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25.06.2010
Au-delà de la débâcle des Lions indomptables au Mondial 2010
Pourquoi les Lions sont si faciles à dompter
Chaque équipe nationale de football est à l´image du pays qu´elle représente, le reflet de sa culture, de ses modes d´organisation et de ses tares. Pour ce qui nous concerne, le constat est simple : tant de potentialités, mais aussi tant de gâchis, sur fonds d´asthénie morale et d´impuissance collective. Cette impuissance, on l´aura étalée aux yeux du monde lors des deux matches qui nous ont opposés au Japon (que nous n´avons jamais battu) et au Danemark (pourtant à notre portée). D´une part, une énorme puissance potentielle, dont on voit bien ici et là quelques éclairs et quelques éclats, mais qui titube, qui bégaie, qui ne s´exprime que sur le mode épileptique. De l´autre, le désordre, la pagaille, l´incurie, les gestes vides de ceux qui sont au bord de la noyade, bref l´auto émasculation. Les causes structurelles de cette auto émasculation collective sont connues de tous, à commencer par celles qui relèvent de la politique et de l´économie.
Il y aura bientôt trente ans, une élite libidineuse s´est incrustée à la tête de l´État. En collusion avec la plupart des forces locales, elle a transformé le pays en l´une des satrapies les plus vénales de tout le continent. Après avoir procédé à une destruction systématique de l´infrastructure morale et éthique de notre société, elle a érigé le vol, la perversité et la transgression en nouvelles normes et coutumes partagées aussi bien par les dirigeants que par leurs sujets. S´en est suivie une "tonton-macoutisation" généralisée des populations, pauvres et riches confondus. Au point où aujourd´hui, la sénilité aidant, l´ensauvagement s´est transformé en culture, en conscience collective et en mode de vie. Tous, on le sait. Et tous, nous sommes impuissants à y remédier. Le Cameroun de 2010 ressemble aux écuries d´Augias - en attente d´un nettoyage radical et d´une rupture nette et sans concession. Car, tant que ce régime de la licence absolue et de la débauche permanente déterminera notre destin, il n´y aura rien à attendre de l´avenir.
Dans une large mesure, il n´y aura donc aucune possibilité de rayonnement mondial du football camerounais en l´absence de changements politiques radicaux. De ce point de vue, le fiasco sud-africain n´est pas seulement une affaire de coach. Certes, ce pauvre Le Guen et ses acolytes - techniciens obtus et tacticiens de second degré - n´ont cessé de tâtonner, de naviguer à vue et d´improviser. Mais comme d´habitude, ils étaient loin de tout contrôler. Bien des ficelles leur échappaient. Ils avaient hérité d´une sélection dont la transition, chaotique, n´avait guère, comme à l´accoutumée, été planifiée. Ils ont vite découvert que l´équipe nationale était un marais infesté de crocodiles. Après l´éclaircie du début [La qualification pour la Coupe du monde], ils ont passé l´essentiel des derniers mois dans la fange. Avant même le coup d´envoi du Mondial, ils étaient déjà empêtrés dans la boue. Emmenés par un capitaine talentueux [Samuel Eto´o], mais égo-narcissique, un brin impétueux et peu porté à la discrétion, les joueurs ont offert un spectacle d´impuissance consommée.
Sonnés par près de trente ans de pourrissement, les Camerounais sont passés maîtres dans l´art de la fraude, de l´improvisation et de la prévarication. Toujours, ils veulent récolter ce qu´ils n´ont pas semé. En lieu et place d´un labeur de longue haleine, ils réclament des miracles et, faute de les obtenir, ils inventent des boucs émissaires. Or, le foot moderne ne connaît ni miracles, ni magie. Seuls comptent l´organisation, la discipline, le travail et la prévision. Il faut donc revenir au point de départ. Et d´abord, il faut de manière décisive fermer la page de la génération 1998-2000 qui a procuré tant de moments de joie à la nation (Rigobert Song, Gérémi Njitap, auxquels il faut ajouter Webo, Idrissou, Souleymanou et d´autres). Il faut ensuite ouvrir avec détermination la page du futur. Paul Le Guen en a tracé quelques lignes plus ou moins furtives en intégrant dans l´effectif des jeunes qui ont avec eux la durée et le talent (Matip, Bong, Mandjeck, Assou-Ekotto, Choupo, Bassong, Eyong, Aboubakar et d´autres). Avec Nkoulou, Alex Song, Mbia, Eto´o, l´on dispose, là, de quoi constituer une équipe qui gagnera en expérience au fur et à mesure des batailles à venir.
C´est ce socle qu´il faut consolider et élargir, en cultivant et en intégrant les talents qui font encore défaut et sur des postes où le manque est évident - des latéraux qui savent créer le surnombre, de bons joueurs de couloir, de nouveaux attaquants de la trempe d´Eto´o ou Milla [qui a mené le Cameroun en quart de finale lors du Mondial 1990], des gardiens de buts de la densité de Bell ou Nkono, des tireurs d´élite comme le fut Njitap, des créateurs qui sachent donner du rythme et de la cadence au jeu. Ceci suppose que l´on travaille, pour une fois, de manière disciplinée et méthodique, et sur le long terme. Ceci suppose que, pour une fois, il existe une stratégie nationale échelonnée dans le temps. Car, pour faire bonne figure en coupe du monde, il faut y avoir travaillé non pas au cours des trois semaines précédant la compétition, mais plusieurs années en amont. L´expérience aidant, l´on sait malheureusement que tel ne sera sans doute pas le cas. Et lors du Mondial de 2014, l´on se retrouvera face aux mêmes problèmes : le spectacle de l´impuissance d´une nation bénie de potentialités, mais prise dans les rets d´une satrapie sénile et portée à la perversité.
Achille Mbembe
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Au-delà de la débâcle des Lions indomptables au Mondial 2010 Entretien de Norbert N. Ouendji avec Achille Mbembe
Après son deuxième match perdu face au Danemark (1-2), le Cameroun était le tout premier pays éliminé du Mondial sud-africain. Il n´a pas pu sauver l´honneur lors de sa dernière confrontation contre les Pays-Bas (1-2). Quelle lecture faites-vous de cette contre-performance ?
Deux lectures - une politique et une sportive. Les deux sont liées. Il faut regarder par-delà la conjoncture. Tout le monde sait qu´en plus de ne pas dater d´aujourd´hui, les problèmes sont d´ordre structurel. Le drame est qu´en toute probabilité, rien ne changera après ce fiasco sud-africain. Je parie que dans 4 ans, on sera de nouveau exactement face aux mêmes impasses. Il y a une raison simple à tout cela et, je l´ai dit à plusieurs reprises, elle est de bout en bout politique - l´enkystement au pouvoir depuis près de trente ans d´une élite mentalement sénile, dispendieuse, vénale et imprévoyante, uniquement vouée à la jouissance privée, et qui a mis sous sa coupe tout un pays et tout un peuple qu´elle traite depuis lors à la manière d´envahisseurs et occupants étrangers. C´est ce " colonialisme interne " qui explique pourquoi on en est là - et ceci touche tous les domaines de la vie sociale, économique, intellectuelle et culturelle et pas seulement le football. Ce qui rend l´affaire passablement compliquée, c´est qu´au fil de ces trente ans, tout le monde - et pas seulement les élites - a appris, internalisé et pris goût à la règle qui veut que l´on cherche chaque fois à récolter ce que l´on n´a pas semé. L´instrumentation systématique du désordre et de la pagaille, du pourrissement et de l´imprévoyance sur fonds d´asthénie morale et de sénilité de l´imagination - tout cela est devenu l´un des traits fondamentaux de notre culture, une métastase. Jusque-là, on ne voit pas très bien le rapport avec la déculottée des Lions indomptables…
De ce qui précède, il s´ensuit qu´en dépit de leurs talents individuels et de leurs exploits dans les clubs où ils font carrière, une fois dans les rets de la sélection nationale, les joueurs deviennent autant d´amibes au service d´un réseau amorphe, gélatineux, mais tentaculaire, dont le principe de fonctionnement est l´auto-dévoration et l´auto-digestion. C´est à ce niveau de radicalité qu´il faut poser le problème. Le reste n´est qu´écume à la surface des choses. À propos de talents individuels et d´exploits avec leur club respectif, on parle très souvent du cas Eto´o, pas toujours au point en sélection. Qu´en pensez-vous ?
Eto´o est un grand sportif. Mais chaque fois qu´il revient dans ce milieu de voyous, Eto´o (un grand professionnel du foot qui a évolué et évolue dans les meilleurs clubs du monde sous la férule des meilleurs entraîneurs de la planète) est tout de suite rattrapé par les aspects les plus pervers de la culture officielle et populaire : la vulgarité, la pomposité, l´absence de déontologie, le culte de la force, du chef et du phallus, le goût de la munificence, bref, l´ethos typique des satrapies postcoloniales. Après tout, il est l´un des hommes les plus riches du pays. Beaucoup l´envient et sont prêts à tout, soit pour s´attirer ses faveurs, soit pour lui porter malheur, soit simplement comme figure qui leur permet de dépasser symboliquement leur propre émasculation. Égo-narcissiste peu porté à la discrétion, Eto´o est alors tenté d´utiliser sa fortune et ses succès personnels pour s´acheter des " clients ", y compris parmi ses coéquipiers. N´est ce pas un jugement très sévère ?
Comment expliquer autrement qu´un joueur puisse utiliser ses ressources privées pour offrir à ses collègues de la quincaillerie de haut luxe dont le coût dépasse de loin le revenu annuel de centaines de milliers de ses pauvres compatriotes sans que personne dans l´encadrement officiel et dans le pays en général ne trouve cela indécent ou du moins embarrassant ? Ceux de ses coéquipiers qui acceptent ainsi ses faveurs sont-ils encore seulement ses compagnons ? Ne sont-ils pas désormais des obligés qui doivent une dette de reconnaissance à l´égard d´un maître généreux et dispendieux ? Je veux dire que dès que Samuel Eto´o met les pieds au Cameroun, son comportement, ses attitudes, sa manière de s´exprimer, d´utiliser le " Nous " de majesté, de traiter ceux qui osent lui poser des questions jugées gênantes, voire son football - tout cela se met tout de suite à parler dans le langage de la dépravation si caractéristique des nouveaux riches. Quel est ce langage, sinon celui de l´argent facile, des filles de joie, des plaisirs immodérés, de l´auto-glorification ? Bref, on est confronté à un vide culturel et intellectuel si sidéral que même l´éclat du bling ne parvient guère à cacher. Le capitaine des Lions indomptables, curieusement positionné sur le flanc droit face au Japon, a pourtant marqué les deux buts camerounais du tournoi…
Il fait ce qu´il peut. On ne peut pas douter de son engagement. Il est profondément camerounais. Les Camerounais attendent peut-être trop d´un seul homme. Mais c´est parce qu´il a démontré tant de talent. Après tout, il est le plus grand joueur que le Cameroun ait jamais produit. Il faut cependant cultiver dès maintenant une nouvelle race d´attaquants capables de suivre le glorieux chemin qu´il s´est tracé pour lui-même. J´ai pour ma part énormément de respect pour ce qu´il a accompli, d´où la sévérité de mon regard. Dans l´ensemble, que dire des choix tactiques de Paul Le Guen lors des différents matches ?
Ce pauvre Le Guen - quel piètre tacticien ! Un petit exemple : contre le Danemark, il est clair que, dès les dix premières minutes de la rencontre, l´équipe du Cameroun est déséquilibrée, le côté gauche sur lequel doivent veiller Enoh et Assou Ekotto ayant à juste titre été identifié par les Danois comme l´une des failles de la formation. Non seulement notre technicien attend 45 minutes pour remplacer Enoh déjà en méforme lors du match contre le Japon, mais encore, il profite du remplacement pour dégarnir entièrement ce flanc d´où, conséquence inévitable, partiront les deux buts de nos adversaires du jour - comme d´ailleurs le but encaissé contre le Japon. J´ai suivi un certain nombre de tournois de très haut niveau. J´ai rarement vu un tel degré de médiocrité : tâtonnements permanents, passivité du banc de touche qui ne se lève presque jamais pour inviter les joueurs à se repositionner (chose que fait sans cesse Guardiola avec le Barca), des remplacements erratiques, des joueurs que l´on essaie à des postes sensibles en plein milieu de la compétition, d´autres que l´on n´utilise pas à leurs postes de prédilection, un système de jeu parfaitement inadapté à la force et aux atouts des joueurs que l´on a sous la main, des gars jetés sur le terrain, bric-à-brac sans plan de bataille ni stratégie, livrés à leur seule volonté - laquelle ne s´exprime d´ailleurs que de façon désordonnée et épisodique, sur un mode épileptique. Qu´est-ce qu´il faut faire maintenant que Le Guen, dont le contrat allait jusqu´à la fin de la Coupe du monde, est obligé d´aller voir ailleurs ?
Si le Cameroun veut refonder sa sélection nationale, il vaudrait mieux le faire avec un entraîneur de très haut niveau à qui serait confiée la tâche de travailler pendant 4 ans en vue de la prochaine Coupe du monde. Les meilleurs entraîneurs dans le foot actuel, je suis désolé de le dire, ce n´est pas en France qu´on les trouvera. L´on a, entre les mains, une nouvelle génération d´athlètes dont certains disposent d´une bonne marge de progression technique. Il y a des postes clés où les besoins sont énormes. Il n´y a pas de bons latéraux droits. Il manque de vrais joueurs de couloir. Il n´y a toujours pas d´attaquants de la trempe d´un Eto´o des jours heureux. Il y a besoin d´asseoir une fois pour toutes une défense solide, avec un gardien de la trempe de Bell ou de Nkono. Et surtout, il faut instiller une discipline tactique à cette équipe, forger une identité de jeu, avec ses rythmes et ses cadences, sa créativité propre. Tout ceci exige un travail de fond, sur la durée - un travail en amont. Il ne faut donc pas se tromper. Il ne suffira guère de changer d´entraîneur pour débloquer les impasses structurelles qui entravent le progrès du foot au Cameroun. Cette logique du bouc émissaire et du rituel sacrificiel est illusoire et n´a en rien servi les équipes qui ont représenté l´Afrique lors de ce tournoi. Véritable écurie d´Augias, ce dont ce pays a le plus urgemment besoin, c´est d´une transformation radicale de ses structures sociales, politiques et culturelles. Pour l´instant, je ne vois malheureusement pas quelles forces pourraient porter ce projet de " grand nettoyage ". Faute de cette " grande lessive ", nous ne sortirons pas du trou. Comment en sortir sans faire appel à l´expertise extérieure ? Une partie de l´opinion pense que le Cameroun, comme bien d´autres pays du continent, est condamné à faire appel aux coaches étrangers…
Oui, tant que la structure actuelle est en place. À l´intérieur de cette structure, tout entraîneur camerounais se transforme, très vite, en un petit mendiant sans dignité ni moyens, qui demande sans cesse de l´argent de poche ou, pis, des commissions aux joueurs qu´il doit par ailleurs encadrer. Mais s´il faut à tout prix recourir à des étrangers, que l´on choisisse donc les meilleurs d´entre eux. Cela ne me gêne absolument pas. Le problème, c´est lorsqu´on recrute des gens qui, en plus de nous coûter très cher, sont finalement médiocres et ne travaillent qu´à mi-temps. Ce n´est guère une façon rationnelle de dépenser les deniers publics. Comme dans d´autres domaines, il faut préparer à l´amont le moment où l´on se privera des entraîneurs étrangers. Cela exige que l´on investisse, dans la durée, dans la formation d´éventuels entraîneurs camerounais de niveau international. Il existe un joli vivier d´anciens joueurs professionnels dont certains sont très intelligents et chevronnés. Il ne pourra y avoir d´entraîneur camerounais respecté qu´un homme à forte tête, doté d´une forte personnalité, capable d´indépendance, de réflexion critique et d´autonomie, mais aussi à même de travailler de concert dans une équipe et pour un projet national. Il faudra alors le payer aux mêmes conditions que les étrangers et le doter exactement des mêmes moyens. Sur quel aspect devrait-on mettre l´accent ?
Il y a beaucoup à faire. On n´en est qu´au début si on veut reconstruire l´équipe, bâtir une assise défensive solide, cultiver la concentration pendant 90 minutes, la vitesse, les enchaînements, les variations, les tirs à distance, le jeu par les ailes et ainsi de suite. Le matériel est là. Une fois encore, je dis qu´il nous faut un coach expérimenté qui sache exactement travailler avec ce qu´on a. C´est d´ailleurs ce que disent certains joueurs de l´équipe nationale. Finalement, comment travailler sur la durée de manière à mettre en place une équipe camerounaise qui puisse faire mieux que la génération de 1990 ?
Sur le plan politique, il faut mettre fin au régime du " colonialisme interne " que j´ai évoqué au début de cet entretien. Sur le plan sportif, il faudra apprendre à travailler dans la durée et très en amont des grandes échéances internationales. Que l´on produise par exemple, d´ici la fin 2010, une feuille de route cohérente qui doit nous mener vers le Mondial 2014 et que l´on s´y tienne ! Dans le contexte d´une transnationalisation de plus en plus poussée du foot, le chantier est colossal. On ne devient pas une nation sportive sans professionnalisme, des investissements massifs dans les infrastructures de base - des terrains de jeux plus ou moins décents au niveau des villages, des écoles, des collèges et des quartiers ; des stades municipaux, régionaux et nationaux ; des centres de formation au minimum à l´exemple de ce qui se fait au Ghana ou en Côte d´Ivoire et où l´on cultive dès maintenant les talents de demain ; un championnat crédible qui génère des revenus ; des ligues locales et provinciales et des compétitions régulières et structurées dans des catégories aussi diverses que les minimes, les moins de 17 ans, de 19 et de 21 ans ; une administration professionnelle au niveau de la Fédération ; le développement de la médecine sportive ; la formation d´un corps arbitral compétent, de professionnels de la retransmission des matches et de journalistes qui savent ce dont ils parlent et ainsi de suite. On ne peut pas faire l´économie de cette mise en place des structures de base du football et des compétitions régulières à l´échelle locale, régionale et nationale. Tout ceci doit aller de pair avec la prise au sérieux des dimensions culturelles et financières du football. On ne peut pas y parvenir sans la libération consciente et méthodique des capacités créatives, la mobilisation des énergies et des ressources sur le long terme, une volonté politique avérée, des cadres professionnels dans tous les secteurs du foot, beaucoup d´imagination - le tout sous une gouvernance propre et transparente, débarrassée de la corruption et des pulsions prédatrices que l´on connaît.
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Il faut placer la défaite des Lions Indomptables dans son contexte historique
Je m’attendais à une analyse du frère Achille Mbembe, qui comme d’habitude est au rendez-vous avec cette brillante mise au point. Il fait preuve de courage digne du combattant nationaliste à l’époque de la guerre pour l’indépendance.
Après cet événement majeur, nous intervenons ici pour éviter que la confusion dans nos esprits nous empêche à apporter des solutions justes aux problèmes qui minent la société.
Il est astucieux, de la part des politiciens de mettre leurs cellules de communication en marche, pour qu’en cas de victoire, se présenter comme les instigateurs, et en cas de défaite, chercher des boucs émissaires.
L’entraineur des LIONS n’est pas le responsable de la débâcle à la Coupe du Monde 2010. Depuis les prouesses de Roger Milla en 1990, qui place le Cameroun parmi les grandes nations de Football dans le monde, 20 ans après nous n’avons plus jamais atteint ce niveau.
Qu’est ce qui s’est passé ? C’est dans cette perspective qu’il faut commencer l’analyse de notre Foot, en réalité, de notre système de société, en commençant par la planification de nos villes. Il n’y a pas d’aires de jeux dans les quartiers, le championnat a perdu sa valeur et depuis 30 ans aucun stade n’a été construit pour abriter les grandes compétitions.
Le succès au Cameroun est individuel. C’est soit Milla pour le Foot, ou Manu Dibango, Francis Bebey dans la musique, Françoise Mbango dans l’athlétisme, Mongo Beti ou Achille Mbembe dans la littérature engagée. Ce sont toujours des individualités qui se frayent seuls, leurs chemins jusqu’à la gloire. Le pays et son administration ne viennent que se greffer à ces succès, auxquels ils n’ont aucune contribution.
Il ne sert à rien de d’être indulgent devant cette débâcle des équipes africaines dans cette compétition, qui pour être sportive révèle néanmoins l’incapacité de l’Afrique, dans son ensemble de juger les phénomènes de l’Histoire. Les pays asiatiques, nouveaux dans le jeu, se présentent mieux, et les Sud-Americains montrent plus de poigne. Seul l’Afrique reste à la traine, comme toujours, même dans une matière où elle devrait exceller. Je jette un pari que dans une vingtaine d’années, les entraineurs des équipes nationales africaines seront des asiatiques, qui viendront comme coopérants dans les paquets des aides pour le développement. N’y a-t-il pas déjà des chinois qui enseignent le Français en Afrique de l’Ouest ?
La coupe du Monde est une excellente vitrine de présenter au monde entier, une image, une personnalité, et comme on connait la propension, depuis des siècles, à exclure les Noirs de la classe de l’Humanité, nous avons l’obligation de profiter de ce genre d’occasion pour prouver le contraire.
Les pays comme l’Allemagne, malgré qu’il soit moins nanti en talents, mettent d’énormes moyens pour continuer à se hisser aux premiers plans des nations de Foot. Il ya une dizaine d’années, le Football allemand était en chute. Dans le souci de ne pas perdre leur image de grande nation de football, de gros moyens ont été mis en action pour relever le niveau. Ayant perdu la dernier Coupe du Monde, l’Allemagne se remet immédiatement au travail pour relever le défi pour cette Coupe du Monde 2010. Ce que son équipe nationale présente sur le travail n’est pas du hasard. On a naturalisé des joueurs pour combler les positions où on a des lacunes. On a commencé les préparations des années d’avance, surtout dans la formation des jeunes et le football féminin.
L’Afrique ne voit pas l’enjeu de ce genre de rencontres des peuples et races, pour essayer de combler ses retards et améliorer la perception que les autres peuples ont d’elle. Même l’arbitre africain dans cette coupe ajoute à la moquerie que le monde occidental porte envers l’Afrique. Comment se fait-il qu’un arbitre africain, à qui on donne une plate-forme comme la coupe du monde pour montrer son savoir et prouver que l’Afrique aussi possède des arbitres de talents égalant le reste du monde, ne prend pas au sérieux, la situation dans laquelle il se trouve et commet des gaffes, qui ouvrent une fois de plus la voie aux injures sur l’incapacité du continent noir. On a droit à l’erreur, va-t-on répliquer, mais connaissant les attentes, les préjugés dont nous serons victimes dans ces rencontres, ne faut-il pas se concentre au maximum, afin de produire les meilleurs résultats et même faire un parcours sans faute?
Ceux-là même qui sont responsables du système de médiocrité et d’incompétence mis en place depuis les indépendances se couvrent en cherchant des boucs émissaires et des solutions hâtives. La seule solution est que ces incompétents laissent leur place, les entraineurs-sorciers blancs ne vont pas les sauver des débâcles à venir.
Pour ma part, je crois que l’hégémonie camerounaise dans le football est désormais passée. C’est la fin. Comme jadis le Zaïre a dominé le football africain pour après tomber dans le déclin, entrainé par la dictature de Mobutu, le Cameroun ne se relèvera plus bientôt de cette décadence. On aurait dû écouter Eugène Njoh Léa il y a 30 ans et mettre en place le professionnalisme ou semi-professionnalisme qu’il proposait.
Bother Metusala Dikobe © www.peuplesawa.com==============================
JA Bell : "On ne regarde pas la vérité en face"
Comment expliquer l’élimination des Lions Indomptables avant la fin du premier tour ?
L’équipe du Cameroun a perdu ses deux premiers matchs sans avoir joué contre le premier du groupe. Dans ces conditions, l’équipe est la dernière et ne peut donc se qualifier pour le tour suivant.
Les Lions sont derniers de leur groupe alors qu’on garde un très bon souvenir de cette équipe, notamment lors de la Coupe du Monde de 1990. Pourquoi cette déconfiture ?
Tout le monde garde le souvenir de 1990. Pourtant, 1990 c’est une seule édition de la Coupe du Monde. Pourquoi ne parle-t-on pas des autres années ? Que s’est-il passé en 1994, en 1998, en 2002 et en 2006 ? Nous avons fait un bon parcours une fois : une seule participation réussie. Toutes les autres participations se sont soldées par des échecs que nous avons happés par un esprit complaisant qui fait qu’on ne regarde pas la vérité en face et on se compromet.
Quelle est cette vérité ?
La vérité est qu’on a été six fois en Coupe du Monde et que cinq fois on est rentré au premier tour. Et le seul résultat que nous mettons toujours en avant est celui de 1990, comme si c’était ça notre régularité. La vérité est que nous n’avons jamais gagné de match de Coupe du Monde en dehors de 1990. Sauf l’Arabie Saoudite qu’on a battu en 2002. Et encore ! Par un but à zéro. Voilà les chiffres de l’équipe du Cameroun. Si on avait accepté de regarder cette vérité en face depuis longtemps, on aurait probablement accepté de prendre les mesures qui s’imposent et on n’aurait pas continué dans cette voie qui nous conduit aujourd’hui là où nous sommes.
De quelles mesures parlez-vous ? Pensez-vous qu’il y ait un problème de discipline, de cohésion ou encore de sélection des joueurs ?
La discipline et la cohésion sont des choses qui viennent en dernier lieu et il faut parler plus de cohérence que de cohésion. La cohésion s’adresse à l’équipe mais la cohérence c’est d’abord les idées. Une équipe ce n’est pas simplement les joueurs qui sont sur le terrain : c’est une politique générale de management. Il faut définir où on va, qu’est-ce qu’on recherche… etc. Lorsqu’on a répondu à ces questions, ce qu’on fait ensuite devient cohérent avec les idées de départ qui guident la conception de la politique qu’on veut mettre en place. Lorsqu’on est complaisant, on finit par avoir ce que nous avons eu. C’est-à-dire qu’à un moment, le sport nous rattrape et il est implacable. Nous n’avons jamais été contents d’une Coupe du Monde depuis 1990. Et à chaque fois qu’on n’est pas content, on rejette les torts sur quelqu’un d’autre, jamais sur nous-mêmes. Dans tous les cas, on se pare de la réussite de 1990.
La mauvaise prestation des Lions était-elle donc prévisible ?
Il y avait tous les indices qui montraient qu’on ne serait pas bons lors de cette Coupe du Monde. Nous nous sommes laborieusement qualifiés dans un groupe où il y avait le Togo, le Gabon et le Maroc. Mais nous avons fait passer le Togo, le Gabon et le Maroc pour des foudres de guerre afin de nous attribuer le mérite d’un miracle. Personne n’a eu le courage de dire que se qualifier dans ce groupe là n’était pas un miracle et si c’en était un, ça veut dire qu’un échec cuisant nous attendait forcément en Coupe du Monde où il n’y aurait pas de Togo ni de Gabon.
Si pour pouvoir se galvaniser d’avoir gravi les hauteurs en saut en hauteur, vous abaissez la barre, ne vous étonnez pas que si vous allez à une compétition mondiale, vous ne franchissiez aucune barre. Nous avons rabaissé nos exigences. Donc, évidemment, nous nous satisfaisons de faux obstacles que nous nous posons nous-mêmes. Quand une équipe du Cameroun, qui se veut être leader africain et qui devait être l’espoir de l’Afrique pour remporter la Coupe du Monde est contente de se qualifier péniblement dans un groupe où il ya le Gabon et le Togo, lorsque cette équipe va en Coupe d’Afrique des Nations et sort en quart de finale et qu’à cette Can, le Gabon confirme que le Cameroun est à son niveau puisqu’il le bat, et que jusque-là, on ne se rend pas compte de ce qui est en train de se passer, on ne peut pas après crier à la surprise quand en Coupe du Monde on ne gagne pas de match.
Les problèmes internes à l’équipe dont les journaux ont récemment parlé ont-ils aussi pu être à l’origine de cette débâcle ?
Les problèmes internes font partie de la cohérence dont je parlais tantôt. Si vous gérez votre équipe avec complaisance ou dans l’incompétence, les problèmes internes naîtront. Les problèmes internes sont le résultat d’une absence de rigueur. Le management est là pour veiller à ce qu’il n’y ait pas de problèmes internes. Il n’y a jamais de problèmes internes chez les vainqueurs, il n’y a jamais de problèmes internes chez les compétents, il n’y a jamais de problèmes internes chez les champions. Les problèmes internes c’est pour ceux qui ne passeront pas. Parce que, forcément, ça veut dire qu’il ya un problème de management. Il n’ya pas de problèmes internes là où il y a un manager rigoureux et compétent.
ANNE MIREILLE NZOUANKEU À JOHANNESBURG
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