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20.08.2006
KEMIT Conference: SURVIVANCE DE L’EGYPTE PHARAONIQUE DANS LA TRADITION AFRICAINE
C’est le thème autour duquel un débat très ouvert s’est développé, vendredi dernier, à Douala. Il en ressort la nécessité pour les Africains de s’approprier et de valoriser leurs richesses culturelles. Pour devenir des acteurs de leur existence.
Placée sous le signe du 20ème anniversaire de la mort de Cheikh Anta Diop et en hommage à Mbambog Nkot Bissek, patriarche et anthropologue récemment décédé, la conférence, qui s’est déroulée, le 11 août dernier, dans la salle de conférences de l’immeuble ex-Oncpb, à Bonanjo, à Douala, a été un vrai régal. Invités par l’Africain institute of Kemetic studies (AIKS), les conférenciers n’ont pas déçu les attentes du public. Les enseignants d’universités qui se sont tour à tour passés la parole sur le plateau ont pour dénominateur commun l’égyptologie. MM. Essoh Ngomé, Blaise Njehoya et Dou Kaya ont respectivement planché sur la parenté ethnoculturelle de l’Egypte antique et le monde bantou ; la présence d’Isis dans la tradition africaine et européenne ; la survivance du mythe d’Osiris dans la tradition africaine.
La soirée de réflexion s’est caractérisée par un retour au rituel cérémonial de l’Egypte antique. La conférence a revêtu, d’entrée de jeu, les formes de rencontres culturelles de l’Egypte pharaonique. Un groupe de musiciens battant des tambours africains et jouant d’une harpe a créé une ambiance et une animation favorables à l’expression libre de la pensée. On pour pouvait lire sur les tricots des quatre artistes cette mention : “ Si tu ne sais pas où tu vas, au moins saches d’où tu viens ”, au-dessous d’un portrait de pharaon.
Le Dr Essoh Ngomé a montré les similitudes entre les traditions et cultures bantou et celles de l’Egypte pharaonique. Il a cité le culte des morts ; le rituel funéraire ; l’autopsie traditionnelle très proche de l’ouverture des momies ; l’enterrement avec des plantes sur des parties du corps du défunt, la forme des tombes, le rituel de résurrection et le côté magico-réligieux encore présents à ce niveau de comparaison. M. Essoh Ngomé a également abordé l’aspect des techniques agricoles et architecturales ; les noms et les langues que l’étude des hiéroglyphes permet de décrypter. Il débouche sur l’existence de la parenté génétique des langues africaines et de l’Egyptien pharaonique. L’objet d’un ouvrage de Cheikh Anta Diop paru en 1977. M. Essoh Ngomé a invité le public à “ lire l’Afrique avec des yeux d’Africains. Car, tous les peuples du monde lisent l’univers avec leurs propres yeux. Ne pas se laisser embarquer par les occidentaux qui se servent de leurs religions pour détruire les racines des peuples africains ”, a-t-il précisé.
Plagiat du savoir égyptien.
Abordant dans le même sens, Blaise Njehoya a plaidé pour l’élaboration d’un logiciel qui aiderait à penser soi-même et à retrouver nos coordonnés cosmogoniques. Il a rappelé que les notions de lumière et de renaissance sont africaines. Il dénonce les Grecs et les Romains qui ont puisé le savoir en Egypte et n’ont pas eu l’honnêteté de le reconnaître. Pour lui, l’Egypte pharaonique a été victime d’un viol intellectuel, d’un vol organisé et d’un mépris inqualifiable. Dans la mesure où toutes les sciences fondamentales et appliquées, le monothéïsme et l’humanité ont une même origine : l’Egypte et la vallée du Nil.
Après avoir évoqué l’histoire d’Isis qui ressuscite Osiris avec qui elle engendre Horus et toutes les péripéties liées à cette allégorie, M. Njehoya démontre que la femme Isis est fondatrice non seulement de notre pensée théologique, mais aussi de notre système de transmission de pouvoir et de notre système politique. Toutes les religions révélées ont plagié la cosmogonie égyptienne. La vierge Marie ne serait que la vierge noire longtemps vénérée dans de nombreuses civilisations du monde. Le culte de la vierge noire étant le culte d’Isis.
Le Pr Dou Kaya a rendu un vibrant hommage au savant Cheick Anta Diop, de regrettée mémoire et au compatriote Mbombog Nkot Bissek décédé. Il va insister sur l’importance de l’œuvre de Cheikh Anta Diop qui nous a permis, à nous Africains “ de savoir d’où on vient, afin de mieux nous connaître, pour bien nous projeter dans l’avenir ”. Le retour à l’Egypte, dans tous les domaines, demeure la condition nécessaire pour réconcilier les civilisations africaines avec l’histoire et rénover la culture africaine. Dou Kaya va compléter les propos des autres intervenants et expliquer comment Isis a été la première femme qui pleure un mari (origine du rite de veuvage), qui fait étalage de la technique des tresses, qui suscite chez des artistes des créations mémorables, etc.
Au terme du débat, l’idée de s’affranchir de la mentalité d’esclave, d’accepter de traverser le désert pour trouver la terre promise, a été la plus évoquée. Les intervenants ont surtout invité le public à apprendre l’écriture sacrée (les hiéroglyphes) qui feront l’objet d’un séminaire à Douala dans les prochains jours.
Edmond Kamguia K.
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