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12.12.2007

Francis Kinguè, îcone de la musique camerounaise. Manu aime les bonnes choses… 

Manu aime les bonnes choses…

L´emblématique chef de l´orchestre national et ami de 70 ans du père de "Soul Makossa" évoque leurs 400 coups.
Propos recueillis par Parfait Tabapsi (stagiaire)

Comment se porte l´Orchestre national aujourd´hui ?
J´ai été appelé à injecter du sang neuf à l´Ensemble national et plus particulièrement à l´Orchestre national. Un recrutement nous a permis d´avoir une trentaine d´éléments grâce à des tests très sérieux subis devant un jury présidé par l´inspecteur général du ministère de la culture. Il y avait dans ce jury des sommités comme Adala Gildo, Mekoulou Tedjo que vous devez sans doute connaître et qui est l´ancien chef de la section musique de la police, le délégué provincial de la culture du Centre, et j´en oublie. Au bout du compte et après trois mois de stage, cet orchestre est performant.

Comment est composé cet orchestre ?
Nous comptons une quarantaine de musiciens, compte tenu des anciens et des nouveaux que nous venons de recruter. Actuellement, trois sections fonctionnent : la section traditionnelle, la fanfare et l´orchestre de variétés.

De quels équipements disposez-vous ?
Pour ce qui est de l´infrastructure, il y a tout ce qu´il faut. Nous n´avons pas besoin de luxe. Pour ce qui est de la logistique, nous disposons d´une salle d´entraînement équipée. Nous avons aussi le grand matériel de sortie qui a été commandé et qui arrive bientôt !
Sans mettre la charrue avant les bœufs, je peux dire que nous préparons également une tournée nationale. Elle est prévue pour faire le tour des dix provinces. Pour l´instant, je ne puis donner le programme, ce sont les spécialistes qui s´en occupent. Mais je pense que la tournée aura probablement lieu vers la fin du mois de janvier prochain du fait des problèmes de budget.

Rencontrez-vous des difficultés au quotidien ?
Je n´ai pas de difficulté majeure à signaler. L´orchestre est composé de jeunes qui aiment la musique et veulent arriver. Ce que je pourrais dire en ce moment c´est l´irrégularité de la paie, même si dans l´ensemble tout le monde reçoit son dû.

Venons-en à Manu Dibango. A quel moment vos chemins se sont-ils croisés ?
Je dois à la vérité de dire que nos chemins n´ont jamais véritablement cessé de se croiser. Je connais Manu Dibango depuis l´époque où nous faisions nos classes du primaire à Douala. Je signale en passant que nous sommes parents par alliance. Mon cousin germain a épousé sa cousine à lui. Sachez aussi que nous avons le même âge : lui est né en décembre et moi en avril de la même année.
Après l´école primaire donc, nous nous sommes retrouvés en colonie de vacances en France. Nous avions alors une quinzaine d´années et venions d´entamer nos études secondaires. C´était la période d´après- guerre. C´était, si mes souvenirs sont exacts dans la banlieue de Paris. Lui était au Lycée de Château Thierry et moi au collège Duruy à Bagnières dans les Hautes Pyrénées.
Les colonies étaient entièrement camerounaises. Beaucoup d´entre nous faisaient de la musique, mais juste pour le plaisir, car nos parents nous l´avaient interdit. Mon père m´a même offert un saxophone que je prenais du plaisir à jouer sans envisager évidemment d´en être un professionnel, même sur le long terme. En résumé, nous n´avons jamais cessé de nous revoir à chaque fois que l´occasion nous en a donné l´opportunité.

Comment Manu Dibango a-t-il choisi de faire de la musique son métier ?
Le mérite de Manu Dibango est qu´il a commencé à travailler le saxophone ainsi que le piano, que nous touchions tous lors de nos cours au collège, très tôt. D´ailleurs, il a eu le courage de nous annoncer un jour, pendant que nous étions aux Iles Baléares, à Majorque en Espagne qu´il ne comptait plus retourner à la faculté. Il disait vouloir faire de la musique son métier. Nous sommes là en 1957. Evidemment j´ai essayé en vain de l´en dissuader, mais lui était très motivé. Il faut dire qu´il était déjà très bon artistiquement parlant.
Un an après, nous nous sommes retrouvé lors d´un mariage d´un de nos compatriotes. Et là, il a déployé son talent avec le nouveau matériel qu´il venait d´acquérir. Il jouait déjà à l´époque au saxophone, bien sûr, mais au piano et au vibraphone aussi. Et là, il avait déjà la classe d´un professionnel. Je dois dire qu´il m´a fallu beaucoup de courage pour ne pas abandonner mes études et le suivre dans cette voie qui, visiblement, le mettait à l´aise.

Comment était-il en dehors de la scène en ces années là ?
En privé, il avait déjà son sens de l´humour, aimait les bonnes choses sans excès évidemment.

Comment l´avez-vous trouvé lors du différend qui l´a opposé à la Cmc ?
Je l´ai trouvé très extraordinairement calme. Dans tous les cas, je pense que tout ce qui est arrivé n´était pas de sa faute. Il est de ceux qui n´aiment pas l´échec, et je ne le comprends que trop bien. Il aurait bien voulu réussir à la tête de cette entreprise. J´étais de ceux qui pensaient que c´était l´homme de la situation. C´est son entourage immédiat à l´époque qui, de mon point de vue, a causé toute cette triste situation. Cela me semble d´autant plus vrai que Manu Dibango est foncièrement honnête.
Je suis particulièrement heureux que tout cela se soit bien arrangé par la suite. Que cette équivoque ait enfin pu être levée et qu´il revienne par la grande porte à la maison.

Quels souvenirs vous sont restés en mémoire de cette époque?
J´ai beaucoup de souvenirs d´enfance. Manu Dibango n´est pas un gestionnaire, mais un grand artiste. Il lui faut quelqu´un à ses côtés pour le reste. D´ailleurs, depuis que son fils s´occupe de le manager, tout va bien.
On a passé de bons moments aussi bien artistiquement que dans la vie de tous les jours. Le meilleur souvenir qui me vient à l´esprit est sans doute celui relatif à sa rencontre avec Nicole-Claire Ndoko, la mère de ses enfants. Je ne me souviens plus de la date exacte, mais je sais que c´était au milieu des années 70. J´avais à l´époque un orchestre qui portait mon nom et jouait à l´Hôtel Mont Fébé. J´avais invité Manu pour un spectacle que je devais donner avec mon orchestre à l´université. C´est au cours ou après ce spectacle qu´il a rencontré Nicole. Le reste est connu.
Toujours au chapitre des souvenirs, je me rappelle notre enfance. Nous étions alors une bande de gamins qui avaient adopté des surnoms pour ne pas nous faire repérer de nos parents. Tenez : Manu se faisait appeler Mansy Deeps ; moi-même Bill Diyam ; Francis Bebey Lester Brown ; Michel Dooh Kingué Chet Davis ; William Etéki Mboumoua Mag Williams, etc. Informé, un oncle à moi va nous réunir, bien des années après, et nous interdire ces sobriquets qui n´avaient pour lui aucun sens. Nous sommes déjà en France. Il nous rassemble donc et nous dit : " vous n´êtes encore rien, donc vous ne comptez pas. Ce qui compte, c´est votre nom de famille, celui de votre papa, car lui seul peut permettre de vous identifier ". C´est comme cela que par exemple Emmanuel Njocké Dibango est devenu Manu Dibango, que Francis Etondé Bebey est de venu Francis Bebey et que moi-même j´ai abandonné Endené Akwa pour adopter Kingué.

Quelle est votre appréciation de sa musique ?
Manu est un grand compositeur doublé d´un grand arrangeur. Comme vous pouvez le constater, il peut reprendre des œuvres composées il y a quarante ans et leur donner une nouvelle vie et une nouvelle coloration à partir des habillages plus modernes. A l´époque où j´enregistrais, c´était lui mon arrangeur attitré. Je peux donc dire qu´il sait bien habiller les musiques. Il a des couleurs qui lui sont propres et sont inimitables. Il est dommage qu´il n´ait pas par exemple poursuivi sa collaboration artistique qui n´avait fait que des heureux à travers le tube Idiba dont les deux versions sont restées dans les mémoires.

Et le musicien comment le trouvez-vous ?
Quand on devient professionnel, il faut d´abord toucher un public. On ne fait donc pas toujours ce que l´on souhaite, veut ou aime. Il y a en face des producteurs, des promoteurs, un public… Quand j´étais jeune d´ailleurs, les tubes qui rencontraient du succès étaient les plus mauvais au plan artistique.
Manu a des grandes qualités d´artiste. Il sait cibler ce qu´il doit faire pour vendre des disques. C´est le fruit d´une longue expérience. Cela fait que sa musique est suivie de par le monde. Nous parlions de souvenirs tout à l´heure. Je vous révèle donc que c´est sur mon piano qu´il a composé Soul Makossa ainsi que l´hymne de la coupe des nations que nous avons organisé en 1972.

Dans quel registre pourrait-on ranger sa musique ?
Manu est un musicien complet et donc difficile à classer. Il a fait des musiques de films, du jazz, de la salsa, du makossa… Je dirais qu´il fait simplement de la bonne variété aussi bien d´Afrique que du monde. Il est un musicien du monde.

Pensez-vous qu´il ait fait la carrière qu´il mérite ?
Sur sa carrière, je dois dire que j´ai eu peur à ses débuts. Car une carrière a toujours une part d´aléatoire. Au début, je n´étais pas très rassuré. Il a du talent mais cela doit se gérer, et cela se fait bien souvent par des gens qui ne voient que leurs intérêts. Ma peur était liée au fait que je n´avais pas la garantie qu´il s´en sortirait. Il a depuis eu le temps de me rassurer. Et maintenant que son fils Michel a pris les commandes pour ce qui est du management de sa carrière et de son image, nous pouvons être tranquille.

Le Cameroun lui rend hommage cette semaine. Cela vous semble-t-il une bonne chose ?
Je trouve l´idée belle, formidable même. Il était temps. Dites-vous bien que j´ai été parmi les premiers à le présenter aux autorités. J´ai été très heureux à l´époque de voir que tout le monde admirait son travail, le prenait en considération. Seulement à l´époque, on n´avait pas pris l´initiative de lui rendre tout l´hommage qu´il mérite. C´est bon que cela arrive quand il est encore en vie, car cela n´est pas courant en nos cieux.

Quel est votre regard sur la musique camerounaise aujourd´hui ?
La jeune génération manque de matière. J´entends par là la formation de base pourtant nécessaire. A notre époque, les établissements étaient pourvus d´enseignements liés à la musique avec des orchestres qui tournaient à fond. Cette génération est tout de même douée, profondément douée même. S´il leur était donné des notions élémentaires, pourtant essentielles dans la pratique du métier de musicien, ce serait formidable.
Les jeunes sont très limités par l´absence de formation. Je pense qu´il serait judicieux de créer les métiers de la musique. Une même personne ne pouvant être à la fois interprète, instrumentiste, compositeur, chef d´orchestre, producteur, promoteur ou distributeur. C´est trop pour un seul homme. Si ces métiers existaient véritablement, on aurait beaucoup de bonnes productions. Si en plus le peu de production qui réussit à sortir est piraté, l´on court à la dérive si ce n´est à la catastrophe. En résumé, il reste beaucoup à faire, le chemin étant encore très long.

Les mélomanes ont en mémoire les fameuses Fleurs musicales que vous avez, avec l´Orchestre national, réalisé au début des années 80. Quel en était l´esprit ainsi que les objectifs ?
Au départ de ce beau projet, il y a une volonté politique matérialisée par Guillaume Bwélé, le ministre de l´Information et de la Culture de l´époque. L´Orchestre national venait alors de naître et le ministre m´a confié cette charge en me recommandant d´y faire représenter toutes les provinces du pays. A l´époque, il n´y avait que trois provinces sur les sept qui avaient des artistes de renom (le Littoral, l´Ouest et le Centre-sud).
Je suis donc descendu dans les provinces où j´ai écouté quantité de musiques. Je les ai enregistrées aux fins de les retranscrire. Je me souviens que pour mener à bien cette charge, j´ai du débaucher le regretté Francis Ndom de l´ambassade des Etats-Unis, que je suis aller chercher un vendeur de soyas à la Briqueterie pour m´aider dans le retranscription des chansons… Au bout du compte, ce fut une belle réussite. Sur le plan artistique, ce projet a révélé des talents comme Ali Baba qui était un danseur à l´origine, Samy Mafany, Francis Ndom et bien d´autres que j´oublie.

Pourquoi n´y a-t-il pas eu de suite ?
Par la suite, j´ai été affecté à d´autres fonctions ainsi que nombre de mes collaborateurs. C´est peut-être la raison pour laquelle le projet n´a pas eu de suite. Mais comme on est en plein renouveau, nul doute que la suite va pouvoir se faire.


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Francis Kinguè : C’était bien, dit le maître. (09.10.2003)

Propos recueillis par Thiéry Gervais Gango

Un patriarche de la musique camerounaise raconte son itinéraire.

Quand et comment êtes-vous arrivés à la musique ?

Je suis né dans une famille où il y a pas mal de musiciens, Daniel Eyango entre autres. Je suis parti du Cameroun en 1947 pour entrer en classe de 6e dans les Hautes-Pyrénées en France. Mon premier copain à l’école était le fils du professeur de musique. D’entrée, j’ai touché au clavier. Au bout de trois mois, je l’abandonne pour le saxophone alto. En classe de quatrième, je vais rencontrer Manu Dibango qui s’intéresse lui aussi à cet instrument. Nous allons travailler ensemble. Nous faisons des duos de saxophone. Nous n’avions pas plus de quinze ans à l’époque. Nous avons pratiquement le même âge puisqu’il est né en décembre et moi en avril de la même année. J’avais une année d’avance sur lui en ce qui concerne le saxophone. Il s’est montré très doué. A ma grande surprise, il en fera son métier. A l’époque, lorsqu’on allait en France, il ne fallait pas dire aux parents qu’on y allait pour faire de la musique. Ma formation, je l’ai surtout faite dans la famille de mon professeur de musique dont la femme, la soeur et le fils étaient tous des musiciens. Par la suite viendront le conservatoire et les groupes que nous formions. Ma formation s’est surtout faite au collège. Elle dure de 1948 à 1956 par-là.

Qui étaient vos idoles à l’époque ?

J’écoutait surtout du jazz. Manu et moi, nos idoles, c’est Louis Armstrong, Duke Ellington, et comme saxophoniste, nous adorions John Forduis de l’orchestre de Duke Ellington. Quelquefois, il y avait Charly Parker qui était très difficile à imiter. Nos idoles étaient surtout Américains. D’ailleurs, quand nous formions nos orchestres, nous changions tous de nom. (Grand rire !) Le mien c’était Bill Binam, Manu c’était Man Titi, Francis Bebey c’était Brown.

A quel moment rencontrez-vous Francis Bebey ?

Un an ou deux après Manu. Nous nous rencontrions dans les colonies de vacances de jeunes Camerounais. Quand je parle de formation, c’est lui le guitariste du groupe. Avant nous, il jouait déjà de la guitare. Il avait une formation très avancée déjà. Nous avons beaucoup appris de lui.

Vous n’avez pas dit quel rapport vous aviez avec la musique de chez vous...

Tout en étant jazz, nous n’avons jamais oublié nos origines. Il y a toujours eu cette envie de revenir chez nous pour exploiter et valoriser notre patrimoine. Ces derniers temps, j’ai beaucoup entendu dire que Manu ne connaissait pas le pays, qu’il vivait loin d’ici. Ecoutez simplement "M’Boa". Ça veut tout dire. Malheureusement, nous n’étions pas suffisamment formés. Nous ne vivions pas les réalités de chez nous. Il a donc fallu qu’on rentre ici, en 1960, qu’on retrempe dans la réalité locale pour nous rendre compte qu’il y avait pas mal de potentialités. C’est à cette époque que je rencontre tous les géants du makossa que vous connaissez. Rameau Lobè Lobè qui m’a vraiment emballé. C’est de sa bouche que j’ai entendu pour la première fois le mot "kossa" qui a donné sa racine à "makossa". C’était le musicien le plus en vue à l’époque. C’est vrai qu’il y en avait d’autres comme Ebanda Manfred ou un certain Kossi. Je ne parle pas des ténors qui, comme Daniel Eyango à ce moment-là, sont encore jeunes et jouent au sein des orchestres bien formés. D’ailleurs, c’est lui qui dirigeait la première formation nationale au moment des indépendances.

A quoi ressemble le Cameroun en ces années 50?

Il y a une mauvaise imitation de la musique sud-américaine, le Meringué, qui fait fureur ici. Il n’y en avait que pour cette musique et pour la rumba congolaise.

Jusqu’en 1960, année de votre retour au pays, qu’est-ce que vous avez fait en France en dehors de ce que vous avez dit plus haut ?

Pendant que je poursuivais des études de lettres, il y a eu mon prix de solfège académique et le trophée de saxophone au conservatoire. Je suis devenu un professeur de lettres. J’ai mûri. J’ai grandi. Je me sius marié. Je rentre en 60 malgré moi. Le Cameroun vient d’être indépendant. Moi je prépare ma rétention militaire lorsque M. Jean Ekwabi Ewanè, ministre de l’Education nationale vient faire un recrutement en France. Un camarade avec qui j’ai fait des études pédagogiques d’enseignement secondaire à la Sorbonne m’en parle. J’aurai l’honneur de rencontrer M. le ministre qui connaissait ma famille. Il m’a dit d’aller prendre mes affaires parce que nous allons rentrer au pays. C’était tout. Un père avait parlé. Je suis parti ainsi de Paris pour me retrouver du jour au lendemain au Collège moderne de Nkongsamba que nous transformerons par la suite en Lycée de Manengouba.

Au Cameroun, c’est l’école ou la musique ?

Les deux. Je suis enseignant et j’enseigne. Mais la musique est plus forte que moi. Dès que j’en ai l’occasion, je réunis les enfants et on forme un orchestre. En 1961, je suis affecté à Yaoundé au ministère. A partir de cette année, j’ai mon orchestre et une boîte, le Black and White, qui s’ouvre. Je joue là-bas sous la direction de Daniel Eyango. Il a pris de l’âge. Un jour, il nous dit que nous devons continuer sans lui. Je deviens chef d’orchestre.

Comment le jazzman va se positionner par rapport au makossa qui monte ?

La musique que je fais à cette époque-là est bâtarde. Je ne sais même pas si c’est du makossa. J’avais surtout un faible pour le High-life. J’aimais aussi beaucoup la variété. Il y avait donc la rumba, le Tcha-tcha-tcha, la valse, le tango, des paso-doble, du slow, du Rock’n’roll et, un peu plus tard, le twist. La musique camerounaise n’a pas encore le vent en poupe. Mais nous sommes nous mêmes en admiration devant les spécialistes, dont Jean Bikoko Aladin. Mais personnellement, je n’en joue. Parce que je n’en joue pas bien.

Pourtant on va vous considérer plus tard comme un patriarche de la musique camerounaise dont le modèle phare est le makossa…

Je ne veux pas être considéré comme un patriarche du makossa. Un patriarche de la musique camerounaise en général, peut-être. A l’époque, ce qui m’intéresse, c’est de lire des notes. Les gens jouent comme cela. C’est pourquoi je vais m’investir pour enseigner la musique. Parfois au détriment des lettres...

Pourquoi le makossa a-t-il tant de mal à s’exporter ?

Je ne dis pas qu’il soit difficile à s’exporter. Simplement, je pense qu’il s’exporterait mieux s’il était souvent écrit. S’il était mieux codifié. Je ne joue pas le makossa parce que je respecte le talent des Ebanda et Eyoum. J’écrirais mieux sur son sujet que je n’en jouerais..

A quel moment la production musicale va-t-elle prendre de l’importance chez vous ?

Je ne sais pas si elle va prendre de l’importance, dans la mesure où mes tentatives vont se montrer infructueuses. A l’époque, j’ai enregistré trois disques chez Philips, l’une des plus grandes marques mondiales. Le premier disque qu’ils ont publié et qui avait pour titre " Kolo Kolo " (dur, dur en Duala) en 1969, ne m’a pas encouragé. Ils ont pris le plus mauvais. Et c’est vrai que le disque s’est vendu comme de petits pains. J’en avais un peu honte. Par contre, plus tard, j’aurai l’occasion de m’exprimer avec l’Orchestre national.

Vous arrivez à l’Orchestre national en 1978. Son histoire est marquée de vos empreintes…

Quand j’y arrive, je trouve que Manu Dibango et Francis Bebey y avaient été invités. Ils ont fait un recrutement de bons musiciens pris dans l’armée et la gendarmerie qui avaient une fanfare. Il y en avait pour une vingtaine. Par la suite, j’ai complété l’Orchestre. A la tête de l’Orchestre national, je me suis aperçu que quelques-uns avaient un embryon de formation. Du coup, je n’ai fait qu’enseigner la musique. C’était l’école. Le ministre Guillaume Bouellè qui remplace le ministre Ze Nguélé va me donner pas mal de latitude.

Avec qui menez- vous l’aventure ?

Autour de moi il y avait Archangelo de Monekok, très grand musicien, arrangeur et instrumentiste, Pierrot Tchana et d’autres jeunes gens qui avaient beaucoup de talent.

De quels moyens disposiez-vous ?

Le ministère de la Culture avait des moyens pour cela. Il y avait des orchestres qui marchaient. Les orchestres de l’armée, de la gendarmerie et plus tard de la police. Il fallait faire quelque chose de différent. L’Etat payait tous les musiciens selon un barème qui dépendait des qualifications. Les données étaient quelque peu faussées. Quant au matériel, l’Etat avait mis les moyens à cet effet. C’était un matériel de très bonne qualité qui a manqué de personnes pour l’entretenir.

Entre 1978 et 1986, il y a eu pas mal de choses non ?


Oui. Vraiment pas mal. Il y a eu du beau travail. La preuve est dans cette génération de musiciens exceptionnels qui ont, d’une manière ou d’une autre, bénéficié de cette expérience-là. C’était une époque. Mais je sais qu’aujourd’hui, cela est aussi possible. Il faut s’en donner les moyens et y croire. Il n’y a pas eu de suivi. Il n’y a pas eu de meneur. Ce n’est pas le ministre qui va descendre sur le terrain pour donner l’impulsion. Beaucoup pensent que là où ils sont, ils doivent attendre que les choses viennent d’en haut. Je n’en fais pas partie. Lorsque Nellè Eyoum est décédé, j’ai tenu une réunion, en tant que délégué provincial, pour l’organisation des obsèques. Un musicien s’est levé et m’a demandé si cela voulait dire qu’il n’avait qu’une envergure provinciale. J’ai appelé le ministre Bipoun Woum qui a accepté de se déplacer pour les obsèques.


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Le cadre accueillant de l´espace culturel Oyenga, au quartier Fouda à Yaoundé, est tranquille. Les oiseaux chantent merveilleusement, en attendant que les hommes, qui sont assis dans cette salle, n´en fassent autant. Francis Kinguè, l´un des grands noms de la musique camerounaise, est là pour ça. Il est sorti de sa retraite de Douala pour dispenser des cours de musique dans le cadre de la résidence musicale des Artistes musiciens en réseau partenaire par les emplois (Ampre), organisée par l´association Diffumusic.

" J´ai été contacté par M. Jean Pierre Bebe pour encadrer les musiciens. J´ai toujours fait ce travail d´encadrement des musiciens. Je le fais depuis l´indépendance ", lance le maître. Il ajoute : " Je trouve cela exaltant. Malheureusement, nous n´avons pas encore d´école de musique ". En attendant que soit mis sur pied un tel cadre où les jeunes pourraient apprendre la musique, l´ancien n´hésite pas à partager son expérience.
Ce lundi 24 octobre, pour la première journée de cette résidence, Francis Kinguè a décidé de rappeler aux jeunes musiciens les notions de base. Les types d´instruments, les types de voix, ou encore les différentes notes. Le tout dans une ambiance bon enfant. Une ambiance à la fois studieuse et détendue. Les jeunes, désireux d´apprendre, sont assis autour du maître qui va et vient dans la salle. Il fait par moments des annotations sur le tableau noir posé au mur, fait beaucoup de gestes et n´hésite pas à mimer des chansons.

Les élèves s´exécutent lorsqu´un exercice leur est donné. Et le maître, chaque fois qu´il faut détendre l´ambiance, ne manque pas de lancer une petite blague à l´endroit d´un de ceux qu´il appelle affectueusement ses enfants. A le voir, il aime vraiment ce qu´il fait. Mais surtout, il sait ce qu´il fait. L´expérience de Francis Kinguè pouvait se déviner à ses cheveux grisonnants, elle se lit davantage dans cette façon qu´il a de transmettre son savoir.
A 72 ans, Francis Kinguè, qui a pris sa retraite de la fonction publique camerounaise en 1993, n´a jamais abandonné sa passion pour l´enseignement : aussi bien celui des lettres que celui de la musique. "Je le ferai tant que j´aurai la force pour le faire", promet-il. Et actuellement, une quinzaine de jeunes artistes-musiciens profitent de cette science que Francis Kinguè est allé chercher là où il y a des écoles de musique.

Après ses études en France, Francis Kinguè a, à côté de ses activités d´enseignant, créé des groupes de musique à l´instar de l´orchestre Francis Kinguè à Yaoundé en 1962 ; du Big Band à Douala en 1990. Il a dirigé l´Orchestre national dès sa création en 1978 et a occupé des fonctions au ministère de l´Information et de la Culture de l´époque. Francis Kinguè se dit, à la suite de toute cette carrière, toujours prêt à servir, " comme un scout ". La suite, ce sera peut-être pour une relance attendue de l´Orchestre national.

Jules Romuald Nkonlak
 

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