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07.07.2007
Juillet 1902. Mpondo Akwa, chef de la délégation du NGONDO au Reich Allemand
Telegramme des Rois Duala à l´Empereur Allemand annoncant l´envoi de Ambassadeurs Kamerunais pour défendre sur place l´expropriation abusive.
Juillet 1902. Dix huit an après l’ « annexion », probablement même jour pour jour, le Ngondo organise dans les quatre quartiers une souscription populaire, à raison d’un demi-mark par personne adulte et valide. Le produit de cette quête est destiné à couvrir les frais de voyage et de séjour, en Allemagne, d’une importante délégation ayant reçu mission d’exposer les doléances du peuple et de remettre en mains propres, au roi de Prusse, la toute première pétition duala. Cette délégation comprend :
1 – du côté Bell : le chef supérieur Manga Ndumbè et le notable Eyum’a Njembèlè;
2 – du côté de Akwa : le chef supérieur Dika Mpondo, son fils Mpondo Akwa, conseiller, et le notable Mukudi Muanguè de Bonakuamuang ;
3 – du côté Deido : le chef supérieur Epée Ekwalla et le notable Dikonguè Môni de Bonamuduru.
A la dernière minute, le chef Kum a M’bapê, de Bonaberi, avait fini par renoncer à ce long déplacement. Les Akwa et les Deido quittèrent Douala en septembre 1902, quelques jours après les délégués de Bell qui les avaient devancés.
L’essentiel de la mission accompli, le gros de la délégation s’empressa de rentrer au Cameroun, laissant seul à demeure en Allemagne, Mpondo Akwa, mieux placé que quiconque pour intéresser ses nombreux amis à la plainte du peuple duala et prendre avec eux de fructueux contacts auprès de certains milieux politiques favorables, au sein du Reichstag, à l’amélioration du traitement des Noirs dans les colonies de l’Empire.
En 1902, tout le peuple réuni en Ngondo décide par conséquent d’adresser des prestations à ce sujet à l’Empereur Guillaume II lui-même, sous forme de pétition. Le principal instigateur et meneur dans cette affaire est Mpondo Akwa, fils aîné de Dika Mpondo Akwa, l’un des principaux signataires du Traité du 12 juillet 1884. La pétition stigmatisait avec force les exactions du représentant local du Reich, le gouverneur général Von Puttkammer. En même temps, elle exigeait une scrupuleuse application de l’esprit ayant présidé à la conclusion des actes de 1884, savoir : une authentique protection des indigènes au lieu d’une autorité de fer et de terreur… Cette année 1902 précède de peu le début des mesures d’expropriation qui seront décidées à Douala par les Allemands, en mai 1906. cela avait commencé par le quartier de Bonabéri, sur la rive droite du Wouri. Ces mesures ouvriront d’ailleurs la période du grave conflit germano-duala, laquelle se terminera avec la fin effective de l’administration allemande à Douala, le 28 septembre 1914.
A partir de 1902, donc, le climat s’était déjà assombri dans les rapports entre Allemands et Duala. Les Allemands, en effet, avaient été désagréablement surpris de rencontrer auprès de leurs administrés, opposition et résistance en série, bref obstruction systématique à leurs moindres plans et projets, concernant la ville de Douala en particulier. Sans doute, ne s’y attendaient-ils que fort peu, convaincus qu’ils étaient d’avoir affaire à d’anciens pourvoyeurs d’esclaves, faciles à corrompre et à manipuler, en tout cas ayant prouvé autrefois leur extrême malléabilité.
Or, la réalité était froidement tout autre. Car, nous l’avons vu, les Duala venaient de faire l’expérience de vingt années d’administration anglaise, d’une administration par des consuls, assortie d’une autorité ferme mais paternelle et conciliante, ignorant abus et exactions, soucieuse avant tout de mettre fin à la traite des esclaves.
La transition ayant été presque nulle, l’épreuve de la toute première administration au vrai sens du terme – qu’elle fût du reste allemande ou non – devait forcément paraître très dure aux Duala. Ils la supportèrent, la mort dans l’âme. Aux exigences des Allemands, ils se mirent en devoir d’opposer des exigences. Ces raidissements réciproques de position expliquent assez clairement aujourd’hui les « méthodes fortes » qu’on reprocha aux Allemands, surtout vis-à-vis des Duala.
Or, c’est bien dans le Ngondo, âme, foyer et levain de la résistance anticolonialiste, que le peuple duala autrefois divisé à l’envi, puisa en ces circonstances des plus graves de son histoire, toute la force de sa cohésion et de son courage.
Mais revenons-en à la pétition du Ngondo auprès du Reich. Elle chargeait lourdement et plus particulièrement le représentant de l’Empire à Douala pour le Cameroun et le Togo, le gouverneur général Von Puttkammer. Sans épargner l’administrateur de la région de Douala, à l’époque, Von Brauchitsch. Le gouverneur général, lui, était le fils d’un ministre d’Etat du chancelier Bismarck et neveu du ministre de la guerre Von Papen. C’est dire de quelles puissantes protections il pouvait bénéficier. L’examen de la plainte duala dura environ trois ans. Retour de l’exposition de Berlin de 1905, le gouverneur général Von Puttkammer s’entendait rappeler sans délai en Allemagne où, semble-t-il, il devait être admis d’office de ses fonctions. Le fait est qu’il ne revint plus jamais au Cameroun. Comment s’étonner dès lors que cet ancien gouverneur général en soit arrivé à vouer aux Duala une haine mortelle, au point d’écrire au sujet de ses ennemis déclarés : « … qu’il aurait mieux valu les exterminer ou les déporter lors de l’arrivée des Allemands mais qu’il était maintenant hélas trop tard » 11. très curieusement, plusieurs dizaines de Duala seront déportés dans les années 40, vers des régions lointaines du Cameroun au climat et au régime alimentaire des plus inadaptés pour eux. Beaucoup y mourront sans plus jamais revoir Douala. Pendant ces même années 40, indépendamment de multiples arrestations policières et de nombreux cas d’emprisonnement de patriotes à Douala même, il y eut la fusillade, à l’aube, devant la « poudrière » de la ville, de Dikonguè Meetom, notable de Bonakouamouang. Motif : « germanophilie ou intelligence avec l’ennemi allemand ». C’était, cette fois, sous l’occupation française. Hélas ! Von Puttkammer ne sera plus là, peut-être même plus de ce monde, pour voir, ô paradoxe, comment son vieux rêve devait se réaliser, fût-ce en partie, mais alors pour des considérations… qu’il n’eût certainement plus approuvées, parce que diamétralement opposées à ses propres intérêts ! Pauvres Duala, inconstants et insatiables ! Voire ! A moins que ce ne fut, ici encore, la même ancienne allergie, le même « épidermisme » au même colonialisme, seul le manteau ayant changé depuis 1916…
Pour ce qui est de l’administrateur en chef Brauchitsch, conseiller du gouverneur général et chef de la circonscription de Douala, il fut, nous raconte-t-on, condamné… au paiement d’une amende de 1000 marks !
La pétition du Ngondo avait porté !
Mais, comme le dit si bien une maxime duala : Bakala na bakala ba si ma wutanê tamba. Littéralement cela signifie : « Les Blancs ne s’ôtent pas le chapeau entre eux » ; et au figuré : « Le Blanc marche toujours sur les traces de ses prédécesseurs, il tient toujours compte de leurs opinions, de leurs avis, de leurs appréciations sur les hommes et les faits ; entre eux, les Blancs ne se déjugent pas, ne se contrarient pas, même lorsqu’ils sont des ennemis avoués entre eux, et cela dès qu’il s’agit d’affaires concernant les Noirs ».
Ainsi, les successeurs de Von Puttkammer ne furent pas prêts à oublier le grave affront qu’il avait essuyé et auquel eux-mêmes pouvaient s’attendre, d’un moment à l’autre. Ils tinrent, de plusieurs manières, à venger cet illustre enfant de l’Empire. En voici une, choisie au hasard parmi tant d’autres :
Mpondo Akwa, chef incontesté de la délégation de son pays en 1902, fut obligé de rester en Allemagne jusqu’en 1911, soit pour suivre sur place les affaires de Douala, soit sur le conseil de ses amis allemands, sociaux démocrates pour la plupart. Semble-t-il, ces derniers l’avaient adjuré de ne pas retourner immédiatement dans son pays, de crainte d’être pris au filet. Dès son retour en 1911, on s’empressa de tisser contre lui toute une histoire, dans les formes classiques. Sur dénonciation calomnieuse savamment préméditée, on l’accusa d’avoir tenu des propos anti-allemands. Une procédure sommaire et expéditive le fit condamner à la déportation à Banyo d’abord, à Ngaoundéré ensuite. La déclaration de guerre le trouvera dans cette dernière ville en 1914, comme détenu politique.
Or, un jour d’août 1914, sous ombre qu’il avait tenté de s’évader de sa cellule, des tirailleurs reçurent l’ordre de tirer sur lui. Alors qu’en réalité, Mpondo Akwa allait, comme d’ordinaire, c’est-à-dire sous bonne garde, se baigner dans la rivière toute proche. Pendant des années, l’autorité administrante le porta disparu et se refusa même à révéler aux Duala le sort véritable qui fut le sien. C’est bien plus tard, à la suite d’enquêtes et recherches multiples menées par sa famille, que tout le monde fut enfin péniblement convaincu de sa mort, dans les conditions plus que tragiques qu’on connaît.
… Pour avoir, à l’exemple de son père, dit « non » au régime abject du colonialisme ainsi qu’à ses tenants !
Notes
Extrait de LE NGONDO - Assemblée traditionnelle du peuple Duala de Maurice Doumbe Moulongo
L´histoire dans le Rôle politico-social du NGONDO, voir le document de Maurice Doumbe Moulongo. LE NGONDO
The story of Mpondo Akwa 1905
Par Metu
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