, d’autres une espèce de “ statue de la liberté ”. Animiste, en tout cas, l’interprétation est libre. Ce “ fétiche ” est soudé sur un chariot de supermarché…. Cet objet fait lien avec notre quotidien et contribue au mouvement chorégraphique ”. René Strubel ajoute : “ Symboliquement, l’histoire de la mise à mort par pendaison de Douala Manga Bell par les occupants allemands s’inscrit dans la tragédie coloniale de l’Afrique tentant de tenir debout et, de l’Europe dans le vertige de ses dominations.”

En tournée

Citoyenne du monde, Georgette Louison Kala-Lobè utilise son corps comme support d’expression : “ Je situe la danse dans la solitude de ce dialogue muet. Avec eux, je pose mon cœur au cœur de leur éclat. Je ne cherche pas de protection contre moi-même, je me situe, en confiance sur le chemin étroit et léger de mon langage. C’est vrai, Madame, mon corps est polyglotte ; j’essaye de me rendre fréquentable. Donc, pas la part de Salleri, jamais, mais celle, éternellement, à vif, de Mozart ”, insiste la chorégraphe. Et à ceux qui comme Louis Borges nourrissent un complexe quelconque par rapport à cette discipline ô combien rigoureuse, Georgette Louison Kala-Lobè répond sans détour : “ Il y a quelque chose d’éminemment faux dans la pensée officielle et triomphante occidentale : au mieux, elle véhicule à souhait de belles idées humanistes, soi-disant libératrices pour l’individu. Ce sont souvent des coquilles vides où disons que les personnages qui les véhiculent ne désirent pas les remplir ; plutôt du vent social pour consolider une entreprise de strapontins à pouvoir. Ces individus, le danseur Noureïev les appelaient “ Traîtres ”. Pourtant miraculeusement, de vertigineux créateurs échappent à cette mascarade. Ils sont les maîtres de la terre, les représentants de l’Universel. Leur vision ne se limite pas à de misérables petites stratégies, au culte de la vanité, mais forme les maillons de cette chaîne sans fin qui témoigne de l’homme, de sa transcendance, Monsieur Borges. Ils sont de tous les continents, d’ici et d’ailleurs. ” Faut-il le rappeler, Louis Borges avait prétendu que “ l’Afrique n’a rien amené à la culture littéraire ”, ajoutant que “ c’est un continent inutile ”. Rien que ça !

Depuis le mois de juillet 2006, Georgette Louison Kala-Lobè joue “ Solo pour Douala Manga Bell ” dans les communes françaises. En attendant peut-être que l’on puisse aussi voir ce spectacle un jour, au Cameroun.

Par Jean-Célestin EDJANGUE
Le Messager
Le 07-08-2006
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Solo pour Douala Manga Bell
www.CcSA.fr


18 Juillet 2006 au centre CCAS de Mirefleurs, à quelques kilomètres de Clermond-Ferrand , et pourtant bien au-delà du marteau de plomb de la canicule, sur fond d’Haydn,de Bach et de chants polyphoniques pygmée, c’est l’Afrique……. Georgette Louison Kala-Lobé donne ce soir son Solo pour Douala Manga Bell.


Il est 20 heures trente  et devant la porte du gymnase piaffe un public adolescent à vrai dire en rien prédisposé à ce genre de performance. Aussi, à défaut de sa nature intrinsèque, sera-t-il nécessaire de préalablement quelque peu l’informer de la dimension historique du spectacle  à venir :


A la veille de la première guerre mondiale, les Allemands qui occupent le Cameroun conçoivent un projet qui est un défi à l’humanité : expulser les habitants d’une ville entière Douala, au profit de la puissance coloniale. Un homme, Douala Manga Bell, fils de roi et roi à son tour, va se dresser contre eux .Cette pièce chorégraphique est l’évocation de son combat. Lutte implacable, pathétique, sur laquelle plane l’ombre du gibet. Le 8 août 1914 Douala Manga Bell est pendu, il est l’une des figures les plus attachantes de l’Afrique violentée et résistante …


Ainsi donc, d’un bout à l’autre dépourvue de toute concession, la matière mouvante, émouvante de cette pièce dansée, véritable  tragédie politique que, pliée, roulée, jaillie, bondissante, ancestrale, militante, écartelée, animiste, ruisselante, caoutchouteuse et les nerfs mis à nu, va, durant quelque quarante cinq minutes  s’employer à charner à l’extrême, Georgette Louison Kala–Lobé. Un nom qui a lui seul est déjà une invitation au voyage.
Certes,se trouvent ici contenus toute la détresse et le feu de l’Afrique de ses origines mais aussi, flagrante à chaque figure, une omniprésente volonté de jouer la carte de la plus parfaite et sincère des modernités.

Seule en scène, s’appuyant sur des années d’études et de pratiques chorégraphiques, la voici alors s’offrant, évidence du don, scrupuleuse du moindre geste, de la plus petite mimique, car nul repos pour le visage, lui aussi partie intégrante  du grand tourbillon, la grande déchirure.

Il y a là, incontestablement, sur fond de toiles peintes non exemptes d’un certain désir de pacification, de la colère, de la douleur  et de l’énigme et puis, à l’exacte mesure de l’ensemble du spectacle, le totem. Erigé, menaçant, ascétique, boulonné sur un caddy de supermarché, œuvre de René Strubel, peintre de haut vol, pour les besoins de la cause devenu scénographe .

Faisant fi de toute trêve, la tragédie se déploie, tremble, cahote. La danseuse ruisselle. Et le public se tait. Sans l’ombre d’un doute décontenancé. Interdit. Car que dire, que penser  de ce masque déchiré, de ce corps  disposé à toutes les souplesses. Derrière la scène improvisée pour un soir se tient le rectangle vert d’un panneau de basket  et son filet béant, comme un rappel  à  l’ordre de la part du siècle flottant  au dessus  de l’artiste qui, broyeuse du temps comme des ethnies, à bout de souffle et  de substance, lentement finira par  s’effacer.


Laissant alors la place à des interrogations qui peut-être ne trouveront réponse  que bien des années plus tard. Car pour l’heure nulle question. Qu’un silence respectueux, perplexe, méditatif. Reste néanmoins l’objet qui en permanence l’aura accompagnée.

Qui est-il ? D’où vient-il ? Lui aussi, mêlant les époques, les continents. Et les suppositions ainsi iront-elles nombreuses et variées. Du refus total à la moquerie crispée. En passant par la mort, le gibet. L’oiseau mythique si ce n’est pour d’aucuns l’ange et pourquoi pas la statue de la Liberté.
L’entreprise n’était pas aisée,  pas faite pour être résolue sur l’instant. Car comment, pour une conscience neuve et même plus expérimentée, résoudre sur l’instant  la vaste énigme du politique et de l’esthétisme, et par conséquent de l’Etre dans son entier.

La danse de Georgette Louison Kala-Lobé – qui aime à rappeler que son corps
est polyglotte  - est un carrefour séculaire . Une invitation à envisager  l’errance …


Jehan Van Langhenhoven

 

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