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11.07.2011
Propositions pour un Modèle de Nouvelle Gouvernance des Sawas
Tentative de définition d’une stratégie de reconquête de l’espace politique, social et économique par les sawas au Cameroun à compter de 2011.
Constat:
Depuis un peu plus d’une vingtaine d’années, les sawas font partie des communautés camerounaises les plus désorganisées et les plus exposées au risque de disparition. Ils ne sont pourtant ni logés à plus mauvaise enseigne, ni affrontés à pires difficultés que les pygmées des forêts du centre-sud camerounais ou les populations pauvres de l’extrême nord du pays. Dans le Cameroun de ce début de XXIe siècle comme celui de la fin du XXe, la voix des sawa est devenue à peine audible. On peut ainsi affirmer sans risque de se tromper, que cette communauté est réduite au statut de portion congrue du paysage politique, social, économique, voire culturel du Cameroun.
Quels que soient les secteurs (public ou privé, marchand ou non profitable), les regroupements (associations politiques ou apolitiques, syndicats, organisations patronales, tontines, réunions d’entraide et d’assistance, etc.), les entreprises, les confessions religieuses, les professions et métiers, considérés, la voix des sawas ne se fait entendre à l’occasion d’aucun débat d’envergure nationale ou même régional. Pire elle n’existe même plus au plan strictement local (intra communautaire).
L’insignifiance de la représentativité des sawas dans le forum national ne le dispute qu’à leur incapacité à se projeter dans le concert des communautés qui constituent la société camerounaise d’aujourd’hui.
Les principaux maux auxquels les sawas tous départements confondus (Wouri, Moungo, Sanaga Maritime, Nkam, Océan, Fako, etc.) sont confrontés sont les suivants: - chômage et sous-emploi endémiques, - analphabétisme galopant et éjection prématurée des jeunes des systèmes nationaux d’éducation et de formation (enseignement de base, secondaire, supérieur, formation professionnelle), - alcoolisme, l’oisiveté et dangereuse exposition aux grandes pandémies, maladies infectieuses, MST , etc. - habitat précaire et insalubre, - naissances non désirées avec leur corollaire d’interruptions de grossesses plus ou moins volontaires, généralement dans des conditions hasardeuses , - développement exponentiel de la paupérisation et de la délinquance, - faiblesse institutionnelle et délitement de la plupart des instances coutumières, - interminables querelles de légitimité qui agitent régulièrement les chefferies traditionnelles, - etc.
Face à cette situation, les sawas n’ont jusqu’alors pas su trouver de réponse idoine ni au plan communautaire (ce qui serait l’idéal) ni individuel (ce qui pourrait être un moindre mal) : - ils ne disposent d’aucun cercle de concertation reconnu par eux tous et partant, auréolé d’une légitimité certaine, - ils sont confrontés à des problèmes criards de leadership, - ls ne se retrouvent pas autour d’un seul et même discours unificateur et fédérateur, - ils se complaisent dans les vacuités et les spécificités de leurs microcosmes respectifs (bassa, bakaka, yabassi, bodiman, duala, balong, pongo, ewodi, bankon, basso, mbo, balong, etc.), - ils ne connaissent pas ou que peu, le mode de fonctionnement de la société camerounaise actuelle et restent pour la plupart du temps figés dans la mièvre et non moins naïve évocation du glorieux passé de leurs ancêtres.
La société camerounaise cependant est en permanente mutation et se trouve agitée du fait de forces et tendances contradictoires, que la grande majorité des sawas repliés dans leur atavisme, non seulement ne parviennent pas à décrypter, mais encore à simplement soupçonner.
On distingue parmi ces forces et tendances celles qui ont une connotation qu’on pourrait qualifier de « positive », et dont les sawas auraient intérêt à tirer partie: - tentatives plus ou moins crédibles de l’Etat de restaurer la moralité et l’éthique publiques, - luttes de positionnement sourdes et forcément violentes pour le positionnement des communautés traditionnelles comme interlocutrices privilégiées de l’Etat, de son administration pour le choix de postulants au pouvoir central, - démarches individuelles ou collectives de citoyens camerounais en réponse aux multiples défis auxquels les populations camerounaises sont affrontées (santé, enseignement, sous- emploi, sous-développement social, désocialisation des jeunes, marginalisation des femmes, dépeuplement des campagnes, paupérisation galopante, etc.), - stratégies de suppléance aux carences de l’Etat en matière d’offre de services publics (maintien de l’ordre public, sécurité des personnes et des biens, accès à la santé, à l’emploi, et à l’éducation, système d’assistance et de prévoyance sociale, promotion de l’habitat social, etc.). Les tendances à connotation « négative » sont notamment : - un environnement caractérisé par l’injustice sociale, la corruption, l’enrichissement sans cause, l’impunité, la faiblesse du système judiciaire, - l’impécuniosité permanente des fonctionnaires, laquelle les expose à toutes sortes de risques de malversations, de corruption et d’actes de mal-gouvernance, - le délitement des compétences de la grande majorité des agents publics et leur incapacité à délivrer des prestations de service public de qualité, - l’incapacité de l’Etat camerounais à garantir à tous ses citoyens un identique accès au bien-être social, économique et culturel minimal (objectif pourtant clairement exprimé dans la constitution du pays), - l’insécurité frontalière et le développement du grand banditisme sur toute l’étendue du territoire national, - la dépravation généralisée des mœurs, - l’émergence de sectes de tout poil, - le désintérêt des populations pour la gestion de la cité (le politique), - les dérives et l’arbitraire en matière des libertés (liberté d’expression, liberté d’entreprendre, libertés associatives, etc.), - l’utilisation de la délation et de la dénonciation calomnieuse comme des armes de précision , - la propagation desdites délations, dénonciations calomnieuses et du tribalisme par de nombreux canaux de propagande , - etc.
Plus que jamais le Cameroun réunit les conditions d’une explosion sociale violente annoncée. Les bien-nommées « émeutes de la faim » du mois de février 2008 le prouvent à plus d’un titre.
La contestation syndicale et estudiantine est sourde et permanente, la paupérisation s’accroît, et érode les bases du corps social à telle enseigne que personne au Cameroun n’est à l’abri d’un appauvrissement et d’une descente aux enfers subits. Bref, pour emprunter à la science administrative, on peut sans coup férir affirmer que tous les camerounais ou presque vivent des conditions d’existence « essentiellement précaires et révocables ». Les sawas un peu plus que tous les autres.
Vu sous cet angle, la situation de cette communauté est indubitablement désespérée. Sur le plan micro, il faut reconnaître toute honte bue que l’homme sawa est un loup pour l’homme sawa.
En premier lieu, il a érigé le micro-tribalisme en système de pensée : - tous les autres dualas (Bonanjo, Bonebella, Bonabedi, Bojongo a Mbedi, Bonendalle) sont des proto-créatures aux yeux de nombreux Bonambella et vice-versa ; - assez souvent les autres sawas sont considérées comme des créatures de seconde zone par de nombreux dualas, au mieux ils sont des assimilés (njan) au pire des serfs (bakom) ; - les ewodi désignent les dualas principalement et d’autres peuples sawa voisins par l’expression « ba’ro ba yara » qui signifie littéralement « hommes de la brousse ».
ces quelques exemples ne sont pas exhaustifs.
Le sawa est viscéralement incliné à la jalousie, à la méchanceté gratuite dirigée contre son frère et aux prises de positions partisanes inspirées par un individualisme de bas étage. Les faits sont légions (dans toutes les strates de cette microsociété) qui le démontrent à foison : - dans le monde de l’entreprise, le premier ennemi du sawa est généralement un autre sawa, - dans le cercle familial les luttes intestines pour le contrôle des maigres patrimoines fonciers légués par leurs géniteurs sont une des premières causes de mortalité chez les sawas, - l’infidélité, l’inceste et la pédophilie sont courants, leurs auteurs comme leurs victimes se « recrutent » dans les cercles familiaux voire chez les amis proches ; mais comme le sawa est aussi un orfèvre de l’hypocrisie, les secrets sont bien cachés, - au niveau sociétal, le sawa apprécie particulièrement le nivellement par le bas par-dessus tout ; - la médiocrité et la paresse sont érigées en valeurs, le sens de l’effort et le goût du travail ne sont pas les valeurs les plus partagées ; - ceux des sawas qui travaillent dans le secteur moderne, ou ont réussi à créer des activités génératrices de revenus (même dans l’informel) sont plus honnis dans leurs propres communautés voire familles, qu’ils n’y sont promus, valorisés, montrés en exemple… « ils ont la chance, Dieu les aime trop », - quand un sawa réussit dans quelque sphère que ce soit, il y a toujours un sawa pour le dénigrer.
Empêtré dans ses tares, le sawa ne voit pas qu’il est devenu une communauté en voie de disparition. Sur les 19,5 millions d’habitants que compterait le Cameroun aujourd’hui, rien ne prouve qu’on pourrait y dénombrer plus de 250 000 sawas toutes tribus confondues de Mamfé à Kribi . Dans les années 90, une statistique ne dénombrait d’ailleurs qu’environ 40 000 dualas dans tout le Cameroun. Il faut entendre par 40 000 dualas, les dualas stricto-sensu, les ewodi, les bankon, pongo, bakaka, mbo, bakoko, les malimba, les bassa du Wouri voire ceux de la Sanaga Maritime, les balongs, etc. Même avec le renfort des bakweri, ce nombre n’augmente pas spécialement.
Notons enfin que le sawa du Cameroun des années 80 jusqu’aux cinquantenaires des indépendances a perdu la notion d’intelligence collective. Les systèmes basés sur l’intelligence collective ont pourtant l’avantage de fournir, une somme quasi illimitée de solutions pour faire face à des difficultés, contraintes ou menaces récurrentes ou nouvelles auxquelles les individus ou des collectivités pourraient être confrontés. Ces solutions sont maturées ou élaborées à partir de la somme des expériences vécues lors de difficultés, contraintes ou menaces similaires par d’autres individus et ou groupes d’individus. Peu importe que ces expériences peuvent se soldent par un échec ou une réussite. La valeur qu’elles procurent est que les individus et le groupe en tirent forcément des leçons qui leur permettent de mieux affronter de nouvelles épreuves, parce qu’ils ont appris, développé des méthodes communes de résolution des contraintes, et acquis grâce à l’ingestion d’expériences collectives de nouvelles capacités individuelles à trouver des solutions efficaces aux problèmes.
Quelles que soient les options et choix de vie, quelle que soit la manière dont les individus veulent profiter d’éventuelles synergies qui entourent un projet (résolution d’une difficulté, achat d’un logement, financement des études des enfants, etc.), quels que soient encore la capacité et le talent individuels à construire un plan d’existence, il est un mécanisme qui, bien au-delà de tout, est un passage obligé pour qu’un projet réussisse. Avant d’évoquer ce mécanisme, il faut d’abord regarder sur quoi il s’appuie pour le comprendre. Les sociétés humaines (et animales aussi) se sont développées pour une raison fort simple : plus on est nombreux, plus fort on est.
L’affirmation est triviale et péremptoire, certes, mais elle mérite que l’on s’y attarde. Elle va servir de fil conducteur à notre réflexion. De petits croquis illustreront notre argumentation. Le besoin de subsistance des individus constitue le socle de leur “désir” d’être. Seul, l´individu peut peut-être s’en sortir avec ce que la nature lui offre, mais son existence risque fort d’être une course de chaque jour à sa seule survie biologique. Il existe donc un autre vecteur, supérieur à la biologie, qui incite à faire mieux et plus, à dépasser sa seule biologie. Et ce vecteur, c’est l’élévation. Organisé en groupe les individus peuvent profiter de la synergie (donc de la facilité) du collectif pour ne pas à avoir à se dédier “corps et âme” à l’alimentaire.
Le groupe va apporter une multitude de bénéfices, selon l’intelligence que ses membres y mettront. Le caractère principal de l’intelligence collective repose sur l’organisation synergique de spécialités que chacun peut apporter, l’ensemble des synergies composant alors un “grand corps” capable d’assurer plus facilement sa subsistance et de libérer du temps à l’élévation de l’homme au dessus de sa seule animalité. Toutefois, un groupe est beaucoup moins stable qu’un individu seul. Des individus naissent, se joignent, se quittent ou meurent. A ce stade l’on repart sur le schéma initial : il faut assurer la continuité du groupe, absorber le plus possible ses instabilités, croissances, décroissances, etc. À travers la promesse de “mieux vivre” que représente le groupe, chaque individu s’inquiète donc de 2 choses principales : • le maintien de son niveau de vie, • l’envie d’avoir mieux.
L’individu est donc enclin à sanctionner les tentatives d’évolution du groupe si celles-ci ne respectent pas ou pourraient ne pas respecter ces deux contraintes principales.
Lorsqu’une tentative d’évolution transforme trop la proposition de synergie promise par le groupe, l’individu va craindre de perdre le bénéfice de la proposition de synergie en question, celui qu’il obtenait avant transformation. Si elle la transforme trop peu, il n’y verra pas d’intérêt. Lorsqu’une tentative d’évolution est trop longue à s’opérer, l’individu ne va pas réussir à projeter le bénéfice dans son propre système de représentation mentale, une sorte de désespoir de ne pas accéder au bénéfice envisagé. Si la transformation s’opère en un clin d’œil, l’individu aura la sensation qu’il ne s’agit pas d’un apport mais soit d’un non changement, soit d’un remplacement. Il s´en désintéressera ou il s’y opposera, craignant encore une fois une perte de bénéfices. Les simulations ci-dessus nous amènent à revenir à notre thème principal : l’existence, ou plutôt l’impératif d’une nouvelle façon d’exister pour les sawas. Cette nouvelle façon d’exister est une innovation, une transformation, par l’apport d’une nouveauté à ce qui est établi chez le sawa à savoir ses penchants individualistes autodestructeurs. Pour que les sawas s’emparent de cette nouvelle façon de vivre / innovation, il faut qu’elle promette un mieux vivre. Mais il faut surtout :
1. qu’elle permette d’aller le plus loin possible, le plus vite possible ... (l’impératif de mise à niveau, de rattrapage et supplantation des autres communautés camerounaises devant être réalisé dans un horizon de cinq (05) ans...) ; 2. et qu´elle soit acceptable (maintien du niveau de vie et amélioration objective). Il y a donc lieu que les sawas considérés comme individus ou pris au sens de communautés transforment leur rapport à l’existence en utilisant les synergies promises par l’intelligence collective développée à travers le groupe.
La démarche :
La démarche que nous préconisons est conditionnée par l’impératif de construire un nouveau modèle de développement des communautés sawas fondés sur la promotion de solidarités économiques durables. Nous désignons ce modèle par Nouvelle Gouvernance [des Communautés] Sawa.
Les précédentes lignes ont tenté d’établir un descriptif objectif de l’existant dans la communauté sawa, tel qu’il peut être appréhendé à l’heure actuelle. Pour des raisons de crédibilité, cette description devra être étayée de données factuelles, quantifiables et vérifiables.
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Il est entendu que le lancement des activités de la Nouvelle Gouvernance Sawa devra être effectif dans le courant du mois de décembre 2010. Il s’agit d’un objectif vital pour la remobilisation et la survie des peuples sawas dans un Cameroun envahi par les barbares de l’intérieur ; un Cameroun corrompu, perverti et tribaliste. Il est plus qu’urgent pour les sawas de comprendre que plus on est nombreux, plus fort on est.
« Dia diwo a si ma kaka dimbomba, une seule main ne peut nouer un paquet ».
Une contribution d’Ernest-Yves Etamè Ndédi
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