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04.10.2006

ENCORE ET TOUJOURS LE HAPPENING; par Sam Ekoka Ewande 

Du brouillard à couper au couteau. Venant après celle des listes (liste des présumés homosexuels, liste des présumés pilleurs de la fortune publique), l’affaire du mort de l’hôtel Hilton, défenestré de singulière manière en août dernier, entraîna cette fois le microcosme de la presse camerounaise, non plus dans les cloaques nauséabonds de la perversion sexuelle et de la criminalité économique. Mais carrément dans les bas fonds de la criminalité tout court.

Proclamant haut et fort d’avoir été contacté pour taire un crime qu’il avait pour mission de révéler et, de surcroît, pour manipuler des confrères, notamment l’un d’entre eux, un investigateur de feu, pour qu’ils fassent de même moyennant finance, Jacques Blaise Mvié ouvre un nouveau pan de voile, une nouvelle piste sur le financement occulte, véritable poule d’or de la presse privée au Cameroun, cause, aussi, de tous les déboires, de tous les mécomptes et de tous les errements qui ont bafoué cette noble profession.

Vouloir une chose et son contraire est le fait de la dialectique à l’œuvre depuis la promulgation de la loi du 19 décembre 1990 relative à la liberté de la communication sociale. D’un côté, le gouvernement qui organise une valse hésitation autour des dispositions pertinentes de la réglementation qu’il édicte. De l’autre, une presse impatiente d’accéder aux bénéfices de la liberté proclamée et de saisir les nouvelles perspectives de s’ériger en véritable quatrième pouvoir ; ses éléments les plus radicaux faisant de l’opposition systématique à toute initiative d’essence gouvernementale un fonds de commerce extrêmement juteux, avec un ultra-rapide retour sur investissement qui se juge d’ailleurs à la soudaine opulence de ses zélateurs. Ainsi, le gouvernement met-il en place un Conseil national de la communication pour émettre des avis sur l’attribution des licences aux entreprises privées de presse audiovisuelle et assurer la police des médias. De concert avec la profession, il met également en place une Commission de délivrance de la carte de presse, dispositif autonome mixte, investi de la mission d’attribution de la carte de presse, mais aussi du pouvoir de suspension en cas d’interruption des activités professionnelles et même de retrait à la suite d’une sanction disciplinaire infligée à son titulaire. Mais ne donne à aucune de ces entités les moyens de s’affirmer, voire, de fonctionner - sinon sporadiquement. Pis encore, face aux menées subversives de factieux, il se montre laxiste quant à l’application des textes et même tolère la fronde des agents de ses démembrements de la Crtv et de la Sopecam à leur égard. Ainsi, aussi, les plus irascibles des professionnels de la presse privée ne songent-ils, quant à eux, qu’à échapper aux contraintes de la réglementation.

Accepter les contraintes de la réglementation, c’est, pour les dirigeants des entreprises privées de presse, mettre le doigt dans un engrenage qui, peu à peu, va les déloger de l’informel matriciel pour les engager dans la spirale de la fiscalisation. C’est accepter, en un premier temps - en attendant de faire mieux - un minimum de transparence. C’est aussi avoir sous contrat une équipe de base comprenant au moins trois journalistes au sens de la réglementation en vigueur, c’est-à-dire, des professionnels salariés et disposant de la couverture sociale selon les prescriptions de la réglementation en vigueur. C’est, un jour pas si lointain, devoir se plier aux injonctions d’une convention collective des professionnels du secteur. C’est encore, du moins pour certains, la fin de l’âge d’or de la société éditrice et/ou de la publication qui se résumait à la mallette des directeurs de publication qui, présents à toutes les cérémonies où se distribuaient perdiem et frais de taxi, pouvaient, à la limite, n’être que de parfaits SDF, entendez : Sans domicile fixe. C’est, enfin, l’étreinte définitive de la fiscalisation, l’organisation de véritables entreprises de presse par laquelle le législateur de 1990 aurait dû commencer et qui fait hurler d’effroi aujourd’hui, tandis qu’il s’agit dans notre législation d’une carence majeure. Accepter les contraintes de la réglementation, c’est pour le journaliste, accepter de comprendre qu’à l’instar de toutes les professions, le journalisme doit également être organisé. Qu’elle a vécu, l’époque du journalisme au petit bonheur la chance, à la petite semaine ; celle où l’on y entrait le plus souvent par effraction que par les voies régulières de la formation en cycles spécialisés ou sur le tas. L’heure est à la prosopopée du journaliste du Hilton ou de la Rue Mermoz. De profundis : l’époque le veut ainsi.

Triste destin, en effet, que celui de cette presse que l’on vit s’ébrouer dans les eaux troubles de la sexualité instrumentalisée comme ascenseur social et passage obligé pour accéder aux hautes fonctions. On l’a vue encore dériver et pourfendre des pilleurs de la République. Omettant pudiquement, prudemment, de citer certains noms ; consciente de ne pas dire toute la vérité. Mais, au contraire, jetant l’opprobre sur des boucs émissaires bien ciblés. Pareil à une pétaudière, le petit microcosme du journalisme camerounais n’est plus seulement pris d’assaut par une faune bigarrée qui ne se doute même pas qu’elle peut évoluer à l’étiage des principes éthiques et déontologiques de la profession, faisant régner une atmosphère de cour des miracles là où devrait prévaloir la quête de la vérité, dans le respect des lois et de la réglementation en vigueur. Téléguidés par des lobbies qui se livrent une lutte sans vergogne pour le contrôle du pouvoir, l’accès aux postes stratégiques et aux meilleures prébendes, cette presse se rend complice de tous les coups tordus, oubliant le devoir de confraternité qui constitue l’un des piliers déontologiques de la profession. Stipendiée, satellisée, elle se rend, aussi, coupable de toutes les déviances qu’elle dénonce par ailleurs, lorsqu’il s’agit de mafias adverses, et camoufle lorsqu’elles sont le fait de parrains protecteurs. Après une entrée en fanfare dans le domaine en friche du journalisme d’investigation, coup d’éclat salué par tous ceux qui ne souhaitent pas voir le journalisme camerounais sombrer dans l’institutionnel, la voilà, selon les déclarations de Jacques Blaise Mvié dont nous connaîtrons certainement un jour l’épilogue judiciaire appelée à la rescousse, s’acoquinant avec des présumés criminels désireux d’échapper aux rêts de la justice pour cause de financement occulte. De façon classique, on connaît aux médias du secteur privé deux sources de financement. Commune à l’ensemble des supports, la publicité en constitue l’unique composante pour les médias électroniques (radiodiffusion sonore, radiodiffusion télévisuelle), l’essentiel du financement (plus de 65 %) pour les autres. A quoi s’ajoutent l’abonnement et la vente au numéro pour la presse écrite ; la consultation pour la presse en ligne. Juste de quoi, sous les cieux camerounais, faire vivoter quelques spartiates portés par un élan missionnaire incompréhensible. Il faut d’autres expédients pour faire vivre et survivre toute la faune qui, forçant les portillons, entre par effraction dans la profession et en vit plutôt bien, voire grassement. Par initiation ou cooptation, par subodoration ou flair ou, tout à fait naturellement, en raison d’équations personnelles aux paramètres aussi divers que mouvants, on accède à la manne intarissable des financements occultes. Extérieurs, ils peuvent provenir de la coopération décentralisée et d’autres sources plus discrètes, parfois plus douteuses. Intérieurs, ils résultent de trafics divers, de l’activisme des lobbies engagés dans de sombres manœuvres de positionnement politique, économique, voire, social et culturel. Depuis l’affaire du mort de l’hôtel Hilton, on connaît l’existence d’une piste criminelle.

Alors, reconstituant toutes les pièces du puzzle de la résistance et de l’hostilité à toute tentative d’organisation du secteur de la presse, on comprend et l’on interprète mieux les faux débats, les querelles byzantines, les procès d’intention, toutes les ratiocinations de brasseurs de vent éructées à gorge déployée ou sournoisement ressassées par des ventriloques pour entraver et annihiler toute entreprise, tout élan de rationalisation. La paralysie des organes de régulation mis en place, la fuite en avant organisée par la prolifération d’organes inadaptés à la situation et au contexte actuel de la presse camerounaise, s’expliqueraient difficilement, sinon par l’existence au cœur même de l’appareil décisionnel de l’Etat, de puissants réseaux susceptibles d’opposer une inertie triomphante à toute velléité de changement du statu quo. Autrement, comment expliquer que cinq ans après la libéralisation de l’audiovisuel, aucune licence n’ait encore été attribuée, induisant les promoteurs à fonctionner dans la plus parfaite illégalité et même admettant certains d’entre eux à siéger ès qualité au sein du Conseil national de la communication ? De même, l’assainissement de la profession, mis à l’ordre du jour avec la création de la Commission de délivrance de la carte de presse, sevrée de budget depuis sa création et qui n’a pu sporadiquement sortir de la léthargie que grâce à la générosité des ministres de la Communication et du directeur général de la Crtv, doit aussi être contrarié par tous les moyens. Le décret n° 2002/2170/PM du 09 décembre 2002 fixe les modalités de délivrance de la carte de presse, édicte des prescriptions lumineuses. En son article 2, il donne une définition précise de la “ Carte de presse : pièce officielle qui identifie le journaliste et permet de le reconnaître à ce titre ”. En son article 12, il précise : “ Les journalistes et auxiliaires de la profession de journaliste en activité doivent, dans le délai de six (6) mois à compter de la signature du présent décret, se conformer à ses dispositions ”. C’est dire qu’à compter du 9 juin 2003, selon la réglementation en vigueur, nul ne peut plus se prévaloir de la qualité de journaliste ou d’auxiliaire de la profession de journaliste sinon qu’en usurpant le titre, délit prévu et réprimé par l’article 219 du Code Pénal qui dispose : “ Est puni d’un emprisonnement de 3 mois à 2 ans et d’une amende de 120 000 à 2 000 000 de francs ou de l’une de ces peines seulement, celui qui fait usage sans droit d’un titre attaché à une profession légalement réglementée, d’un diplôme officiel, ou d’une qualité dont les conditions ont été fixées par l’autorité publique ”. Nous avons déjà vu l’Etat tolérer l’activité dans ses démembrements de la Crtv et de la Sopecam d’agents en rébellion contre son autorité. Il fait de même en admettant à la couverture des manifestations qu’il organise des acteurs tout aussi en rébellion contre son autorité. Au même moment où la police, complaisamment, conforte les frondeurs dans leur rébellion en tolérant la circulation de faux documents par certains dirigeants d’organes de presse, frappés des symboles de l’Etat, et portant, tantôt la mention ‘’Carte de Presse’’, tantôt la mention ‘’Laisser Passer- Presse’’. Pourtant, fonction uniquement de la volonté politique, la solution existe pour enrayer la spirale de la désorganisation et réconcilier la nation avec sa presse décrédibilisée, désorbitée, défigurée et souillée par les affaires. Au plan général, une simple application des dispositions pertinentes de la réglementation en vigueur par tous les acteurs de la vie publique produirait aussitôt des résultats palpables. Plus spécifiquement, il suffirait au ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation de déclencher une opération de grande envergure d’assainissement du fichier “ Média ”, en réactivant l’article 7 de la loi n° 90/052 du 19 décembre 1990 relative à la liberté de la communication sociale disposant, d’une part, que l’autorité administrative, lors de la déclaration de l’organe de presse, doit recevoir “ les noms et prénom des membres de l’équipe de rédaction permanente constituée d’au moins trois journalistes ” et, d’autre part, que toute modification dans les déclarations “ est faite par écrit au Préfet ” et “ timbrée au tarif en vigueur ”. Travail qui pourrait se faire en collaboration avec la Commission de délivrance de la carte de presse qui “ dresse et actualise le fichier national des détenteurs de la carte de presse ou de la lettre d’accréditation ”.

Sam Ekoka Ewande
Publié le 03-10-2006
La Nouvelle Expression

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CAP SUR LES ECHEANCES DE 2007

 


On frétillait d’impatience. Après la qualification au point d’achèvement de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (IPPTE), on se perdait en conjectures pour en fixer l’échéance. Les augures supputaient. Quelques-uns le prophétisaient pour l’avant 20 mai. D’autres pour juin. D’autres encore pour juin-juillet. D’autres, enfin, pour la mi-juin 2007, après les élections municipales et législatives de 2007. Paul Biya a surpris son monde en réaménageant le gouvernement le vendredi 22 septembre 2006. Avec l’opacité des décisions suprêmes au Cameroun, c’est en vain que l’on tenterait de trouver les balises pour expliquer le maintien, le retour, le départ ou l’arrivée de tel ou tel ministre. N’ergotons pas, par conséquent, pour essayer de déceler la logique en œuvre dans le décret du 22 septembre. Inchangée reste et demeure la structure fondamentale mise en place lors du réaménagement du 8 décembre 2004. Les équilibres régionaux demeurent : un originaire d’une province, d’un arrondissement ou d’une même famille en chasse un autre et devient son substitut numérique. De même les équilibres politiques : on puise abondamment dans le terreau politique du Rdpc, parti du chef de l’Etat ; mais il y a encore et toujours place pour les dirigeants des entreprises politiques répondant à des stratégies personnelles : Maïgari Bello Bouba (Undp), Augustin Frédéric Kodock (Upc-K), Dakolé Daïssala (Rdr), Hamadou Moustapha (Andp). On peut évoquer la restauration de l’autorité du Premier ministre, le renvoi du Robin des Bois de l’équipe précédente en la personne de Benjamin Amama Amama tour à tour opposé à Ephraïm Inoni (affaire du concours d’entrée à l’Enam), à Haman Adama (recrutement de 5000 instituteurs vacataires), à Urbain Olanguéna (recrutement de personnels de la santé), à Polycarpe Abah Abah (paiement des candidats admis à l’Enam en marge de la réglementation) ; une nouvelle impulsion à certains départements avec l’arrivée de nouvelles personnalités. On peut aussi évoquer l’arbitrage présidentiel sur les conflits opposant le ministre de l’Economie et des Finances à son ministre délégué, Henri Engoulou ; Remy Zé Meka à son secrétaire d’Etat à la gendarmerie, Jean-Marie Aléokol. Mais ce serait pour s’étonner aussitôt de la banalisation des querelles opposant Louis Bapès Bapès à Catherine Abéna, F.A. Kodock à Clobert Tchatat et, surtout, du pugilat offert par le “ clan de Zoétélé ” où Polycarpe Abah Abah, Remy Zé Meka et Mebé Ngo’o se livrent à une véritable guerre de tranchées. La signification est ailleurs. Dans l’échéancier : après la première revue post point d’achèvement des institutions de Bretton Woods - il a fallu jauger leurs intentions sur la possibilité de desserrer l’étau de l’austérité budgétaire face, d’une part, aux grognes à répétition enregistrées ces derniers temps, et, d’autre part, à la plus que parfaite exécution du budget qui, au 31 août 2006, se présentait comme suit, en termes de réalisations semestrielles : Recettes totales, 970,4 milliards, dépassant de 45,4 milliards de F Cfa les prévisions ; dépenses totales : 850,2 milliards de F Cfa, en retrait de 104,8 milliards de F Cfa. Dans le maintien de l’équipe gouvernementale jugée pléthorique par les bailleurs de fonds internationaux qui en exigeaient la réduction à 27 membres. Le cap étant désormais mis sur les échéances électorales qui se profilent à l’horizon 2007, notamment les législatives et les municipales, voire les régionales et les sénatoriales qui se préparent activement. Et bien conscient de ce que lesdites consultations électorales se joueront sur les thématiques de la paupérisation exponentielle de la population et de l’aspiration des Camerounais à l’égalité dans le bonheur et dans le malheur, Paul Biya a remis en selle un gouvernement de campagne. Pas de quoi faire hurler de joie le tandem Fmi-Bm qui ruminait encore les difficultés rencontrées lors du récent séjour (du 28 août au 13 septembre 2006) au Cameroun sous ajustement structurel.

L’ajustement structurel consiste, selon l’article 1 de la Charte du Fmi, à ‘’favoriser la croissance équilibrée du commerce international’’. Les mêmes statuts disposent que l’institution chargée de la politique d’ajustement doit adopter des politiques visant à aider ses membres à résoudre leurs problèmes de balance de paiements. Ils précisent, instaurant, par le fait même, le chantage économique sur les politiques macro-économiques des pays endettés conformément aux intérêts des créditeurs internationaux, et consacrant l’intervention et la prééminence du Fmi dans la définition des politiques économiques des pays emprunteurs, que le Fmi prendra “ des mesures appropriées pour l’usage temporaire qui sera fait de ses ressources ”. Le programme d’ajustement structurel devient, ainsi, la meilleure et l’incontournable garantie qu’un pays pourra rembourser sa dette à partir de ses recettes d’exportation dont une forte partie reprend aussitôt le chemin du Fmi et de la Bm, créanciers prioritaires, puis des banques privées réunies dans le Club de Londres, enfin des Etats prêteurs regroupés dans le Club de Paris. En clair, c’est la légitimation de la primauté du service de la dette (intérêts et amortissement du principal), le corsetage, la mise sous coupe réglée et la main basse sur les économies des nations endettées, entravées dans leurs velléités d’entreprendre une politique nationale indépendante. Accordés sous forme de soutien à la balance des paiements, les prêts des institutions financières internationales et ceux des banques régionales de développement liées à la Banque mondiale consistent en capitaux prêtés à court terme pour financer les importations ou pour rembourser des dettes. Précédée par d’âpres négociations, la réduction, sous la supervision des experts de Washington, débouche sur une ‘’Lettre d’intention’’ où le gouvernement dresse un schéma de ses priorités. Les prêts donnent lieu à une répartition des tâches entre le Fmi et la Bm ; la première s’occupant des négociations, la seconde s’impliquant ultérieurement dans le suivi de l’exécution des opérations. A caractère politique, ces prêts, jamais liés à un programme d’investissement, comme c’est le cas pour les prêts conventionnels, avec pour conséquence la démobilisation des ressources intérieures, sont accordés à condition que le gouvernement adopte un programme de stabilisation économique à court terme et des réformes de structures économiques en accord avec les exigences du prêteur. Les réalisations sont, ensuite, contrôlées trimestriellement, au moyen de revues des dépenses publiques. Refuser de se soumettre aux injonctions de politique corrective des institutions de Bretton Woods, c’est encourir les foudres des grands percepteurs de dettes : écheveaux inextricables de difficultés à reprofiler sa dette, impossibilité d’obtenir de nouveaux prêts au développement, difficile, très difficile accès à l’aide internationale. A cet arsenal répressif s’ajoutent encore d’autres pouvoirs de nuisance. Pouvoir de déstabiliser l’économie nationale par l’arrêt du robinet du crédit à court terme destiné à soutenir le commerce des biens d’usage courant. Pouvoir de fédérer et de canaliser l’agressivité de bailleurs de fonds internationaux qui, de façon récurrente, ont sollicité et sollicitent le Fmi et la Bm, non seulement pour ce qui est du recouvrement des dettes vis-à-vis des banques commerciales et des Etats, mais aussi pour ce qui est du refinancement des dettes anciennes par les institutions financières internationales, maintenant ainsi les pays du Tiers-Monde dans l’engrenage du remboursement de leurs dettes et des arriérés de leurs dettes.

Repêché in extremis à l’admission au point d’achèvement de l’initiative PPTE, en avril dernier, suite à un forcing de dernière heure impliquant le directeur général du Fmi et le représentant du Japon qui ont multiplié les instances auprès du président de la Bm, Paul Biya n’avait pu arracher la qualification de son pays qu’en contrepartie de deux faisceaux de promesses. Les premières, d’ordre économique stricto-sensu, portaient sur la stabilisation macro-économique et la politique structurelle. Sans doute, la récente revue a-t-elle permis de constater une nette amélioration en termes de préparation, grâce à la présentation par le ministre de l’Economie et des Finances d’un Tableau des Opérations Financières de l’Etat plus fiable que d’habitude. Elle a aussi permis de noter des divergences persistantes en termes de transparence financière et de gouvernance. Mais celles-ci sont devenues abyssales et irréductibles pour ce qui est de l’appréciation des réalités de l’environnement socio-économique du pays. Les émissaires du Fmi et de la Bm n’ont eu de cesse de ne s’exprimer qu’en bailleurs de fonds pressés de recouvrer leurs créances ; tandis que la partie camerounaise faisait valoir des risques d’implosion, sinon d’explosion, si les populations et les entreprises n’accédaient pas rapidement aux bénéfices des fruits de la croissance retrouvée depuis cinq ans. Par ailleurs, des clignotants oranges ne cessent de s’allumer sur les privatisations impatiemment attendues à Washington. Après une décennie de braderie joyeuse au pas de course de l’ahan, de l’industrie paisible et des sacrifices des Camerounais floués de leurs biens patrimoniaux au profit d’intérêts sordidement privés, la privatisation ne décolle pas. Entamé le 28 août 2006, le marathon dura quinze jours. On ne saurait dire, malgré le communiqué final qui constate des ‘’avancées positives’’ que la sérénité présida aux débats. L’autre faisceau de promesses ante-point d’achèvement se rapportant à des préoccupations politiques donna, également, lieu à des couacs retentissants. Jugée pléthorique par les institutions de Bretton Woods lors de la qualification du Cameroun au point d’achèvement, l’équipe gouvernementale n’a pas bougé d’un iota ; la lutte contre ceux qui, gagnant le jackpot des entreprises publiques et para-publiques - et pas seulement ceux-là -, siphonnent impunément la fortune publique est au point mort. Petite phrase de Polycarpe Abah Abah à Singapour, réagissant aux nouvelles propositions de Paul Wolfowitz, président de la Bm en croisade contre la corruption : ‘’ Le Cameroun n’a pas attendu la Banque mondiale pour lutter contre la corruption’’.

Clash, rupture, fronde ; après dix-huit années désastreuses d’ajustement structurel qui tourne au cauchemar pour les populations et les entreprises nationales, Paul Biya va-t-il engager un bras de fer avec les institutions de Bretton Woods qui dégagent une forte odeur du soufre ? Porté par une nouvelle vision politique ancrée sur des principes de solidarité, de justice, d’unité et de cohésion nationale, le président de la République se prépare-t-il à croiser le fer avec le Fmi et la Bm, assuré du soutien des populations qui souffrent le martyr, se souvenant avec amertume du temps où elles pouvaient se nourrir trois fois par jour, de celui de la société civile piaffant d’impatience quant à sa participation à la construction du destin national, enfin, de celui des entreprises étranglées par les maléfices fiscaux et fiscalo-douaniers du gouvernement offshore des manitous de Bretton Woods ? L’esclandre ne fait pas partie de l’arsenal politique du président de la République, qui ne va que, contraint et forcé, à la crise ouverte, frontale, bruyante. L’ambiguïté, oui. Il en va ainsi des Jamborées politiques : congrès extraordinaires du Rdpc - ou bien encore des Jamborées économiques du genre Comité interministériel élargi au secteur privé (Ciesp) d’abord convoqué pour les 24,25 et 26 mai 2006, renvoyé aux 26, 27 et 28 juillet, puis aux 9,10 et 11 août et, pour l’heure, renvoyé sine die. Un jour pas trop lointain, les gourous de l’économie mondiale de Washington s’apercevront que le Fmi et la Banque mondiale sont tout simplement mis entre parenthèses. Alors, ils s’apercevront, stupéfiés, que l’optimisme économique de l’indéchiffrable Paul Biya lors du discours d’ouverture du congrès extraordinaire du Rdpc, le 21 juillet 2006, n’était pas de la fanfaronnade, mais que dans le jeu de poker menteur qui se joue sur la scène internationale, le président camerounais aura tout simplement, soigneusement, omis de mentionner les ressources attendues, à compter du 15 septembre 2006, de l’exploitation pétrolière de Bakassi.

Paul Biya surfe sur l’insatisfaction, l’irritation et le raz-le-bol des Camerounais pour contraindre le couple Fmi-Bm à faire la preuve de son souci de justice et d’équité à l’égard des peuples africains et leur arracher des concessions. On sait, à Washington, à quelles extrémités l’application du Pas a mené certaines populations. Pas question donc pour le président camerounais de concéder de nouvelles parcelles de son autorité, voire de laisser libre cours aux experts washingtoniens de continuer à user à leur guise de celles déjà concédées. Pas question, surtout, de supporter plus avant d’apparaître aux yeux des populations de plus en plus éclairées par les médias, comme abandonnant son autonomie face aux institutions financières internationales. On revisite la coopération ou en fait la radiographie. Ou on dresse le bilan. On l’évalue. Cristallisant sur sa personnalité le besoin de changement qui, partout, se devine, se sursurre ou s’exprime, Paul Biya sent que ce dont ses compatriotes ont le plus besoin après presque deux décennies d’ajustement structurel haletant, c’est d’une profonde réforme. Et dans l’exercice solitaire du pouvoir qu’il affectionne, il pense, continue de penser avec un sens éthique élevé et continue de n’en rien dire. Il n’y aura pas de trémolos sur le cercueil de l’inadéquation de la thérapeutique des institutions de Bretton Woods avec les besoins de développement du Cameroun qu’on cloue, sans doute, déjà, quelque part.


Sam Ekoka Ewande
Publié le 26-09-2006
 

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