|
07.12.2006
Le trésor que l’Allemagne doit au Cameroun
Des écoles allemandes parrainées par l’Unesco réclament la restitution de la proue princière du roi des Bele Bele.
A la veille de la fête du Ngondo, la nouvelle ne pouvait pas mieux tomber. 180 écoles allemandes parrainées par l’Unesco demandent au gouvernement de l’Etat fédéré de Bavière et au musée ethnologique de Munich d’examiner la mesure dans laquelle les insignes royaux du roi des Bele Bele, Kum’a Mbappe, " peuvent être restituées à la République du Cameroun, à travers le Prince Kum’a Ndumbe III ", descendant du souverain. Kum’a Mbappe, encore appelé Lock Priso, avait régné à Bonaberi ou Hickorytown. Siégeant à l’occasion de leur 41e assemblée annuelle à Dillingen en Allemagne fédérale, les délégations de ces écoles ont adopté une résolution allant dans ce sens le 28 septembre dernier. Les insignes royaux dont il s’agit ici sont en réalité une proue princière, un tangué ou tangu’a bolo, en langue douala. Le tangué, c’est cette sorte de proue, sculptée et personnalisée, genre de fanion qui identifie un roi chez ces peuples de l’eau.
Le tangué de Kum’a Mbappe est devenu une possession de l’Empire allemand lors de la conquête militaire du Cameroun en 1884. Kum’a Mbappe, lui-même, a été le seul roi à refuser de signer le traité du 12 juillet 1884 par lequel le Cameroun est devenu un territoire allemand. D’ailleurs, raconte l’histoire, son palais avait été incendié par les canons du navire germanique " Olga " le 22 décembre 1884. L’on a même retrouvé le journal de guerre du consul allemand Max Buchner qui avait écrit :
" Le palais de Lock Priso est mis à sac, une image colorée et saisissante. Nous y mettons le feu. Mais j’ai demandé avant d’inspecter toutes les maisons pour trouver des trésors ethnographiques. Mon butin principal est une grande œuvre sculptée en bois, la proue princière (tangué) de Lock Priso, qui sera envoyée à Munich ".
Pour les signataires de la résolution, la proue revendiquée n’a au mieux qu’une valeur artistique et historique pour l’Allemagne. En revanche, poursuivent-ils, " compte tenu de leur fonction de formation de l’identité, de repère de la tradition et de leur signification nationale, ces insignes royaux doivent se retrouver entre les mains de leurs propriétaires légitimes ". Voilà des années que le prince et professeur des universités Alexandre Kum’a Ndumbe III fait de l’activisme et du lobbying auprès des milieux journalistiques, politiques et culturels allemands pour la restitution de l’œuvre royale. Pour lui, " cette restitution est un hommage à ceux qui ont eu le courage de dire non à la domination coloniale sur leur sol, elle est un acte significatif pour que les Africains pardonnent et qu’une réconciliation sincère avec l’Europe puisse être amorcée ". Chacun sait d’ailleurs qu’un mouvement est né depuis de nombreuses années pour la restitution de bien d’autres trésors culturels africains confisqués par les colons d’hier. On ne sait pas trop où l’on en est avec la statue camerounaise Afo Akom, en " vadrouille " en Amérique. L’Ethiopie, pour sa part, a déjà obtenu le rapatriement de l’obélisque d’Axoum.
Stéphane TCHAKAM [07/12/2006]
|
|
|