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20.01.2006

Richard Ekoka Sam Ewandè: l´un des premiers hommes de medias au Cameroun 

Les jeunes générations de journalistes, passablement incultes ne se souviennent pas toujours avoir entendu parler de Richard Ekoka Sam Ewandè. Et on en a vu qui, travaillant pour des journaux à impossible parution, ont même osé remettre en cause la qualité et le statut de journaliste de ce monsieur qui fut, en son temps, directeur de radio Cameroun et inspecteur général au ministère de l’Information et de la Culture, sous henri Bandolo.

Entretien avec Claude Bernard Kinguè
Quotidien Mutations

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Il a été rappelé aux affaires en décembre 2001, alors qu’il jouissait jusque-là d’une retraite plus ou moins paisible lorsqu’il fut désigné président de la Commission de délivrance de la carte de presse. Fort en thème et aucun mot n’ayant de la mesure à ses yeux, il a aussitôt annoncé une “dératisation“ de la profession, ambition pour laquelle, on le sait, les pouvoirs publics ne lui ont pas toujours donné les moyens promis.

Le voici qui, du haut de sa grande culture et de son immixtion dans les histoire de son temps, rebondit là où on l’aurait attendu le moins. Il parle du foot avec une remarquable maestria qui ferait pâlir de jalousie les reporters à la petite semaine que l’on écoute sur les nombreuses radios Fm du pays. Il énonce également des formules chocs qui ne manqueront pas de créer la polémique. Par exemple, il estime que pour la renommée qui est celle de Eto’o Fils aujourd’hui, “il faut être vraiment charitable pour venir passer un mois avec les Lions indomptables“. On ne se lasse jamais de l’écouter; on se plaît énormément à le lire.

Quand avez-vous vu un match de football pour la dernière fois?

A la télévision il n’y a pas très longtemps. Deux semaines peut-être.
Au stade cela remonte à la Huitième Coupe, en 1972.

Doit-on penser que l’ancien secrétaire général de l’Oryx de la belle époque n’a plus le virus du football?

Vous pourriez me poser la même question au sujet de la boxe et du cyclisme que j’ai, également, aimés avec passion et que j’aime toujours. Et ma réponse serait la même: Ils n’ont pas disparu. Ils sont seulement sous trithérapie. J’ai connu de vives et affligeantes déceptions dans ce milieu. La retraite m’a paru salutaire; ensuite, les choses sont allées très vite. Suivant un match de football, je n’éprouve plus du tout les mêmes sensations que naguère. Pourtant les réflexes sont restés intactes, seule la flamme a disparu. Comme les volcans éteints, mais toujours en activité… En sourdine, de façon souterraine.

Soit. Mais si vous aviez à parler de l’évolution du football?

S’agissant du football camerounais que je connaissais très bien à une certaine époque pour en avoir été l’un des multiples animateurs au niveau des clubs et longtemps secrétaire de la Commission de désignation des arbitres sous l’ère Mbombo Njoya avec Félix Tonye Mbog, futur ministre de la Jeunesse et des Sports, futur promoteur du label "Lions Indomptables" pour désigner l’équipe nationale de football du Cameroun. Il faut dire que nous sommes partis d’une situation de football tribal à une situation de football tribal plus ou moins déliquescent.

On le voit au Tonnerre où la veuve de Martin Ongba Zing harangue légitimement, est qualité, l’équipe en déroute. On le voit à l’Union de Douala, à l’Oryx de Douala, au Fédéral de Foumban (aujourd’hui, du Noun), à l’Unisport de Bafang, jusqu’à Coton Sport.

Le football camerounais peine à s’extirper de ses limbes tribales. Après avoir tant et tant manœuvré pour faire du Canon une grande équipe, le regretté Rodolphe Mot’à Ntoné, un des rares sportifs authentiques que comptait le pays, a été purement et simplement débarqué d’un navire auquel il avait imprimé une vitesse de croisière triomphale. Le ministre de la Jeunesse et des Sports d’alors lui attribua, en compensation, la présidence de la Fédération Camerounaise de Cyclisme, puis un gentil strapontin au Comité olympique national. Le Canon, pendant ce temps, écrasait la concurrence sur la scène africaine. C’était l’époque du triomphe.

Les projets de clubs anti tribaux n’ont pas prospéré…

J’étais et continue d’être de ceux qui pensent et ressassent sans relâche que les équipes doivent émerger des gangues tribales Un homme essaya de concrétiser cette idée en un grand projet révolutionnaire. Il s’appelait Michel Njensi. Promu ministre de la Jeunesse et des Sports, il décida de la création de clubs civils destinés à participer au championnat d’élite dans les principales agglomérations du pays. Douala et Yaoundé en abritant chacun quatre. Il attribua des noms à ces formations et leur désigna des Comités Directeurs constitués par des férus locaux du football pour en assurer les destinées. Ce fut un tollé.

De la même façon et sous les risées des mêmes fossoyeurs du football camerounais fut sabordée une autre initiative porteuse d’évolution et de progrès. Son promoteur: Eugène Njo Léa. L’homme avait de sérieuses références: ancien avant-centre vedette de la grande équipe de Saint Etienne, concepteur et promoteur de l’Association des footballeurs professionnels de France, il connaissait tout où presque, tout, de l’univers du football pour y avoir vécu de longues années durant; de même, il connaissait tout de la carrière d’un footballeur pour en avoir franchi, successivement, toutes les étapes: amateur stricto sensu au Cameroun, amateur marron à Roche-la-Molière, néo-professionnel et coqueluche Saint Etienne, star sur le déclin à Lyon, puis au Racing Club de Paris –aujourd’hui Paris Saint Germain.

Manifestement, ni Njensi, ni Njo Léa n’ont été suivis…

Hélas ! trois fois hélas! Décrié, conspué et contesté jusqu’à sa compétence scientifique par des hâbleurs qui n’en avaient pas la moindre idée, Njensi a été limogé, victime de tous les conservatismes et des irrédentismes les plus pervers. Et le projet de création de clubs civils, base de toute évolution vers la modernité, renvoyé aux calendes grecques.

L’exfiltration de Njensi vers des responsabilités internationales sous l’égide des Nations–Unies fut d’autant plus déplorable pour le football camerounais que son initiative lumineuse nous aurait épargné de subir ce que nous vivons aujourd’hui : un capharnaüm où se mêlent, en inextricables écheveaux, civils, et corpos en attendant l’entrée en lice, réclamée à grand renfort d’arguties, des Forces Armées et de la Police; une cour des miracles où n’importe quelle décision peut intervenir en violation des règlements et être soumise, sans vergogne à la validation des plus hautes instances nationales, où les aigrefins et les bonimenteurs tiennent le haut du pavé tandis que les acteurs, les footballeurs, sont quantités négligeables et où tout est organisé, verrouillé et miné pour qu’il en soit toujours ainsi.

Ce triste mélange de genres constitue en réalité une chape de plomb pour notre football qui se voit ainsi privé, par un tour de prestidigitation, des ressources des entreprises; le comble étant l’évolution en championnat d’une équipe pilotée par une administration centrale. En attendant sans doute que des entités plus prestigieuses (la présidence de la République, le Secrétariat général, le Cabinet civil) de même rang (l’Administration pénitentiaire) ou des rangs inférieurs (délégation provinciale ou départementale) ne s’érigent pas, un jour en club réalisant le doublé coupe championnat. A moins que l’équipe de la présidence de la République ne décide de gagner tous ses matchs sur tapis vert.

Njensi avait eu raison tout d’abord de postuler la lisibilité de son action, de poser comme préalable à toute évolution vers la modernité, la détribalisation des clubs, d’impliciter des rubiconds catégoriels entre les compétitions civiles, corporatives et militaires. La seconde étape, inéluctable devait être celle de la viabilité économique des clubs du championnat civil. Celle-ci devait conduire à la visibilité financière: quel crime abominable pour les futurs conjurés de la Huitième Coupe, leurs thuriféraires et leurs affidés! Songeant à Galilée face à l’inquisition, le président Ahidjo préféra démettre Njensi, sans toutefois le sacrifier: il le fit fonctionnaire international.

Et qu’en a-t-il été de Njo Léa?

Les Camerounais des bords de Seine souffrent soit d’un excès de pessimisme, soit d’un excès d’optimisme par rapport à l’appréhension qu’ils ont de nos réalités. Eugène Njo Léa faisait, lui, preuve d’une belle candeur. Il pensait que la leçon de la Huitième Coupe avait été comprise. Il se trompait: La leçon avait été oubliée, nulle comprise ou tropicalisée, ce qui revient au même.

Njensi avait été sacrifiée crut-il, avant les grandes messes, les grandes oraisons, les grandes festivités de l’unité nationale vécues à travers les exploits des Lions Indomptables. Le contexte, pensait-il, avait évolué. Oui, mais pas fondamentalement. Les tribus n’avaient de cesse de s’affronter, ne fut-ce qu’à fleuret moucheté, au stade de football, à défaut de pouvoir le faire ailleurs. Et ceux qui avaient fait du football un fonds de commerce abondé par les sacrifices des joueurs et de véritables amateurs aiguisaient leur voracité aux premières mannes tombées de la Caf et de la Fifa.

En résumé, le drame de Michel Njensi, le drame de Eugène Njo Léa, tous deux étiquetés comme des loups garous qui ont voulu investir notre football, fut d’avoir cru à une utopie. L’utopie fut de s’imaginer qu’ils avaient affaire à des compatriotes qui, comme eux, aimaient le sport pour ce qu’il est: un ensemble d’exercice physiques se présentant sous forme de jeux individuels ou collectifs pratiqués en observant deux règles. Or les Camerounais n’aimaient pas et n’aiment toujours pas le sport. Sinon, le pays de Roger Milla (le plus populaire des footballeurs africains), le pays de Issa Hayatou (le président de la Confédération africaine de football), le pays de Samuel Eto’o (le meilleur joueur africain de l’heure) aurait honte des infrastructures dérisoires et misérabilistes qui sont les siennes. La mise en place desdites infrastructures constituerait un devoir régalien auquel n’échapperaient ni les municipalités, grandes ou petites, ni même les établissements d’enseignement.

Il y aurait sous l’égide du ministre en charge des Sports et l’Education physique; des compétitions pour minimes, cadets, juniors et seniors. La tragédie de Njo Léa , la même que celle de Michel Njensi, fut que face à eux, en rangs serrés, se trouvaient des requins, des magouilleurs. Et l’utilisation, à foison, des métaphores les plus vides, incapables de donner l’exacte mesure de la rouerie des obsessions, des hantises des gens bornarts tout à la jouissance individuelle au sein de la médiocrité générale en substituant leur bien être aux nobles poursuites de l’idéal achève de les confondre et de les disqualifier.

Ils avaient affaire à des prédateurs animés par des intentions mafieuses. Soucieux seulement d’improviser à toute hâte, des règlements en
contradiction flagrante avec les canons universels de la discipline à reproduire mutatis mutandis, les mêmes schémas occultes et calamiteux d’évasion des recettes des stades. Ainsi, près de quatre décennies après leur construction, les stades Ahmadou Ahidjo à Yaoundé et la Réunification à Douala dont Jean-Paul Soppo eut et promut l’idée, Mbombo Njoya étant ministre adjoint chargé de la Jeunesse et des Sports, Daniel Massuke, ministre du Plan et Jean Faustin Betayéné président directeur général de la Sni, n’ont pu ni assurer leur propre entretien, ni s’auto financer, ni sortir les clubs du marasme financier, encore moins générer les recettes pour permettre la construction d’infrastructures, ni offrir des possibilités de formation de futurs champions à la portée de tous.

Parmi les évolutions qu’a tout de même connues le football camerounais, il y a l’image d’un footballeur…

Peu reluisante au départ et brouillée par des interférences d’une société en mutation, l’image du footballeur ne cesse d’évoluer. Supplantant peu à peu nos jeux et compétitions traditionnels, le football, depuis son introduction au Cameroun, via le port de Douala, par George Goethe au début des années 20, est aujourd’hui le sport le plus populaire du pays. Il remplit chez nous trois fonctions essentielles correspondant grosso modo chacune, à une étape de son évolution. Primo, il cristallise toutes les volontés d’expression, de participation et d’affirmation de soi des tribus dans l’arène nationale avec tout ce que cela suppose de volonté de domination, de suprématie et d’hégémonie d’où les risques de déflagration. Secundo, singulièrement depuis la dramatisation à outrance de la chose politique dans la société camerounaise, il sert d’exutoire à toutes les frustrations d’ordre politique, économique, social et culturel ; c’est le lieu privilégié où les langues se délient; le seul espace où la liberté d’expression n’est pas un vain mot, surtout lorsque triomphent les Lions Indomptables. Enfin, le football est devenu chez nous, singulièrement depuis les années 70, un vecteur de propagande officielle.

Les grandes vedettes tels Lobé Collins, Ngoundo Black, Enoumedi et plus tard Samuel Mbappe Lépé (Le Maréchal), Isaac Mbetté, Moukoko Confiance, Ndoumbé France, Koum, Georges Ndo Nna Atangana qui doit être chef quelques part du côté de Mbankomo, Ndoga, Léa, Eyoum Charles n’ont jamais eu la contrepartie morale, matérielle ou financière de leur talent. Sans être du parias; ils n’étaient guère plus. Les dirigeants eux-mêmes, paternaliste et toujours sur un piédestal, n’étaient pas loin de ne voir en eux que de grands enfants sur lesquels ils étaient investis de missions tutélaires. Le Maréchal Mbappé Lépé, paix à son âme, a campé jusqu’à la mort, le rôle de personnage folklorique qui lui était dévolu.

Manifestement, il en va autrement des Lions Indomptables aujourd’hui? Avec l’avènement des Lions Indomptables, leurs participations aux phases finales de la coupe du monde et la médiatisation de leurs exploits, les chocs bon gré mal gré, (Joseph Antoine Bell qui souffrit le martyr en son temps en sait quelque chose), ont quelque peu évolué. C’est vrai pour les Lions, cela reste à démontrer par tous les autres -l’immense majorité-. Instrumentalisation à outrance, les Lions indomptables sont aujourd’hui présentés comme la mascotte du Cameroun qui gagne et qui s’exprime et élève sa voix dans le concert des Nations. Ce n’est pas dit explicitement, mais c’est tout comme: il n’est de Camerounais, il n’est de bon camerounais que les supporters des Lions Indomptables, que ceux qui s’identifient aux Lions indomptables suspendent toute activité politique, économique et sociale lorsqu’ils entrent en lice et se vautrent dans les excès des journées fériées proclamées pour célébrer leurs exploits. D’autres temps, d’autres mœurs. Reste que de mon écran de télévision, je ne vois plus de joueurs virevoltant dans les dix huit mètres adverses, affolant les défenses, semant la panique, donnant le tournis à des vis-à-vis déboussolés comme savaient le faire le maréchal Mbappé Lépé, Mbette, Ndoga, Manga Onguéné, Tokoto Jean-pierre, Léa Eyoum… Je ne vois plus de milieux de terrain de la classe de Moukoko Confiance ou de Bassagen ni de libero comme Ndoumbé France.

Pour grand qu’il soit, Samuel Eto’o, soutenu par Ronaldinho, ne me paraît pas comparable à Njo Léa servi par Rijvers, ni à Edimo Ngango (Sochaux) Ndoumb’a Mondo (Le Havre) Gabriel Abossolo, les poumons de Bordeaux. Et les Lions indomptables du Mundial d’Espagne étaient supérieurs à ceux du Mondiale d’Italie, dernière grande cuvée des Lions. Ceux d’aujourd’hui sont plus somptueusement fêtés que leurs prédécesseurs. C’est bien. A condition de ne perdre de vue que dans d’autres disciplines sportives, d’autres athlètes font aussi bien et parfois, mieux. Ils méritent les mêmes égards.

Savez-vous qu’au lendemain de l’épopée ghanéenne, l’Oryx n’a été reçu par le président de la République qu’en prélude d’un match de championnat qui l’opposait trois heures plus tard au Tonnerre de Yaoundé au stade de l’Hippodrome? Le président Ahidjo était entouré, pour la circonstance, de William Eteki Mboumoua, ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et de Sports et de Guillaume Nséké, Inspecteur fédéral d’Administration du Centre–Sud. J’ai pris part à cette fête quasi familiale où il fut servi un apéritif sous les sonorités de la guitare de Lobé Lobé Rameau.

Sans plus?

La victoire de l’Oryx avait certes, un retentissement national. Mais lorsque vint le moment de défendre le titre, ce fut sans la moindre assistance des pouvoirs publics. Au contraire, nous perdions à Yaoundé le bénéfice de tous les billets de la tribune officielle ce qui nous conduisit à faire jouer les autres rencontres au stade Akwa. Nous ne devions compter que sur nos propres ressources-recettes des stades, contribution des dirigeants -pour affréter l’avion devant assurer nos déplacements à l’extérieur de nos frontières, faire face à toutes les dépenses inhérentes a de telles odyssées. Ce fut avec le canon qu’enfin, l’on prit conscience de la nécessité de venir en aide aux clubs appelés à défendre le pavillon national dans les compétitions internationales. C’est une bonne chose; mais nous venons de loin.

La considération dont jouit aujourd’hui le footballeur auprès de l’opinion publique, particulièrement le footballeur professionnel, ne tient-elle pas davantage à ses revenus, qui sont généralement plus confortables que son patriotisme?

Le professionnalisme est une école de vie. Le joueur prend conscience de son statut social qui, dans la civilisation de loisirs dont les premiers signes avant-coureurs datent de l’expansion de la télévision, est une vedette, une star au même titre que le réalisateur de cinéma, le comédien ou le chanteur. Donnant à rêver, il est payé comme tous les marchands de rêves. Parfois cher et parfois très cher, selon le nombre de personnes qu’il entraîne dans son tourbillon et qui le plébiscitent, l’ovationnent ou lui font un triomphe. Admiré, acclamé, adulé, le footballeur professionnel fait envie et surtout, fait des émules. Evoluant dans un contexte éminemment concurrentiel, il aiguise ses réflexes de survie, comprend son autonomie, acquiert, revendique et exprime son indépendance.

Une indépendance qu’il mord à pleines dents et savoure avec d’autant plus d’exubérance qu’il mesure les sacrifices consentis pour la conquérir: les équipées transcontinentales, les embardées, les maigres pitances des premiers contrats, les négociations avec les requins.

Il y a peu de place pour le patriotisme dans le combat quotidien du footballeur africain de haut niveau. Il faut, définitivement, quitter le registre de la sensiblerie qui sonne creux pour tous les protagonistes sérieux et parler juste et clair.

Y a-t-il un cas particulier pour illustrer?

Demandez donc à Patrick Mboma si sa mission à Barcelone auprès de son ami Samuel Eto’o était des plus aisées et s’il avait trouvé face à lui un jobard. A travers les déclarations embrouillées, gênées et embarrassées de son algarade via les médias avec le ministre des Sports et de l’Education physique, Samuel Eto’o veut que l’on sache qu’il ne doit sa notoriété qu’à son talent et à ses efforts que déjà, prophète en son pays -puisqu’il a été fait commandeur de l’Ordre de la valeur, âgé seulement d’une vingtaine d’années, distinction qui ne peut normalement être attribuée aux plus grands commis de l’Etat qu’après plus trente années de bons et loyaux services-. Il est aussi une star internationale qui mérite respect et considération. En se rendant à la fête africaine du ballon rond qui, en cette année de Coupe du monde –compétition dont il est privé- il reste professionnel dans ses objectifs: réduire l’écart quasi abyssal 956 points contre 190, qui le sépare encore de Ronaldinho au classement Fifa, voire rattraper et surclasser le Brésilien. Dans ses priorités, se servir du tremplin de la Can pour confirmer ses prétentions pour un autre Ballon d’or africain consécutif, faire au passage, le plein des suffrages africains pour la prochaine timbale de la Fifa et obtenir une substantielle prime pour les risques professionnels de textes natures liées à sa participation au tournoi.

Sa carrière d’athlète de haut niveau, le footballeur professionnel la sait irrémédiablement de courte durée: une dizaine d’années; une quinzaine tout au plus lorsqu’il l’entame, comme Pélé, à dix sept ans. Car la trentaine passée de deux ou trois ans, personne n’est plus bon pour le haut niveau: des générations montantes plus alertes en jambe vous poussant à la touche ou au ridicule. De courte durée, sa carrière est aussi aléatoire: un incident malheureux suffit pour la briser, irréversiblement. C’est donc quelqu’un qui sait que ses jours sont comptés, et qu’il peut inopinément avoir à quitter la scène. Avec frénésie, il recherche donc l’amélioration de sa situation, hanté par l’idée de devoir céder la place à plus performant que lui. Et tout le reste n’est que supputations, conjonctures, contes et feuilletons pour bonnes lunes en mal d’émotion.

Mais pour lui, l’essentiel, -le salaire, les primes, la notoriété- est désormais ailleurs: à Barcelone, à Madrid, à Milan, à Londres ou à Manchester où siègent les clubs cossus. Lorsqu’on est un joueur de la trempe de Samuel Eto’o, lorsqu’on est comme il l’est flanqué d’une armada de conseillers, on ne confond pas l’ombre avec la proie. Il faut alors qu’il soit vraiment charitable et bon enfant pour songer à déserter son club pendant un mois pour se mettre à la disposition des Lions indomptables.

Autant d’argent pour jouer, n’est-ce pas quelque peu irresponsable au regard de la pauvreté ambiante?

Prenez conscience de ce qui se passe dans la tête d’un Lion Indomptable quand il vient jouer pour le compte de la sélection nationale: les primes de matches perdus, les risques professionnels qui sont légion et variables selon les individus. N’essayer pas de l’accabler des péchés du monde.
Il y a chez nous comme un paradoxe. D’un côté, les écoles de football se multiplient, parce qu’on reconnaît que pour être un bon footballeur, il faut certes le talent, mais davantage de travail. De l’autre côté, la mentalité magique imprègne encore fortement le foot.

Tout baigne dans l’occultisme dans le football camerounais: les hommes, les infrastructures, l’argent et surtout l’argent. La croyance et l’invocation des forces occultes pour la concrétisation de certains projets et la réalisation de certaines passions par la pratique de certains rites permettant de produire des effets contraires aux lois naturelles font partie du contexte anthropologique africain. En même temps que l’athlète s’entraîne, il sait que les accomplissements n’interviendront qu’avec le concours des forces occultes qui devront neutraliser, vaincre ou anéantir celles déployées par la partie adverse.

C’était la croyance à l’ordre du jour du temps de Mbappé Lépé, C’est encore et toujours la croyance aujourd’hui, aussi bien au niveau des clubs qu’au niveau de l’équipe nationale confère tout le folklore qui l’accompagne. L’école de football, les centres de formation, c’est bien. Mais l’adversaire peut vous paralyser, réduire à néant vos capacités techniques, vous tenir sous le charme, sous hypnose: telle est la croyance générale.

Du temps de sa gloire, l’Oryx était particulièrement réputé être doté de pouvoirs mystiques…

Cela fait partie de la Légende de L’Oryx. Chaque grand match, chaque exploit était rapporté de manière fabuleuse à des supporters béats qui obligeaient le conteur à en rajouter. Finalement, tout se passait sur des plans invisibles auxquels la commune humanité n’avait pas accès. Avec des escapades échevelées au Mont Manengouba, au Coupé ou encore au Mont Cameroun et carrément des poursuites et des fuites sur la Lune.. ; Souvent vous étiez bien incapable de reconnaître le match auquel vous veniez d’assister.

Tous les clubs, et pas seulement l’Oryx, avaient, dans leur budget une rubrique "medic", entendez médicaments. C’était un gouffre. L’Oryx avait son spécialiste, mais d’autres initiatives lui adjoignaient bon gré, mal gré des larrons en quête de clientèle.

Qui était ce monsieur qu’on disait travailler pour l’Oryx, le surnommé Ekélékété?

Bruno Nfon Priso, grand initié, père du "Jéméa", la volonté ou, mieux, la rage de vaincre de l’Oryx, personnage légendaire s’il en fut qui avait la réputation d’être l’artisan de toutes les grandes victoires de l’épopée de l’Oryx grâce à des prouesses qui tenaient des exploits des héros de mythologie. C’était exagéré, sans doute. Mais Bruno Nfon Priso, l’oncle Nfon, savait galvaniser son monde, stimuler les énergies latentes, donner le sentiment d’invincibilité et d’irrésistibilité à des joueurs hors pairs et qui évoluaient, le plus souvent, à deux ou trois degrés de compétence au dessus de la plupart de leur vis-à-vis.

Mais sa magie, puisqu’il faut l’appeler ainsi, resta inopérante à la fin des années 60, lorsque le vieillissement commença à faire son œuvre, rendit vulnérable les fortifications défensives érigées par Donnat Missipo, l’entraîneur mascotte, moins redoutable, moins incisif et même poussif, le magistral quintet offensif du président Ebénézer Moukouri Ndoumbé dont le brio enthousiasmait la foule, tandis que son forcing, sa pression permanente et sans cesse croissante faisait craquer et battre la chamade les défenses les plus aguerries.

Mon cousin Jean-Paul Soppo Priso -neveux de Bruno Nfon Priso- qui sans être membre du bureau en était sans doute le principal inspirateur, ancienb sociétaire du Stade Français, club de deuxième division française où il eut pour partenaires Rodiguero au Stade Français, et moi avions trop de déférence pour le grand manitou de l’Oryx, pour oser élever la voix contre des pratiques qui nous inspiraient beaucoup de scepticisme. Un jour, quelqu’un se plaignait de notre réserve et le Président Paul Soppo Priso, solennellement nous convia à un entretien et nous remonta sévèrement les bretelles.

L’imprégnation des mentalités par des croyances magiques était telle que, devant jouer à Yaoundé où nous avions, Jean-Paul Soppo Priso et moi-même, implanté un puissant comité d’accueil, la liste ne nous était jamais présentée par l’entraîneur. Tout le monde s’attelait à sa composition, c’est-à-dire majoritairement, des supporters qui, résidant à mille lieux du siège de l’équipe, n’avaient pas la moindre idée, ni de la forme des joueurs, ni de leur assiduité aux entraînements, ni de leur aptitude à s’intégrer dans la stratégie définie par l’entraîneur. L’idée sous-jacente fondamentale était que de sa résidence de Bonadoumbé, Bruno Nfon Priso jouait le match dans l’astral.
Un jour, tandis qu’à Douala nous devions jouer contre une minable équipe, un de nos membres venant de Buéa où il avait achevé un séjour chez ses oncles maternels se présenta avec un quidam. Celui-ci était, affirmait-il, capable de poser le Mont Cameroun devant nos buts, leur assurant l’inviolabilité, capable de rendre nos joueurs insaisissables par les adversaires et, cerise sur le gâteau, capable aussi de nous aligner une équipe d’homoncules invisibles qui marquerait pour nous tous les buts désirés. Croyant à une plaisanterie, je m’inquiétai alors de savoir pourquoi nous nous échinions à constituer une équipe et s’il lui paraissait normal de gagner des matchs dans ces conditions. Que pensez-vous qu’il arriva? Le sorcier fut engagé.

Mentalité magique, intérêts obscurs… A votre avis, le professionnalisme a-t-il quelque chance de s’établir au Cameroun?

Vous me demandez de prophétisez, je ne suis pas prophète.
 

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