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06.10.2006
Eboa Lotin comme vous ne l’avez pas connu : Protais Ayangma : l’écorché vif que j’aimais
Dans le cadre des manifestations marquant la commémoration de la 8ème édition du décès du chanteur mythique (l’on se souvient qu’il nous a quittés en octobre 1997), et en prélude aux différents concerts organisés par Tom Yom’s en hommage à son maître (le 7 octobre à Douala et le 14 du même mois à Yaoundé), nous continuons ici la série que nous avons inaugurée il y a quelques jours. A travers elle, les artistes et autres Camerounais qui ont connu le chanteur le font revivre du plus profond de leurs souvenirs.
Eboa Lotin et vous, c’est une histoire qui date de plusieurs dizaines d’années ?
Oui elle date de tellement longtemps que je ne me rappelle plus exactement du jour où nous nous sommes rencontrés. Mais je crois que c’est la rencontre de deux personnalités assez différentes au premier abord. Eboa Lotin était un grand homme au figuré et au réel.
C’est quoi un grand homme ?
Pour moi il était grand par la taille et par son humanité. Ce qui m’a frappé chez Eboa lorsque je l’ai vu pour la première fois, c’est qu’il portait le verbe très haut, il avait le propos truculent. Lorsque Eboa parlait, on ne pouvait pas ne pas l’entendre. C’est forcément quelque chose qui frappe. Ceux qui me connaissent savent que je suis à l’opposé. Apparemment rien n’était fait pour nous rapprocher, mais on s’est retrouvé, on avait des affinités et on voyait les choses un peu de la même façon. C’est pour cela que je dis que Eboa était un grand homme.
Est-ce que ce n’est pas plus compliqué de vivre aux côtés de quelqu’un avec qui on a les mêmes caractéristiques ?
Je ne cohabitais pas avec Eboa Lotin, mais je le voyais très régulièrement parce que c’était non seulement un ami, mais c’était aussi un ami de la maison et il venait régulièrement nous rendre visite. Lorsqu’il arrivait au rez-de-chaussée, il n’avait pas besoin de se faire annoncer. Du troisième étage je savais que Eboa était là. Il semait la bonne humeur et c’était les rires à tous les étages.
Qu’est-ce que vous retenez de l’œuvre de Eboa Lotin, et qu’est qui vous reste de vos rencontres ?
Je ne parlerai pas de son talent parce qu’il y a des voix plus qualifiées que la mienne pour apprécier l’œuvre d’Eboa Lotin. Mais ce que je retiens c’est l’homme. Pas dans sa dimension artistique, c’est l’homme tout court avec ses qualités et ses défauts. C’était un écorché vif, quelqu’un qui n’hésitait pas à vous dire ce qu’il pensait. Ça ne faisait pas toujours plaisir et ce n’est pas évident qu’il avait toujours raison. Il avait ce côté spontané, vrai. Ce sont les choses qui sont rares dans ce pays où l’on a toujours tendance à aller dans le sens du vent. Eboa justement faisait exception, c’est ça qui me fascinait et c’est ça que je retiens aujourd’hui.
Eboa avec son franc-parler et son langage de vérité. Mais aussi parce que c’était un ébéniste hors pair qui a su donner à sa voiture une dimension particulière ?
Eboa c’était le talent au sens plein du terme. Il n’y avait pas que la musique. Il y avait toutes les autres facettes. On pourrait aussi parler de bon comédien. C’est quelqu’un qui avait beaucoup de facettes. Ce que je retiens aujourd’hui, c’est que quand on écoute Eboa on a l’impression que la musique est facile. C’était également un parolier comme on n’en trouve malheureusement plus en ce moment. Toutes ses chansons sont une somme qui pourrait être écrite, qui pourrait être également enseignée. Je ne parlerai pas des autres aspects, mais c’était un artiste complet et accompli. Je ne comprends pas le lingala. Un tout petit peu le duala. Mais il y avait une dimension translangagiste (passez-moi le terme). On n’avait pas besoin de comprendre ce qu’il disait, on avait l’impression que ça parlait au cœur. Je n’avais pas besoin de traducteur pour comprendre le message qu’il essayait de véhiculer. Eboa a chanté en français, en duala et en lingala. Vous comprenez peut-être le lingala ?
Par Propos recueillis par Jean-Célestin EDJANGUE
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