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10.01.2007
L`Histoire de Baba Simon: de son vrai nom Simon Mpecké,
MPEKE est né à l´aube du 20ème siècle à Batombé (Edéa) au Cameroun, de parents cultivateurs non chrétiens, Yomba et Iniyem Ngo Epouhe.
En 1914, alors qu’il fréquente l’école tenue par les Pallotins Allemands, il demande le baptême. Son vœu sera exaucé le 14 Août 1918 après la première guerre mondiale, par les Spiritains Français à Edéa. Il reçoit alors le nom de Simon.
Il exerce le métier d’instituteur dans des écoles de brousse puis à la mission centrale d’Edéa. C’est là, en 1921, qu’il exprimera son désir de devenir prêtre. Il rompt ses fiançailles avec la jeune fille qui lui était promise et se met à l’étude du latin avec un petit groupes d’amis.
En août 1924, ils intègrent le petit séminaire de Yaoundé qui a ouvert ses portes en Juillet 1923. Il laisse le souvenir d’un excellent séminariste, sérieux, très pieux et pacifiant. Il sera alors profondément marqué par l´exemple et la vie de Mgr François-Xavier Vogt. Il fait partie, le 08 Décembre 1935, des 8 premiers Camerounais ordonnés prêtres à Yaoundé et Douala.
Habité, dès le séminaire, par le goût de la contemplation, il avait formé le projet avec quelques confrères, d’une congrégation active et contemplative.
En 1936 il est nommé vicaire à la mission de Ngovayang où, par son engagement au côté du Père Sohler, il laissera le souvenir d’un prêtre très zélé, très surnaturel, qui fait merveille et se dépense sans compter.
Marqué par la théologie de son époque il prend alors position très fortement contre les pratiques des religions traditionnelles de la région.
Nommé en 1947 à la grande paroisse de New-Bell à Douala, il en deviendra le curé au bout d’un an. Il donnera son essor à la paroisse en développant les congrégations et confréries diverses, en soutenant les mouvements d’Action Catholique et les écoles et en étant d’une disponibilité et d’une générosité totale pour ses ouailles.
L’installation des fraternités de Petits Frères et de Petites Sœurs de Jésus dans sa paroisse et ses rencontres avec René Voilaume, le rapprochent de la spiritualité de Charles de Foucauld.
En 1953 il intègre l’institut séculier des Frères de Jésus et part pour un an faire son noviciat en Algérie.
Il sera l’un des fondateurs au niveau international de l’Union Sacerdotale Jesus-Caritas et son premier responsable au Cameroun et dans cette région d’Afrique.
Prêtre très aimé et très influent, il fût même proposé, avec deux autres, au poste d’auxiliaire de son Evêque.
Vers 1954, il ressent un appel à participer à l’évangélisation des populations Kirdi du Nord-Cameroun. Après avoir mûrement réfléchi et, porté par le dynamisme missionnaire de l´Encyclique « Fidei Donum », il deviendra, en 1959, le premier prêtre séculier Camerounais missionnaire dans son propre pays.
Après un très bref séjour à Mayo-Ouldémé, auprès des Frères de Jésus, il s’installe à Tokombéré, dans l’actuel diocèse de Maroua-Mokolo.
Vivant pour lui-même dans un total dénuement, le « missionnaire aux pieds nus » passera sa vie à lutter contre la misère « ennemie de l’homme ».
Sa vie de prière intense et son sourire devenu légendaire en faisait un témoin lumineux de l’amour de Dieu.
Par l’école, les structures sanitaires, l’engagement contre l’injustice, l’encadrement des jeunes et l’appel à la fraternité universelle, il a permis une réelle promotion des populations Kirdi. Son souci du dialogue permanent avec les responsables des religions traditionnelles en a fait un précurseur prophétique du dialogue interreligieux remis à l’honneur par Vatican II et lui a mérité le surnom sous lequel il est encore vénéré 25 ans après sa mort tant par les chrétiens que les non chrétiens : « Baba Simon. » (Papa Simon).
C’est le 13 Août 1975 qu’il s’éteint, épuisé, au terme d’une vie entièrement consacrée à Dieu et aux hommes.
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“ Baba Simon nous a donné la voie de l’école ” Tokombéré dans le Mayo Sava à l’Extrême Nord de 1959 à 1975. Son vœu était de faire connaître Jésus-Christ aux païens. Cette année 2006, marque le centenaire de naissance de cet homme de foi qui a embrassé les Kirdis, païens, sans condition…
Comment avez-vous connu Baba Simon et quels rapports entreteniez-vous avec lui ? Baba Simon, de son vrai nom Simon Mpecké, est un prêtre qui a été ordonné le 08 décembre 1935 parmi les huit premiers prêtres du Cameroun à Yaoundé. Bakoko d’origine, il était ordonné pour le diocèse de Douala. En ce moment là, il n’y avait que le diocèse de Douala et celui de Yaoundé. Les huit premiers prêtres sont sortis de ces deux diocèses : quatre à Douala et quatre à Yaoundé. Baba Simon était donc parmi les quatre de Douala. Il était destiné à travailler essentiellement dans le diocèse de Douala qui est devenu archidiocèse. Une fois qu’on l’a ordonné, on lui a confié une mission vers Kribi. Comme on a vu qu’il était un bon serviteur de Dieu, on l’a ramené dans une mission de Douala New Bell Ewondo, qui regroupait essentiellement les étrangers. Il a donc très bien tenu cette mission. Un jour, il découvre par ses lectures, sa curiosité le Nord Cameroun dans un article écrit par un administrateur européen. Et la vision du Sud était que le Nord était une région islamisée. Quand Baba Simon l’a lu, il s’est aperçu que la majorité était des païens, des Kirdis. Il s’est dit pourquoi ne pas aller aussi apporter l’évangile là-bas ? puisqu’il y a des païens. Il a donc demandé l’autorisation de partir. Mais ses supérieurs n’avaient pas jugé cela nécessaire. Parce que même à Douala, on avait besoin de prêtres en ce moment-là. Il a insisté. En 1959, on l’autorise à partir. Il est donc arrivé à Tokombéré dans la mission où il s’est investi. Il y a trouvé des populations de montagnes qui sont effectivement païennes. Il s’aperçoit que le premier problème c’est l’encadrement des enfants qui ne sont pas scolarisés. Il fait le tour des villages, enseigne la catéchèse, approche les parents, apprend les dialectes, pénètre les populations. C’est en ce moment-là que nous ses “ enfants ” lui donnons donc le nom de “ Baba ” qui signifie “ père ”, parce nous le considérions comme un père. Il nous a encadré comme un père. C’est dans ce cadre que je l’ai connu. Il m’a pris à l’âge de six ou sept ans. Depuis cette période, il s’est occupé de moi. J’ai vécu auprès de lui jusqu’à sa mort. C’est lui qui m’a mis au collège de Mazenod. C’est lui qui nous a payé toutes nos études. Malheureusement je suis arrivé à l’université en 1976, un an après sa mort. S’il avait été là, il m’aurait encadré aussi. Baba Simon nous a donné la voie de l’école.
Est-ce qu’il a réussi à s’imposer facilement dans une zone non chrétienne à l’époque ? Au Nord les musulmans sont une minorité. A cette époque, ce n’était pas permis de dire que les musulmans sont minoritaires. On sait que la majorité, 65 % de la population est païenne, ce sont les Kirdis. Quand il est arrivé là-bas, il n’a pas rencontré de difficultés majeures. L’endroit où il s’est installé, c’est un musulman qui était chef traditionnel. Il l’a accueilli. Or, il y avait un chef kirdi qui n’était pas encore islamisé. Il a repoussé Baba Simon. Il n’a pas eu de problèmes avec les musulmans. Quand il est arrivé, il s’est épanoui dans le monde traditionnel kirdi. Il a eu des difficultés d’adaptation, parce qu’il a amené les jeunes sœurs-servantes de Marie. Il avait aussi amené un jeune prêtre, le père Paglan. Ils avaient des problèmes d’adaptation climatique. Au niveau de l’alimentation, ils devaient apprendre à manger du mil. Le père Paglan a dit à Baba Simon qu’il fallait retourner au Sud pour bien se préparer. Mais Baba Simon lui a dit qu’il avait la mission d’apporter l’évangile à ceux qui ne connaissent pas Jésus-Christ. Paglan est retourné, Baba Simon est resté avec les sœurs. Ils ont ouvert l’école sous un arbre. Quand il a eu un peu d’argent, il a créé l’école de la mission de Tokombéré. En 1968, on a eu les dix premiers certifiés donc 50 % venait de Tokombéré. Il nous a mis sur la voie de l’école. S’il ne nous avait pas encadré, je ne serai pas là aujourd’hui entrain de vous parler en français.
Quand on a eu un personnage comme Baba Simon, c’est difficile de le remplacer. Est-ce que les autres missionnaires qui sont venus à sa suite sont à la dimension de l’œuvre qu’il a commencé à bâtir dans la région de Tokombéré ? C’est assez difficile de remplacer une personnalité comme Baba Simon. En 1975, quand il mourait, il comptait beaucoup sur les fils de la région qu’il avait envoyés au séminaire. Il espérait voir l’un de ses “ fils ” ordonné prêtre avant sa mort. Mais Dieu ne l’a pas voulu. Moïse a conduit le peuple juif vers la terre promise ; Dieu lui a dit ça s’arrête là, tu ne vas pas arriver. Mais cela n’a pas empêché les juifs d’arriver dans la terre promise. Baba Simon a fait son travail. Il n’a pas eu cette chance de voir un de ses “ enfants ” devenir prêtre. Sa plus grande inquiétude était : “ je vais mourir, qui va me remplacer ? ”. Entre 1970 et 1971, il y avait un jeune prêtre, Jean Marc Ela, qui était venu faire son stage de théologie. Il était à l’Université de Strasbourg. Il a trouvé Baba Simon extraordinaire. Quand il a été ordonné, il est revenu. Il s’est installé. Baba Simon a beaucoup compté sur lui. Mais Jean-Marc avait une théologie rénovée, une vision très libérale. Ce n’était pas ce que les Baba Simon ont fait en 1930. Baba Simon, l’expérience aidant, avait sa vision à lui, qui n’était pas traditionaliste ou fermée. Il a demandé à Jean-Marc de refaire la catéchèse en langue avec la nouvelle théologie. Jean Marc Ela, qui est aujourd’hui au Canada, est la première personne sur qui il a compté. En 1975, quand Baba Simon est allé se faire soigner à Paris, il a été assisté par un prêtre français, Christian Aurenche, qui à l’heure actuelle est en place à Tokombéré. Sa particularité c’est qu’il était en service militaire en République Centrafricaine en suivant ses études de médecine. Il a fait escale à Tokombéré où il a constaté que Baba Simon était un prêtre hors pair, quelqu’un d’inimaginable. Ça l’a beaucoup impressionné. Après ses études de médecine à Paris, Christian Aurenche a demandé comme vocation tardive à devenir prêtre. C’est lui qui, aujourd’hui, est là. Il était au chevet de Baba Simon à Paris, ils se sont dit des choses. Quand Baba Simon est décédé, il a accompagné sa dépouille, et il a demandé de servir à la mission de Tokombéré. C’est comme ça que Christian Aurenche est arrivé, même si ce n’était pas facile avec Jean-Marc qui était là. L’héritage de Baba Simon, son miracle, c’est d’avoir permis à ce que ses œuvres soient suivies par un prêtre qui ne l’avait connu que de loin. Depuis 1975, au mois d’août, on organise une semaine en souvenir De Baba Simon. Puis Njawé était d’ailleurs invité là-bas une fois. Si vous allez aujourd’hui à Tokombéré, les jeunes de dix ans vous parlent de Baba Simon avec vivacité. Ça c’est vraiment ce qu’il y a de plus important comme héritage. Je pense qu’à travers Christian Aurenche, Jean Marc Ela, on continue ce que Baba Simon avait commencé.
Quel est le meilleur souvenir que vous gardez de lui ? Baba Simon pour nous reste un grand. On peut tout y mettre. C’est un père spirituel ; celui qui a aimé les Kirdis sans conditions. Il nous a aimés pour nous, en relation avec Dieu. Ce que je retiens de lui, c’est le respect de l’autre. Quand il est arrivé, il a trouvé que dans les montagnes, Dieu n’était pas ignoré ; Dieu existait. On avait des prêtres traditionnels qui font des sacrifices pour servir Dieu. Il a trouvé que les Kirdis respectent Dieu, qu’ils ont un ordre religieux bien précis. Il s’est dit, les Kirdis connaissent Dieu, mais pas Jésus-Christ. Le meilleur souvenir que je garde de lui, c’est celui d’un prêtre qui nous a conduits.
Par Propos recueillis par Christian LANG et Joseph Flavien KANKEU Le 10-01-2007
Pour plus d´informations, visitez: www.babasimon.com
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