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26.06.2007
Tout le monde est Bakoko ! par Suzanne KALA LOBE
Tout le monde est Bakoko !
Tout le monde est bakoko ! C’est le refrain d’une chanson du groupe antillais Kassav, qui, pour des raisons d’esthétique musicale, avait pris ce mot pour rythmer un de ces zouks dansant que les traqueurs de rythmes et d’ambiance adoraient. Le refrain est repris ici, dans ces Regards hebdomadaires, temps d’analyse et de mise en perspective pour interroger un fait. Même si celui-ci n’a pas fait la une des journaux, même si l’actualité ne s’est pas cristallisée autour d’un événement qui a eu lieu ce week-end (23 juin 2007) - l’installation du chef d’un canton Bakoko, qui a donné lieu à la réunion du Conseil des élites Elog M’po’o, doit être relevé pour analyser toutes ses composantes. Au-delà du folklore ou des paysages bucoliques que l’on peut rencontrer en partant de Douala à Yasen ou Yamejang ou même Yakalag, il y a une question sur les constructions identitaires et les procédures dont se dotent les ethnies du Cameroun - même si le terme peut parfois prêter à confusion- pour affirmer leur identité.
Les Bakoko sont un groupe culturel et historique qui se trouve dispersé, voire éparpillé dans sept départements du Cameroun, quelques provinces et qui entendent construire leur identité en exhibant chaque année, une Fête rituelle, commémorative et traditionnelle, à Edéa. Affirmant qu’ils ne sont ni Douala, ni Bassa, ce petit peuple entend construire son identité en structurant ses ressortissants à partir d’un instrument : L’Actem. Une association traditionnelle née après l’échec de la Jasam, créée en 1948 pour contrer l’Upc, puis la Jeunesse M’po’o, dans le but non explicite d’empêcher que le “sang des patriotes soit une semence du patriotisme ”. Le contexte de création de la Jasam indique bien à quel point l’imprégnation d’une nouvelle idéologie fabrique un esprit de révolte contre les enfermements traditionnels, tout en proposant aux populations du Cameroun un cahier de charges susceptible de les rassembler autour d’un projet politique qui va en droite ligne du projet politique de Rudolph Douala Manga Bell, Ruben Um Nyobè et Ernest Ouandié.
Si le problème retient l’attention de ces Regards hebdomadaires, c’est parce que la question de la construction des identités politiques passe par ces affirmations communautaristes qui traduisent une crise de représentation et de représentativité des organes traditionnels de l’expression politique. Lorsque le pays bakoko se réunit et entend définir une nuitée culturelle, malgré l’éparpillement des membres de cette communauté culturelle sur l’étendue du territoire camerounais, il y a lieu de s’interroger sur la validité des découpages territoriaux effectués de manière administrative sur le territoire camerounais qui ne tient aucun compte de la manière dont les peuples du Cameroun, définissent à la fois leur identité culturelle et mais leur place dans l’espace politique. Le week-end dernier s’est tenu le Conseil des Elog M’po’o, constitué de plusieurs associations aux fonctions tribunitienne, d’interpellation et de suivi, une association qui veut relier le peuple Bakoko, à travers le pays, au moment même où le pays se prépare au double scrutin de juillet 2007. Ce scrutin au cours duquel les populations du Cameroun vont devoir élire à la fois leurs nouveaux maires alibis que les députés, où se déroule dans le contexte d’un Cameroun travaillé par les réflexes communautaristes en même temps que les éclectismes républicains. Tandis que dans certains coins du pays, les acteurs politiques tentent de définir ce qui peut rassembler les Camerounais en brisant les barrières régionalistes ou claniques, une entité culturelle du Cameroun s’impose un devoir : celui de rassembler les siens, en créant une force culturelle, qui aurait pour but de réfléchir sur les problèmes de l’humanité en général et ceux du peuple M’po’o en particulier, de relever le défi identitaire pour affirmer que les M’po’o ne sont ni des Bassa’a, ni des Douala, et de fédérer tous les bakoko éparpilés sur le territoire pour constituer un groupe homogène et cohérent.
Si le problème est révélé, c’est parce que il y a, ici ou là, dans tout le Cameroun la même lutte identitaire, le même combat culturaliste des peuples qui composent cette Afrique en miniature, pour afficher les marqueurs qui font son identité. Mais la question qui se pose est de savoir quelle est la validité d’une telle démarche dans un pays qui cherche à construire une identité politique moderne ? Quelle est la fonction de ces rassemblements qui semblent vouloir mettre en exergue les spécificités culturelles d’un peuple, où tout le monde ne parle pas nécessairement la même langue et où tout le monde ne se retrouve pas sur le même territoire ? Même si la réunion du Conseil des Elogs M’po’o ne constitue pas en soi un événement : au sens de ce qui est en rupture avec l’ordre et qui perturbe ce même ordre sociologique. Il vient cependant éclairer sur l’état des mentalités et cultures politiques à la veille d’un scrutin, qui se veut de proximité et dont les élus devraient agir sur ce quotidien complexe et si structuré des Camerounais.
Mais tout le monde est bakoko ! N’est-ce pas une chanson des Kassav ? Car, au-delà de la façade “ démocratique” et d’une représentativité républicaine qui prône le principe “un homme, une voix ”, il y a la question nationale, et celle de la construction d’une Nation à l’heure de la mondialisation, qui a besoin de tous ses fils et de toutes ses filles pour se construire un patronyme. Mais, tout le monde est bakoko. Mais le politique peut-il, doit-il se construire sur les fragmentations communautaristes ?
Suzanne KALA LOBE
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