Photo: Le Projet Sawa Beach. Qu´est ce qu´il est devenu? Voila ce que devrait être la verge du Wouri, si les dirigents aimaient leur pays. Voila pourquoi nous sommes pour une regionalisation forte qui privilegie les ensembles autonomes(Bother Metu)
Le député du Wouri - coordonnateur national du MP - s´est saisi du dossier "Dangote" et a interpellé le Premier ministre Philemon Yang, le 29 juin dernier à l´Assemblée Nationale. Pour Jean-Jacques Ekindi, un certain nombre d´interrogations ne trouvent pas de réponses et la valse gouvernementale rajoute à la confusion. voici l´intégralité de la question orale de JJ Ekindi :
Excellence, Monsieur le Premier Ministre,
Le projet d´implantation de l´usine de fabrication de Alhadji Aliko Dangote au lieu dit "Base Elf " à Douala suscite interrogations et inquiétudes fortes.
A la suite de démarches insistantes entamées en 2008, au plus fort de la crise du ciment, le gouvernement a ouvert des négociations avec l´homme d´affaires Nigérian Alhadji Aliko Dangote en vue de la fabrication de ciment au Cameroun.
Ces négociations ont abouti le 19 Septembre 2011 à la signature de 3 conventions avec le MINIMIDT, le PCA du Port de Douala et le DG dudit port. La pose officielle de la première pierre du projet a eu lieu le même jour, marquant ainsi le début des travaux.
Dès qu´ils l´ont su, les chefs traditionnels Sawa ont, en leur temps, sollicité le déplacement de cette unité industrielle sur un autre terrain. En effet, le site en question est un espace culturel et symbolique inestimable puisque c´est celui-là même où se déroule le «Ngondo», manifestation culturelle et sacrée de la communauté Sawa dont la cosmogonie est intimement liée à l´eau et au fleuve. C´est donc un patrimoine immatériel de ces populations, et partant, du Cameroun tout entier. A cet effet, ils ont rencontré le délégué du Gouvernement de Douala, le Directeur Général du Port, le Directeur du Cabinet Civil au nom du Président de la République, et le 28 Mars 2012, c´est vous-même, Excellence Monsieur le Premier Ministre qui leur avez accordé une audience sur ce problème.
Le développement de cette affaire pose 6 niveaux de questions.
1. La volte-face gouvernementale
Pourquoi le gouvernement a-t-il accepté la construction de l´usine sur le site, puis a demandé la délocalisation de celle-ci avant de revenir sur sa position ? Tout cela n´est pas très sérieux et autorise les journaux à parler de bakchichs et de corruption. Pourquoi après avoir mis en route une mission pour la recherche d´un nouveau site, le gouvernement a-t-il annulé cette juste décision ?
2. Le peu de considération qui est fait aux résidents de la ville de Douala,
La base Elf est le seul lieu de loisirs au bord du fleuve, et un monde considérable va s´y oxygéner et s´y détendre. C´est une question de qualité de vie et de santé ; pourquoi en priver les résidents ?
Par ailleurs, Douala dispose de deux zones industrielles, l´une à Bonabéri et à Bassa, ce sont les espaces privilégiés et dédiés pour recevoir des investissements industriels. Hormis cela, de vastes étendues inoccupées dans les faubourgs de la ville permettent également d´accueillir des unités industrielles.
D´autre part, La " base Elf " appartient à la zone portuaire de Douala qui est un port d´activités générales. Y transitent donc en permanence toutes sortes de marchandises, y compris des produits alimentaires conditionnés et en vrac. Pourquoi les polluer avec une usine de ciment ?
Enfin la ville de Douala vient d´adopter son plan directeur d´urbanisme et son plan d´occupation des sols. Il n´y est pas prévu de construction d´usines dans les zones habitées ou réservées aux activités tertiaires. Pourquoi compromettre le développement de Douala ?
3. L´appui du gouvernement à un projet qui génère une vaste pollution et des nuisances de toutes sortes.
Le processus de fabrication industrielle de ciment produit une grande pollution par des émissions gazeuses (CO2 (dioxyde de carbone), gaz de hauts Fournaux), des émissions de poussières dans l´atmosphère et au sol (fines particules de ciment et de pouzzolane), et enfin des matières particulaires en suspension dans l´air. Cette pollution va terriblement dégrader l´environnement citadin immédiat et lointain (activités portuaires, bureaux, commerces, marchés, habitations, écoles etc). Les émissions de matières particulaires dont les dimensions varient entre 0,005 et 100 microns sont invisibles et très nocives dans un rayon de plusieurs kilomètres. Le marché Sandaga, le plus grand marché de vivres frais de Douala est situé à une centaine de mètres du site. Pourquoi empoisonner les populations riveraines ?
4. L´appui du gouvernement à une activité industrielle qui, dans ce contexte, représente, un risque extravagant.
A quelques 200 mètres du site se trouvent des centaines de milliers de m3 de produits pétroliers hautement inflammables et explosifs stockés dans les réservoirs de la SCDP. Imaginez-vous un seul instant qu´une explosion (l´usine comportera des fours, et tous les fours présentent des risques d´explosion) puisse mettre le feu aux installations de la SCDP ? La catastrophe de Nsam, avec ses 36 morts, apparaîtra comme un incident mineur par rapport de la déflagration qui s´ensuivra, une véritable bombe. Pourquoi prendre ce risque qui est absolument contraire au principe de précaution ? Ne devons-nous pas nous souvenir de Bopal en Inde ou de l´AZK à Toulouse ?
5. Est-ce vraiment une usine de fabrication de ciment que le promoteur entend implanter à cet endroit ?
La cimenterie Dangote projette de produire 1 500 000 tonnes de ciment par an. L´exigüité du site va contrarier l´implantation d´une telle unité. L´évacuation de la production mobilisera plus de 200 camions de 20 tonnes par jour. La difficulté d´accès ne permettra pas le stationnement des camions en attente de chargement. Les rues et espaces environnants serviront de parkings à ces gros porteurs avec toutes les nuisances que cela comporte. En outre, tous ces camions à l´entrée du pont sur le Wouri et à quelques deux à 300 mètres du Rond-point Deido ajouteront des embouteillages aux embouteillages. Alors question : pourquoi ne pas rechercher un site plus vaste et mieux adapté d´autant plus que Dangoté promet des extensions de cette usine ?
6. Quelle est cette volonté affirmée du gouvernement de placer l´usine Dangote au-dessus des lois Camerounaises ?
Depuis le Sommet de Rio de 1992 et les prescriptions du PNUE – Programme des Nations Unies pour l´Environnement – le Cameroun a internalisé le droit de l´environnement, notamment l´obligation de procéder à une étude d´impact environnementale pour tout projet d´envergure.
Voici les termes du décret du Premier Ministre n°2005/0577PM du 23 février 2005 : article 3 (2) : " En tout état de cause, les travaux ne peuvent démarrer avant l´approbation des études d´impact environnemental y relatives." . L´article 17 troisième tiret précise " -une décision défavorable emporte interdiction de la mise en oeuvre du projet."
Quant à l´arrêté N° 079/CAB/MINIMIDT du 09 Juillet 2007 du Ministre de l´industrie, Article 3 : " l´étude des dangers s´applique à tout établissement projeté par une personne physique ou morale, publique ou privée qui est rangée en première classe dans la nomenclature des établissements classés dangereux, insalubres ou incommodes ". Ce qui en fait une obligation pour Dangote. L´article 12 de cet arrêté précise qu´après étude, le Ministre peut délivrer un certificat d´approbation ou de rejet.
Enfin nous croyons savoir que la pose de la première pierre a été faite alors même que les études conduisant à la délivrance d´un permis de bâtir n´ont pas été engagées par la CUD.
En conclusion, il faudrait Monsieur le Premier Ministre, rassurer Dangote que le Cameroun est très désireux de le voir investir chez nous dans le ciment et dans d´autres secteurs. Nous l´accueillons à bras ouverts et avec enthousiasme. Il pourra bénéficier de toutes les dispositions prévues pour l´encouragement des Investissements directs étrangers et des projets structurants. Le Gouvernement, les collectivités locales ; la société civile soutiendront ses initiatives et en faciliteront la mise en œuvre dans un partenariat gagnant-gagnant. Nous sommes fiers de contribuer à l´intégration économique régionale et au renforcement des relations Cameroun-Nigéria. Mais tout cela ne peut se faire que dans le cadre de la loi et des règlements Camerounais. Si ceux-ci ne permettent pas qu´une usine de ciment puisse se dresser à la base Elf, tout sera fait pour qu´elle trouve un emplacement satisfaisant ailleurs.
Nous ne souhaitons pas que se reproduise l´incident de la cimenterie Dangote du Sénégal qui a été construite sur un terrain de la confrérie des Mourides avec la bénédiction du Président Wade. Quand celui-ci a perdu les élections, le Président Maky Sall a restitué leurs terres aux Mourides.
" Welcome Alhadji Dangote, but at the right place in compliance with the laws ".
Je vous remercie, Excellence Monsieur le Premier Ministre Chef du Gouvernement, pour les réponses que vous voudrez bien apporter à mes interrogations.
Honorable Jean-Jacques Ekindi du MP
Député à l´Assemblée nationale